Marie Le Net : « Je n’ai plus envie, je suis perdue »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Gros passage à vide pour Marie Le Net. Au bout du rouleau, la jeune sociétaire de la FDJ-Nouvelle Aquitaine a abandonné, ce jeudi, sur les routes de la 1ère étape du Kreiz Breizh Elites. Surtout, la Bretonne a décidé de faire l’impasse sur tous ses prochains grands rendez-vous de l’été, à commencer par sa sélection avec l'Équipe de France Espoirs pour les Championnats d’Europe sur route d’Alkmaar (Pays-Bas). Lessivée autant physiquement que mentalement, celle qui avait réalisé un véritable numéro sur les routes du dernier Championnat de France Elites admet être actuellement perdue et démotivée. L’athlète de 19 ans veut désormais prendre du temps pour elle, pour réfléchir et faire le point sur sa carrière, mais aussi sur sa vie de jeune femme. DirectVelo fait le point complet avec Marie Le Net.

DirectVelo : Tu viens de déclarer forfait pour les Championnats d’Europe Espoirs sur route, ainsi que pour les Championnats de France sur piste et sur route. Que se passe-t-il ?
Marie Le Net : Je suis cramée. J’ai sûrement trop enchaîné ces derniers mois. Je suis jeune, j’ai de la fougue et l’envie de bien faire, de participer à un maximum de courses. Sauf que… Je me suis brûlée les ailes et j’ai tout reçu en pleine face, d’un coup. Je ne peux plus continuer comme ça. Je n’ai pas envie de faire les choses à moitié mais en ce moment, ça se passe mal, alors il faut changer quelque chose. Le plus sage est de faire une grosse pause, le temps de recharger les batteries. J’en ai vraiment besoin. Quant aux trois Championnats que je vais manquer, eh bien tant pis. Entre rater trois Championnats et foirer ma carrière, le choix est vite fait. Je vais me reposer.

Cette mauvaise expérience sur la 1ère étape du KBE a donc fini de te convaincre de faire une pause. Mais depuis quand sentais-tu que ça n’allait pas ?
Je dirais que ça fait bien un mois, un peu plus même… J’essayais de me forcer à prendre des jours de repos, pour que ça passe. Mais tout cela était superficiel. Dès que je remontais sur le vélo, je me sentais très vite fatiguée. C’est là que j’ai fini par comprendre que j’avais besoin d’un vrai break, et pas seulement de ralentir l’allure.

On imagine qu’il s’agit d’une décision difficile à prendre…
Je ne l’ai pas prise toute seule. J’ai discuté de tout ça avec l’équipe. Heureusement qu’ils sont là pour m’épauler et me soutenir. Grâce à eux, j’essaie de relativiser l’importance de cette décision. Je me dis que c’est un mal pour un bien.

« JE N’OSAIS PAS DIRE CE QUE JE PENSAIS, CE QUE JE RESSENTAIS »

Car tu pourrais également risquer de te blesser…
Oui, ça peut être un vrai cercle vicieux. Déjà, sur le BeNe Ladies Tour, je suis tombée et j’ai dû rentrer à la maison plus vite que prévu. J’ai senti que tout s’enchaînait mal. C’était une sorte de nouvelle alerte. En tout cas, je l’ai pris comme ça. Et sur le KBE, c’était pire que tout. Les jambes n’y étaient plus, comme la tête d’ailleurs.

Est-ce la pire journée que tu aies passée sur un vélo ?
Sans doute, oui. Mais d’un autre côté, j’étais encore Junior l’an passé, donc ce n’était pas comparable. Je pense d’ailleurs que l’explication vient en partie de là. J’en parlais avec Julien Guiborel tout récemment : le passage entre les Juniors et une équipe UCI de haut-niveau, ce n’est pas rien. C’est un gros cap et il faut faire attention à la façon dont on gère ces changements. En plus, pour couronner le tout, j’ai aussi ma double activité avec la piste, ça n’aide pas.

Personne n’a senti, dans ton entourage de la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope,  que tu étais à la rupture ?
C’est de ma faute. J’ai voulu trop en faire. Quand on me met sur une course, j’y vais. Ils m’ont toujours laissé cette liberté de faire les choses comme je le sens, mais je n’ose pas dire non. J’aurais dû dire non parfois… Mais quand tu arrives dans une équipe, tu veux bien faire. Je n’osais pas dire ce que je pensais, ce que je ressentais. L'Équipe de France, c’est pareil… Je ne me voyais pas refuser des sélections. Mais voilà où j’en suis maintenant.

Tu évoques une grande fatigue physique, mais n’y-a-t-il pas également une fatigue mentale, notamment suite à ton éprouvant Championnat de France Elites, durant lequel tu as marqué les esprits ?
Si, complètement ! Je crois même que c’est surtout mental, plus que physique. Avant même le Championnat de France, ça commençait à « buguer » dans ma tête, mais j’avais su me remobiliser le Jour-J, et j’étais finalement arrivée pleine d’envie quand même. Puis le Championnat d’Europe sur piste m’a tuée. L’enchaînement a fait très mal. Le problème, c’est qu’il s’agissait d’un rendez-vous très important pour la suite, pour les rendez-vous de l’hiver prochain. Mais j’ai plongé après ça…

« J’AI CONSCIENCE DE LA CHANCE QUI EST LA MIENNE »

On sent chez toi un “ras-le-bol”...
Il y a un peu de ça… Enfin… Je ne sais pas trop l’expliquer. Mon corps crie au secours, ça c’est clair. Du coup, le cerveau lâche aussi. Je n’ai plus envie… Plus envie d’aller m’entraîner, d’aller me faire mal. Pour l’instant. Le vélo, ça marche à l’envie. Alors, si tu n’as plus envie…

Finalement, tu as besoin de prendre du temps pour toi, et de faire un point général sur ta situation !
Je suis perdue. Tout ça m’est tombé dessus d’un coup. Je ne savais pas trop comment réagir. Il faut que je me pose, que j’analyse ce qui ne va pas. L’air de rien, il y a eu beaucoup de changements dans ma vie ces derniers mois. Le fait d’aller à Bourges, ce n’est pas rien. J’ai laissé ma famille et mes amis. Ce n’est plus comme avant. Quand je rentre à la maison, voir mes proches, j’ai l’impression d’avoir loupé plein de choses. C’est toujours un pincement au coeur.

Mais tu vis également plein de choses dont tu rêvais sans doute depuis des années…
Complètement ! Tout le monde ne peut pas vivre ce que je vis depuis le début de la saison. Il faut savoir s’amuser, et profiter de la vie, mais j’ai aussi conscience de la chance qui est la mienne, d’avoir cette vie-là.

Comment envisages-tu la suite ?
Je vais laisser le vélo le temps que l’envie revienne… Mais elle reviendra ! Ne vous inquiétez pas ! Je vais revenir vite (sourires).     

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