Vivien Brisse : « Je suis extrêmement déçu »

Non-sélectionné pour les Championnats du Monde sur piste, Vivien Brisse a annoncé la fin de sa carrière (lire ici). Pour DirectVelo.com, le Champion du Monde 2013 de l'Américaine raconte en détail pourquoi il a pris cette décision difficile, à 26 ans.

DirectVelo.com : Ce mois-ci, les Mondiaux sur piste auront lieu en France, à Saint-Quentin. Est-ce seulement le fait de ne pas y participer qui te conduit à arrêter ?
Vivien Brisse : Le plus gênant, c'est qu'on m'a pris pour un "con". Au mois de septembre, le sélectionneur national et le manager général de la Fédération nous ont donné un document officiel qui expliquait en détail les critères qu'il fallait remplir pour être sélectionné au Mondial à Paris. J'ai tout de suite compris qu'il fallait que je mise tout sur l'épreuve de l'Américaine, ma discipline favorite. Au mois de novembre, après avoir décroché la médaille de bronze avec Morgan Kneisky aux Championnats d'Europe en Guadeloupe, j'ai vu que j'étais le coureur qui répondait le plus aux critères.

Donc, tu étais confiant quant à ta participation ?
Oui. J'ai refusé certains contrats de Six-Jours pour pas faire la même erreur que l'an dernier : j'étais tombé malade après avoir enchaîné 24 jours de course en un mois (lire ici). Je savais que ce serait une perte financière car les Six-Jours sont mon gagne-pain qui me permettent de vivre le reste de l'année. Mais le jeu en valait la chandelle pour être le plus compétitif possible le 22 février...

Avais-tu déjà pensé à la fin de ta carrière ?
On en avait discuté avec le sélectionneur. J'envisageais de faire le Championnat du Monde à Paris. Selon la façon dont ça se passait, j'aurais fait un autre hiver de Six-Jours et ensuite j'aurais préparé ma reconversion.

« UN MANQUE DE RESPECT TOTAL »

Comment expliques-tu ta non-sélection ?
Il est nécessaire de rappeler que nous étions quatre coureurs sélectionnables : Thomas Boudat, Bryan Coquard, Morgan Kneisky et moi. Je pense que n'importe quelle combinaison  de coureurs forme une paire de niveau mondial [au final, Bryan Coquard et Morgan Kneisky représenteront la France NDLR]. C'est une chance d'avoir dans un pays quatre coureurs capable de jouer la gagne. L'émulation positive crée la performance. Je ne remets pas en doute ni en question la compétitivité de la paire qui a été retenue. Je pense que ces deux coureurs peuvent être Champions du Monde, comme auraient pu l'être Boudat ou moi. Le retour des pros sur la piste est bon pour tout le monde, il tire la France vers le haut. Espérons juste que ce ne soit pas éphémère...

Donc, qu'est-ce qui t'a choqué ?
Le manque de respect total par rapport à mon investissement de ces dernières années. Les critères étaient là pour départager les coureurs. J'ai été médaillé aux Championnats d'Europe, il y a trois mois. En sprint ou en poursuite, tous les médaillés français seront de la partie au Mondial. Sauf moi... Si je n'avais pas été compétitif, j'aurais pu comprendre ma non-sélection. Mais pas dans ce cas.

Comment as-tu appris que tu n'étais pas retenu ?
Un coup de fil il y a deux semaines. Un coup de masse sur la tête ! Au début de la communication téléphonique, je pensais que c'était une blague.

Les Six-Jours de Rotterdam sont donc ta dernière course. Est-ce que tu imaginais que ce serait le clap de fin ?
J'avais de mauvaises intuitions. J'étais serein après les Championnats d'Europe mais ça faisait deux mois que je n'avais pas de nouvelles du sélectionneur. Les confirmations sont arrivées par la suite. Je pense que je me souviendrai longtemps de mon dernier jour sur le vélo. Nous avons fait une sortie de 4-5h avec Thomas Boudat. Arrivé chez moi, j'ai pendu le vélo dans le garage puis j'ai reçu le coup de fil 2h après... Le vélo n'en bougera plus un moment, je pense.

« JE PREFERE GARDER LES BONS MOMENTS »

Quittes-tu le vélo déçu ?
Extrêmement déçu, car un Championnat du Monde en France, c'est un rêve. J'ai pris un avocat car je ne souhaite pas laisser passer la pilule sans rien dire. Quand une fédération rédige des documents officiels de sélection il faut les respecter. Sinon, il vaut mieux dire que le sélectionneur utilise son libre-arbitre, comme dans une sélection nationale de football.

Que retiens-tu de ta carrière ?
Le vélo reste une bonne école de la vie et je préfère garder les bons moments. Plus que tout, je tiens à remercier les personnes qui m'ont aidé de près ou de loin dans ma progression, surtout Eric Vermeulen, Michel Meunier, Hervé Dagorne, Samuel Rouyer, Philippe Raudier, Romain Guillemois, Christian Chaubet, ma famille, mes amis et mes partenaires comme Time.

Et ton titre de Champion du Monde en 2013 avec Morgan Kneisky ?
Inoubliable. Grâce à Thomas Boudat, j'ai réalisé un autre rêve : fouler un jour la pelouse de Geoffroy Guichard et donner un coup d'envoi d'un match. Certains membres de l'AS Saint-Etienne sont aujourd'hui des amis. Cela me paraissait invraissemblable il n'y a pas si longtemps.

Tu ne vas donc pas courir avec le CC Périgueux cette saison en DN2.
Je tiens à m'excuser auprès de tous les gens dévoués qui composent le club. Mais je ne reviendrai pas sur ma décision. C'est un club que je conseillerai toujours et avec lequel j'ai vécu de belles années.

Que regretteras-tu du cyclisme ?
Mon corps affûté (rires). Je vais faire autre chose. Je commence ma première formation pour devenir courtier en assurances, la semaine prochaine. Dans ma vie de sportif j'ai commencé la course à pieds. Je prendrai rapidement une licence dans un petit club de foot pour m'amuser entre potes. L'esprit de compétition et l'envie de surmonter un beau défi me manqueront peut-être, mais j'espère bien retrouver ces sensations dans mon futur boulot. Les vrais amis que j'avais sur le vélo seront encore là. Je m'en suis rendu compte dans cette mauvaise passe.

Crédit photo : Guy Dagot - www.sudgironde-cyclisme.fr
 

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