Gwen Leclainche : « J'arrête avant de faire l'année de trop »
Mi-octobre, Gwen Leclainche a reçu un contrat de deux ans de la part de la ProTeam Wagner-Bazin-WB, née de la fusion entre WB-Bingoal et Philippe Wagner-Bazin où il évoluait depuis deux ans. Mais le Savoyard de 24 ans a préféré s’arrêter-là. Il explique pourquoi à DirectVelo.
DirectVelo : Pourquoi as-tu choisi d’arrêter ta carrière alors qu’un contrat de deux ans t’attendait ?
Gwen Leclainche : J'étais en Continentale, je voulais passer à l’échelon supérieur. Vu ma saison, c’était chez Wagner ou rien. Je voulais aussi rester dans cette équipe car c’est grâce à Philippe Wagner que j’ai gagné des grosses courses et que j’ai pu passer pro. En cours de saison, j’ai décidé de ne pas faire une longue carrière quoi qu’il se passait. Le vélo ne correspond pas à ma vision de la vie de famille. C’est un métier passion qui prend tout ton temps et toute ton énergie. C’est beaucoup de sacrifices et de contraintes, alors je savais que je ne ferais pas ça jusqu’à mes 30 ans.
« LE SPORT, C'EST DU LONG TERME »
Et finalement, tu t'arrêtes à 24 ans…
Je me posais la question de refaire ou pas un an sauf qu’en ProTeam, ce sont des contrats de deux ans quand tu es néo-pro. Je ne me sentais pas de refaire deux ans, je ne voulais pas démissionner en cours de route, ni me dégoûter du vélo qui est ma passion, ou mettre l’équipe dans la merde en arrêtant du jour au lendemain. Et même si je faisais une saison entière, il aurait fallu démissionner et travailler directement car je n’aurais pas eu de chômage. Là, je suis en contrat jusqu’au 31 décembre, j’ai un mois et demi encore pour souffler et trouver un nouveau métier. J’ai quelques pistes mais rien de sûr encore.
Est-ce qu’il y a eu un déclic ?
Ça a été ultra progressif, j’avais moins envie de m'entraîner en cours de saison surtout que j’avais décidé comme je l’ai dit que je ne ferais pas une longue carrière. J’ai bien vu que cette année, j’étais moins en phase avec le vélo. Le sport, c’est du long terme. Tu poses des petits cailloux qui font les fondations pour la suite. Quand j’étais malade, les courses ne me manquaient pas trop alors que normalement tu as la dalle… C’était donc le moment de partir proprement. J’avais envie de nouveautés. Je ne suis plus étudiant, j’ai grandi, j’ai appris à me connaître et j’ai envie de passer à autre chose, je veux passer plus de temps avec ma famille. Le vélo demande du temps, il passait toujours en premier. J’ai toujours voulu faire les choses à fond. Je n’allais pas à un repas de famille la veille d’une grosse séance. Je ne le prenais pas comme un sacrifice, ça me rendait heureux mais forcément, on rate des choses à côté. Je suis arrivé à un moment de ma vie où j’ai envie de découvrir ces choses-là. Mais ça reste une décision difficile à prendre.
Comment a réagi Philippe Wagner ?
Il a été compréhensif. Même s’il voulait qu’on vive une nouvelle aventure, il a compris mon choix. Nous avons une bonne relation tous les deux. On s’entend très bien. Je lui suis redevable, et lui est satisfait de ce que j’ai fait pour l’équipe, j’ai apporté ma pierre à l'édifice. Mes coéquipiers ont aussi été compréhensifs. Ils connaissent les contreparties de ce métier passion.
« CHOISIR, C’EST RENONCER »
Les coureurs semblent être usés de plus en plus jeunes…
Je n’ai pas fait une longue carrière, je n’ai pas le recul pour comparer mais j’ai pu voir que ça se professionnalise énormément. Maintenant, les Juniors sont déjà pros. Quand j’étais Espoirs au CC Etupes, je courais contre des gars dont c’était le métier alors que j’avais encore mes études à côté. Je voulais bien faire les choses. On court beaucoup, il y a les stages… En Conti, il y avait des déplacements à rallonge car on ne rentrait pas toujours entre les courses. Ça aurait été encore pire en ProTeam alors que j’en souffrais déjà cette année. On m’en aurait demandé encore plus, ça aurait enfoncé le clou pour moi et comme je le disais, je ne voulais pas arrêter en cours de route.
Tu ne crains pas de le regretter un jour ?
Choisir, c’est renoncer. Ça marche dans les deux sens. Il y a un contre-argument à chaque argument. À 30 ans, je me dirai peut-être que j’aurais dû continuer, mais je pourrais aussi me dire que j’aurais pu rater les plus belles années de ma vie si j’avais continué. J’ai envie de faire plein de trucs, de toucher à plein de choses, aussi bien dans le sport que professionnellement. Je ferai peut-être encore des compétitions mais avec une autre démarche, sans viser le haut niveau.
Est-ce un soulagement ?
Non car je ne suis pas dégoûté du vélo. Je ne me suis pas débarrassé d’un fardeau. J'arrête avant de faire l'année de trop. Je suis curieux de connaître et de vivre la suite. J’ai réalisé ce que je voulais faire quand j’étais gamin, c’est à dire gagner des grosses courses comme une Classe 2 (Paris-Troyes) ou Annemasse-Bellegarde, atteindre le haut niveau et passer pro. J’ai eu ce contrat en ProTeam même si je ne l’ai pas signé. On peut toujours faire plus mais je suis satisfait de ce que j’ai fait. Je remercie les équipes où je suis passé. Il faut savoir prendre du recul et se satisfaire de ce qu’on a réalisé. Je pars avec un sentiment d’accomplissement. J’ai toujours dit que j’arrêterais le jour où je l’aurai choisi. C’est pour ça que je me suis battu pour avoir ce contrat. Je voulais avoir le choix.