Pendant plusieurs années, la vie de Damien Branaa a été rythmée par l'Entente Sud Gascogne. Entre 2007 et 2011, le Basque a défendu fièrement les couleurs de son équipe. Si aujourd'hui, cette formation a disparu des pelotons, le 4e du Tour Nivernais Morvan 2010 reste imprégné des valeurs prônées par Dominique Arnaud et Philippe Lapègue. Suite à un passage chez les professionnels raté en 2012 pour des raisons extra-sportives, Damien Branaa a décidé d'assurer sa reconversion professionnelle pour ''assurer ses arrières''. Après deux saisons au GSC Blagnac, il a choisi de raccrocher le vélo en 2015. Définitivement. Désormais gérant de “RD Cycles”, le magasin de scooters et de vélos qu'il a racheté à Bayonne, l'ancien coureur, 31 ans, se replonge dans les souvenirs de sa carrière pour DirectVelo.

DirectVelo : Ce dimanche se dispute le GP d’ouverture Pierre Pinel à Montastruc : qu'évoque cette course pour toi ?
Damien Branaa : J'ai passé plusieurs années au sport-études de Toulouse. Montastruc se trouve à quelques kilomètres. Cette course, c'était un peu notre Championnat du Monde (rires). Au CREPS (Centre de Ressources, d'expertise et de performance sportive), Michel Puntous et Denis Gonzalez nous préparaient pour cette échéance qui leur tenait à cœur. Comme je suis originaire d'Orthez, qui se trouve plus au Sud-Ouest, au début, je me sentais moins concerné que les autres par cette course. Progressivement, je me suis pris au jeu. Le Grand Prix de Montastruc était l'un des grands rendez-vous de l'année où il ne fallait pas que l'on se rate. Cela reste une course où l'on regarde le résultat.

En 2012, comment as-tu intégré l'équipe Burgos-BH ?
C'est grâce à l'intermédiaire de Dominique Arnaud. Je courais à l'Entente Sud Gascogne depuis 2007. À partir de 2008, j'ai réalisé de bonnes années. Dominique a couru en Espagne (il a été professionnel dans l’équipe Reynolds, devenue ensuite Banesto, NDLR). Il avait des contacts là-bas. En 2011, il a vu avec les dirigeants de Burgos-BH pour me décrocher un contrat. Avec l'Entente Sud Gascogne, on courait régulièrement en Espagne. Ce n'était pas le même genre de courses qu'en France, il y avait beaucoup de petits cols, c'était plus typé pour les grimpeurs. C'était de belles épreuves où j'ai fait des résultats. Ça m’a aidé pour rentrer dans la formation Burgos-BH.

« C'ÉTAIT UN PEU LA FIN DU VÉLO POUR MOI »

Pourtant, tu n'en garderas pas un grand souvenir...
Ça a été une mauvaise expérience. Je sortais d'une année 2011 où je marchais fort. J'ai eu une opportunité avec Burgos-BH donc je l'ai saisie. Malheureusement, les salaires n'arrivaient jamais et ce dès le début. Nous n’avons jamais perçu le premier mois. Il a fallu râler un peu. Quand on n'est pas payé, c'est compliqué. J'ai été au clash avec Burgos-BH. Heureusement, j'ai touché tout ce qu'ils me devaient. J'ai fait appel à Pascal Chanteur (président de l’UNCP, NDLR) qui m'a aidé. Je suis retombé sur mes pieds mais à côté de ça, le vélo à haut niveau, c'était fini pour moi. C'était impossible de retrouver une équipe et de me relancer. Je n'ai jamais pu découvrir quel était mon niveau chez les pros mais c'est un détail… L'après-carrière est beaucoup plus important.

Cela souligne l'importance primordiale du côté extra-sportif dans le monde du cyclisme...
Je roulais tous les jours avec Romain Sicard, il me demandait à chaque fois comment je faisais pour m’entraîner dans ces conditions. Même à 100% mentalement, c'est difficile chez les professionnels mais si en plus, on n'a pas de salaire et que l'on ne peut pas payer les factures à la fin du mois, c'est problématique et hyper compliqué. Dans la tête, je n'étais à aucun moment dans le vélo. Je pensais davantage à calculer comment finir le mois avec ma famille et comment rembourser mon crédit immobilier.On n'avait pas de gros contrats à Burgos-BH, on le savait mais on vivait. On peut faire des sacrifices mais jusqu'à une certaine limite. Sans le salaire, c'était au delà de cette limite. C'était un peu la fin du vélo pour moi. J'étais dégoûté et j'ai davantage pensé à ma reconversion qu'à rebondir par la suite. 

« UNE DEUXIÈME FAMILLE POUR NOUS »

Justement, comment as-tu assuré ta reconversion ?
Après Burgos-BH, le GSC Blagnac m'a demandé de refaire une saison parce qu'ils avaient perdu un leader pendant l'intersaison. Professionnellement, je voulais repartir dans la comptabilité. Grâce au bouche à oreille, un magasin de vélo m'a appelé parce qu'ils cherchaient un comptable. C'était RD Cycles à Bayonne, le magasin où j'allais quand je courais. Ils m'ont permis d'avoir un poste et de débuter un BTS comptabilité en alternance à 28 ans. Quand mes patrons sont partis à la retraite, j'ai racheté RD Cycles avec leur fils. Je suis devenu gérant. Pour moi, c'est super, c'est la reconversion que j'espérais avoir. Par contre, aujourd'hui, je n'ai plus trop le temps de rouler, je me suis mis au handball et à la course à pied. Je vais reprendre la machine quand j'aurai plus de temps.

Tu as couru pendant cinq années à l'Entente Sud Gascogne. Quelle relation entretenais-tu avec Dominique Arnaud ?
Dominique m'a fait rentrer à l'Entente. Dès la sortie des Juniors, il m'a appelé. J'étais au sport-études de Toulouse et je n'avais pas le permis donc je n'ai pas pu y aller. En 2007, il m'a relancé. J'avais signé un pré-contrat avec AG2R avant de chuter. J'ai été arrêté un an. Dominique m'a permis de rebondir. Il nous amenait à haut niveau et nous apportait beaucoup. Ça a toujours été un second père pour nous tous. On passait énormément de temps ensemble. Sans lui et Philippe Lapègue, on ne serait pas allé bien loin et le vélo dans le Sud-Ouest aurait été bien pauvre.

« IL M'A DIT QU'IL FALLAIT TOUJOURS SE BATTRE DANS LA VIE »

Quelles étaient les valeurs que Dominique Arnaud et Philippe Lapègue t'ont inculquées ?
Ils nous ont appris qu'il fallait toujours se battre et ne jamais rien lâcher, et nous ont inculqué des valeurs comme le collectif. C’était d’autant plus important pour les jeunes comme moi que l’on partait de la maison dès 16 ans, avec le sport-études de Toulouse. Le vélo, c’est une sacrée éducation. Un jour, je me souviens qu'une course s'était mal passée. Dominique était venu me voir et le lendemain, je jouais la gagne. Tout était fait pour nous permettre de réussir. Quand on rentrait tard de course, on dormait souvent chez lui. Encore une fois, c'était une deuxième famille pour nous. Cela constituait en partie le secret de sa réussite : ils avaient des valeurs proches de celles du rugby.

Tu dois donc avoir de sacrés souvenirs avec Dominique Arnaud...
Il y a une journée qui m'a beaucoup marqué : sur le Tour de Navarre 2011, Dominique m'a appris sa maladie dans sa chambre, la veille de l'étape reine. Nous avons longuement échangé. Il m'a dit qu'il fallait toujours se battre dans la vie. Le lendemain, l'équipe a roulé toute la journée et j'ai gagné l'étape. Je lui ai dédié ma victoire. Je m'en rappellerai toujours, il est sorti de la voiture ému et nous sommes allés au podium ensemble. C'est quelque chose qui restera en moi.


« L’ENTENTE, C'ÉTAIT VRAIMENT UN GROUPE DE COPAINS »

Tu repenses souvent à ces années ?
Oui, avec les copains ! Aujourd'hui, je suis voisin avec Pierre Cazaux. J'ai aussi passé de très bons moments au GSC Blagnac avec, notamment, David Escudé et Patrick Docteur. On avait une belle équipe. J'ai toujours gardé un contact avec les anciens de l'Entente Sud Gascogne. À l'époque, on allait voir Dominique (Arnaud) quand il était malade. Maintenant, on se voit au moins une fois chaque année. On a gardé une amitié même après trois ou quatre ans sans vélo. L'Entente, c'était vraiment un groupe de copains et de dirigeants très unis. Il y a quinze jours, quand j'ai inauguré mon magasin, Philippe Lapègue était l'un des premiers invités. Quand j'y repense, c'était de belles années. On a eu une sacrée adolescence. J'ai vécu neuf ans du vélo. On était chouchouté. Cependant, le cyclisme ne représente qu'une petite partie de la vie. Il ne faut pas rater tout le reste pour quelques années de vélo. Il faut penser à l'après. Je connais des anciens coureurs qui galèrent à trouver du travail. Il n'y a pas assez d'aides pour la reconversion des coureurs.

Tu as couru contre l’Entente Sud Gascogne, lorsque tu as porté le maillot du GSC Blagnac...
Après tant d'années à courir pour eux, ça me faisait toujours bizarre. À l'époque, je n'ambitionnais plus grand-chose sur le vélo. Je voulais juste aider les autres et le club de Blagnac qui était en difficulté. Même si à l'Entente Sud Gascogne, il n'y avait plus les anciens que j'ai connus, on allait tout de même les saluer avant chaque course. C'est la première chose que l'on faisait en descendant du camion. L'amitié était restée.

« CE N’EST PLUS PAREIL »

La disparition de l'Entente Sud Gascogne t'a-t-elle marqué ?
C'est vraiment dommage. L'Entente Sud Gascogne était une vraie force. De tous les coureurs de la région qui sont passés professionnels, aucun ne peut dire que ce n'est pas grâce à l'Entente. Il y avait un calendrier de fou pour un tout petit budget. Cela faisait vivre les clubs du coin qui étaient très reconnaissants du travail réalisé… A mon époque, l’Entente nous emmenait sur de grandes courses. Même s’il fallait avoir des facultés pour réussir, on progressait au fur et à mesure. Si tous les week-ends, on fait des grosses épreuves, on ne peut qu’apprendre. Il y avait un gros niveau dans le Sud-Ouest.

Et maintenant ?
Ce n'est plus pareil. Depuis la disparition de la structure, je trouve que le niveau dans la région a baissé. Il y a moins de coureurs et moins de courses. C’est devenu compliqué.