Conti Fédérale (2/3) : Des calendriers étoffés, sans révolution
Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo
Depuis quelques semaines, les cinq formations de N1 qui ont postulé au label Conti Fédérale sont fixées sur leur sort. Toutes ont obtenu le précieux sésame. Le Vendée U, le VC Villefranche Beaujolais, le VC Rouen 76, Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme et l’AVC Aix Provence Dole ont chacun obtenu la reconnaissance de l’UCI. Une reconnaissance qui n’est pas du goût de tous, notamment celui de la Ligue Nationale de Cyclisme qui a déposé un recours devant le Conseil d’Etat en opposition à cette mesure de la Fédération Française de Cyclisme, qui avait cependant fermé la participation des cinq équipes aux épreuves professionnelles françaises, Classe 1 et ProSeries, pour ne pas créer de tensions. Les Conti Fédérales adaptent ainsi leur calendrier pour profiter de leur nouveau statut en dehors du pays ou sur les Classe 2.
Dans cette deuxième partie est venu le moment de dévoiler les contours des calendriers des Conti Fédérales. Avec l’opposition de la Ligue, il n’est pas possible de participer à des courses pros en France, mais le règlement de l'UCI ne les empêche pas d’aller en disputer à l’étranger pour se frotter au haut niveau professionnel. Comme les cinq concernées restent des équipes de N1, le calendrier amateur n’est pas non plus à négliger. Chacune définit donc sa stratégie pour faire un pêle-mêle de courses professionnelles à l’étranger si cela est possible, des Classe 2, en France ou ailleurs, et donc le calendrier national et régional. Avec parfois quelques sacrifices nécessaires pour harmoniser l’ensemble.
Après l’annonce de la Fédération Française de Cyclisme au terme du Championnat de France Amateur, il n’avait pas fallu longtemps à la Ligue Nationale de Cyclisme pour bondir. Dès le lendemain midi, dans un communiqué, l’organisation présidée par Xavier Jan avait déjà annoncé prendre ses dispositions à l’encontre de ce nouveau statut. Si la fermeture des épreuves de Classe 1 françaises aux potentielles Conti Fédérales était voulue par la FFC pour éviter les tensions, la Ligue s'affirmait "disposée à partager ses analyses et accepter des solutions concertées autour d’une table de travail réunissant tous les acteurs concernés de part et d’autre dans le meilleur délai". Quelques mois plus tard, malgré des réunions, rien n’a changé sur ce point de calendrier. À ce jour, il n’est toujours pas possible pour une Conti Fédérale de participer aux courses professionnelles dans l'Hexagone.
En tout cas, du côté des organisateurs, les Conti Fédérales peuvent se vanter d’avoir une certaine popularité. “Je suis content des retours des organisations Classe 2 et Classe 1. On est pris au Criquielion, parmi cinq Conti, et on n'a pas forcé. C'est hyper bien. Le changement va être là-dessus, on est encore plus considéré et ce n'est que le début”, se réjouit Anthony Barle. L’AVC Aix Provence Dole a même déjà entamé sa saison au niveau UCI, en s’alignant au mois de janvier sur deux épreuves espagnoles, où Jean-Michel Bourgoin a pu profiter de son réseau. “On a souvent couru en Espagne et en Italie donc on connaît assez bien les organisateurs, c’était le même qu'une course amateur qu'on faisait depuis 15 ans”. Du côté de Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme, on aurait bien aimé aussi entamer les Classe 2 dès janvier. “On n'a pas pu faire le Sharjah car on a été labellisé le 15 janvier et le départ était le 20, dans les impressions de maillots et pour l’équipe c'était un casse-tête administratif qu’on n’a pas voulu s’imposer”, raconte Christian Milesi.
UNE SOLLICITATION OUTRE-ATLANTIQUE
La nouvelle des Conti Fédérales n’a pas uniquement mis la puce à l’oreille des organisateurs français et limitrophes. L’information a semble-t-il traversé l’Atlantique, car certaines des cinq structures ont reçu une invitation assez originale. “On a eu quelques invitations lointaines où on ne va pas donner suite, notamment une à New York”, s’amuse Steven Laurent. Le Gran Premio New York City, épreuve de Classe 2 américaine remportée par Tibor Del Grosso l’an dernier, a visiblement l’envie d’accueillir des équipes françaises. “On n’a pas encore répondu”, révèle Anthony Barle. Car personne n’a envie de faire n’importe quoi dès la première année, et mettre en péril ses finances pour un plaisir loin de la France. “On a évoqué les Classe 1 avec Pascal (Carlot), on va voir nos possibilités. Il est hors de question de se lancer dans des frais pas raisonnables pour une Classe 1 au bout du monde, on a un pays comme la Belgique avec quelques Classe 1 où s'il y a une opportunité, on la saisira”, explique Jean-Philippe Yon.
Le discours est le même pour Jean-Michel Bourgouin, qui préfère rester raisonnable. “On a postulé sur deux-trois courses mais modestement. On a reçu des invitations en Classe 1 qu'on ne va pas honorer, c'est complexe, il y a de très gros déplacements, ce n'était pas inintéressant mais c’est en concurrence avec des Classe 2 importantes pour nous, donc on a fait le choix de ne pas les honorer. Mais peut-être l'année prochaine”. Avec des antennes en Belgique et un sponsor en Italie, le VC Villefranche Beaujolais voit des opportunités. “On voit pour les courses en Italie, sur les Classe 2 et Classe 1 on a fait des demandes”, en plus du GP Criquielion qui a engagé les hommes d’Anthony Barle. Si le Vendée U “ne s’interdit rien pour les Classe 1 à l’étranger, à condition que ce soit cohérent avec le programme des coureurs”, du côté de Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme, ce sera minimum syndical. “On a toujours espoir de mettre une Classe 1, mais on veut en mettre une seule”.
Christian Milesi ne s’imagine pas cumuler les Classe 1 et cramer ses coureurs. “On n'a pas le niveau, mais bien préparé ça serait le début de quelque chose. Cette année, on va construire tout doucement. On ne va pas aller faire une Classe 1 en face de l'Isard. On garde l'objectif d'envoyer chez les pros, de former. Là dessus, une Classe 1 peut avoir un intérêt, notamment en août où c'est léger, mais en mai-juin-juillet, on enchaîne les courses objectifs, on a déjà tout ce qu'il nous faut”. Cette première année doit servir de construction. “On ne peut pas tout faire, on a beaucoup de jeunes donc il ne faut pas les mettre en difficulté, c'est un équilibre avec les conséquences budgétaires aussi. Toutes les Conti ont le même regard, il faut déjà consolider notre positionnement et préparer l’année prochaine comme c’est prévu qu’on s’engage sur deux ans”, détaille Jean-Michel Bourgouin.
LES CLASSE 2, AU CŒUR DES PROJETS
Le vrai gros bouleversement vient de l’échelon inférieur. Pour les Classe 2, les Conti Fédérales ne sont pas privées de courses françaises. Et elles comptent bien en profiter pour étoffer leur calendrier. “On a été retenus sur toutes les épreuves, ça fait un sacré programme en Classe 2. Notre projet, c'est surtout un plus par rapport aux Classe 2”, constate Jean-Philippe Yon. Avec la multiplication des équipes réserve, il s’agit d’une sécurité pour ces N1. “On en avait déjà pas mal, mais avec l'arrivée de davantage de devo, on était susceptibles d'être sortis, là on maintient dans un premier temps notre calendrier”, ajoute Jean-Michel Bourgouin, qui va retrouver des anciennes épreuves. “On retourne au Circuit des Ardennes, on a la chance de revenir à l'Alpes Isère Tour, on ne le faisait plus depuis un moment mais il n’y avait pas de souci, on était sur une épreuve en concurrence. Mais c'est très important d’y revenir”.
L’AVC Aix Provence Dole devrait retrouver Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme sur sa route. “Le label permet quelques invitations de plus, comme les Ardennes, quelques candidatures à l'étranger en Lombardie, qu'on ne se permettait pas en N1. On a moyen d'améliorer notre quotidien mais sans révolution, révèle Christian Milesi. Quand tu es dans la formation d'une moitié d'effectif Espoirs, il y a la Ronde de l'Isard, l'Alpes Isère Tour, le Val d'Aoste, les Championnats durs en Espoir… on a déjà le calendrier qui est suffisant par rapport à notre effectif”. La structure burgienne devrait aussi être de la partie à Paris-Troyes, au Tour de la Mirabelle, au Kreiz Breizh Elites “en attendant des réponses sur des Classe 2”. Le Tour de Lombardie Espoirs devrait également accueillir le Vendée U, qui aimerait aussi participer à la Kattekoers. Le Tour des 100 Communes et le GP de Lillers sont aussi au programme. Mais les hommes de Steven Laurent ne veulent pas en faire trop non plus. “On ne veut pas tout bousculer, on va faire ce qu'on sait faire, avec un calendrier Classe 2 solide à conforter”.
À ce jour, le programme connu le plus consistant est sans doute celui du VC Villefranche Beaujolais, qui n’a pas lésiné sur les demandes entre la France et l’Italie, notamment. “Sur les Classe 2 on espère un Tour Alsace et/ou un Tour de Bretagne. Ça serait bien qu'une des deux s'ouvre. Le Circuit des Ardennes s'ouvre encore pour nous, les organisateurs sont top, ils nous font confiance pour la troisième année”. En France, les hommes d’Anthony Barle prétendent aussi au GP de Lillers, la Boucle de l’Artois, le Tour du Loir-et-Cher, la Ronde de l’Isard, le GP de Nogent-sur-Oise, le Kreiz Breizh Elites, au Grand Prix de Plouay, ou encore au Tour de la Mirabelle. En Italie, les Loups ont postulé à la Popolarissima, au Giro del Belvedere, au Giro di Biella, au GP del Marmo, au Tour du Val d’Aoste, au Trofeo Citta di Brescia, au GP di Poggiana ou encore au GP Capodarco. Un programme bien dense, donc.
DES SACRIFICES SUR LES ELITES
Avec une telle matière ajoutée, il faut donc faire de la place. Certaines Elites risquent donc de perdre l’une ou l’autre sur leur ligne de départ. Néanmoins, comme le montrent les premières courses de la saison amateur, il ne devrait pas non plus y avoir de grands chamboulements. “Forcément on va sacrifier un peu, mais on a quinze coureurs, soit deux fronts en permanence, donc on gardera un calendrier Elite consistant”, promet Jean-Philippe Yon. “Il y aura peut-être une ou deux Elites impactées, mais ça fait deux ans qu'on a un beau calendrier Classe 2, on ne faisait pas tant d'Elites non plus”, ajoute Steven Laurent, dont les coureurs n’allaient évidemment pas rater des courses de référence comme la rentrée au Circuit des Plages Vendéennes, où Lucas Mainguenaud s’est d’ailleurs imposé.
À Bourg, on s’interroge encore sur l’impact. Car les clubs ne sont pas que des équipes qui s’alignent sur des courses, mais aussi des organisateurs. “C'est une question pour les Elites, on organise une dizaine d'épreuves, on essaye de préserver nos organisations historiques. À terme, ça va devenir une obligation d'en sacrifier, mais on a quinze coureurs, on peut faire les deux”. Jean-Michel Bourgouin aussi pense à l’aspect organisationnel, et l’histoire pourrait accélérer la chute d’organisations fragiles. “Ça peut impliquer de sacrifier des Elites, on risque d'avoir des mauvaises surprises dans le calendrier. On est organisateur, on sait ce qu’il se passe, avec les subventions des collectivités. Certains vont peut-être perdre un pourcentage de leur budget. Il se peut qu'il y ait quelques courses plus compliquées”.
Alors dans cette logique, les structures Conti Fédérales, qu’on peut qualifier de « super N1 », ne veulent pas abandonner, dans la mesure du possible, les organisateurs qui leur ont ouvert leurs portes depuis tant d’années. “Nous on ne va pas en sacrifier, on a quand même une partie N1 et on veut rester avec nos organisateurs, ils nous ont fait confiance, ce n'est pas parce qu'on passe Conti qu'on ferme la porte, ce serait un manque de respect, pense Anthony Barle. C'est pour ça qu'on a 22 coureurs avec la réserve. On a le Circuit de Saône-et-Loire à côté de la maison, un Tour du Beaujolais évidemment hyper important, le Roannais... toutes ces courses. On est très déçu que Sainté n'existe plus. On ne négligera pas le programme N1. Maintenant, le budget peut nous arrêter”. La bataille menée par la Ligue aussi, jusque devant le Conseil d’Etat, qui pourrait redistribuer les cartes et créer encore des rebondissements par rapport à ce statut de Conti Fédérale. Et c’est justement l’objet de la troisième partie.
Partie 1 : Un soulagement pour le monde amateur