François Pervis et les JO : « C'est un peu je t'aime moi non plus »

Crédit photo DirectVelo

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Associé à Raphaël Beaugillet, François Pervis participera aux Jeux paralympiques de Tokyo. Le tandem entrera en lice le 28 août pour tenter de décrocher une médaille dans le kilomètre. La borne a permis au Mayennais de participer à ses premiers Jeux à Athènes, en 2004, mais le CIO l'a rayée du programme des Jeux olympiques à Pékin, en 2008. La boucle sera bouclée pour le toujours recordman du monde du kilomètre qui pourrait toutefois jouer les prolongations au Japon quelques semaines de plus. Mais avant cela, le médaillé de bronze de Rio en vitesse par équipes commentera les épreuves sur piste à la télévision toute cette semaine. Le coureur de 36 ans a fait le point avec DirectVelo avant de s'envoler pour Tokyo.

DirectVelo : Comment te sens-tu avant de partir pour le Japon ?
François Pervis : Physiquement, ça va. On a commencé à faire un peu de qualité, on se sent moins fatigué. Nous ressentons de bonnes petites sensations. Jusque-là, nous avons fait un gros travail de fond qui nous fatiguait. En musculation, on travaille la force max avec moins de séries mais en soulevant plus lourd. On affûte le couteau.

Dans quel domaine pouvez-vous encore vous améliorer ?
On travaille sur une position aéro qui me permet de garder le contrôle de mon vélo. Nous sommes passés en soufflerie mais il faut trouver un compromis entre aéro et pilotage. Il faut gainer dans les virages. Le secret de la piste, c'est de pédaler dans les virages et de maintenir dans les lignes droites. Quand les virages sont serrés, comme à Izu, ce n'est pas facile.

UNE CHAMBRE DE 15M² POUR FAIRE DU HOME-TRAINER

Comment allez-vous vous entraîner au Japon ?
Nous allons faire comme ici, on s'entraîne chacun chez soi. Je serai d'abord en quinzaine dans un hôtel homologué. Je sortirai seulement pour commenter les épreuves de piste à la télévision du 3 au 8 août. Du 9 au 15, je serai enfermé dans ma chambre, avec mon home-trainer, celui que j'avais déjà pour le confinement. Il permet un entraînement encore plus physique que sur piste.

Tu ne seras pas trop à l'étroit ?
J'ai été obligé de me payer une chambre de 15m², salle de bains comprise. C'est une grande chambre pour le Japon. Dans une chambre classique là-bas, tu peux à peine ouvrir ta valise, le lit touche trois murs sur quatre. Dans ma chambre, j'aurai mon vélo de piste, l'home-trainer et mes plateaux. Je ferai de la musculation sur le 65x12 avec beaucoup de résistance dans les rouleaux, je pousse, je tire, je gaine le haut, c'est horrible à faire.

Et après le 15 août ?
Je rejoindrai mes collègues à Matsumoto, c'est à trois heures d'Izu (où auront lieu les épreuves, NDLR). Nous y serons en stage de cinq jours sur une piste de 333 mètres, en béton mais un vrai billard. Il est situé en haut d'une colline, entouré de forêts, c'est magnifique.

LA VISITE A 20h30 LA VEILLE DE LA COURSE DE RIO

Quelle est ta relation avec les JO ?
C'est un peu « Je t'aime, moi non plus ». Ça avait super bien commencé en 2004, je fais 6e du kilomètre alors que je n'ai pas encore 20 ans. En 2008, je me casse la clavicule mais je devais y aller en tant que remplaçant. En 2012, je loupe mes Championnats de France et je ne suis pas sélectionné. Ils ont préféré prendre pour le keirin un coureur qui n'avait jamais gagné une médaille dans cette discipline, alors que j'avais gagné une manche de Coupe du Monde (à Pékin en 2012 NDLR). Il y avait trois critères de sélection : pour deux d'entre eux, j'étais mieux placé que lui et pour le troisième, aucun de nous deux ne le remplissait.

Tu as enfin eu une médaille en 2016…
Je marche comme un avion en 2013, 2014 et 2015. En 2016, je pense avoir un statut de favori mais avec le changement d'entraîneur en équipe de France, on régresse tous les trois en vitesse par équipes. Nous ne sommes pas confiants, le management laisse à désirer. La veille au soir de la vitesse par équipes, à 20h30, on vient dans ma chambre m'annoncer « Si tu n'es pas dans les deux meilleurs temps à ton poste (relayeur NDLR), on met le remplaçant à ta place ». On gagne la médaille de bronze au forceps. Ma médaille de bronze, je ne la dénigre pas mais mon histoire avec les Jeux est complexe.

Qu'attends-tu des Jeux paralympiques cette année ?
J'y vais pour aller chercher une médaille avec Raphaël et finir ma carrière sur une très très belle note. Je suis entré en équipe de France Elite en 2004, je me fais connaître sur les Jeux. Ça serait un pied-de-nez à l'histoire de finir sur le kilomètre en paralympique alors qu'ils l'ont supprimé pour les valides.

KEIRIN ET BAMBOUS

Que feras-tu après les Jeux Paralympiques ?
J'ai reçu une invitation des Japonais pour le keirin à partir du 8 septembre, pour y rester jusqu'à Noël. Ce serait une Super Ligue avec 30 coureurs internationaux sur une piste en bois toute neuve à côté de Tokyo avec des règles UCI, des vélos et roues carbone. Chaque semaine, il y aura une course. Au Japon, le public du keirin ne se renouvelle pas, ils veulent faire du spectacle, comme dans les 6 Jours. C'est un nouveau système mais on peut faire confiance aux Japonais. J'ai envie d'y aller mais ma famille m'attend aussi. Je vois ma compagne tous les deux mois, ma fille habite Grenoble. Je suis fou du Japon mais c'est compliqué avec la vie de famille.

As-tu déjà préparé ta reconversion ?
Depuis quelques années, j'ai une activité de conférencier auprès d'entreprises pour la préparation mentale, la préparation d'objectifs, la prise de confiance et conscience, la gestion de l'échec. Le but est de motiver des managers d'équipes. Je fais aussi des baptêmes piste VIP avec le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines et je suis en pourparlers avec celui de Roubaix et j'ai contacté le vélodrome de Limoges. Les baptêmes, avec les entreprises, sont un peu les travaux pratiques de ce qu'on a vu pendant les conférences. Je fais aussi des baptêmes pour les particuliers.

Et tu as aussi le statut de jeune agriculteur…
Je me suis lancé dans la plantation de bambous sur 2 ha sur la ferme de mes parents. Pour l'instant, ce sont mes parents et mon frère qui s'en occupent. Il faut attendre cinq ans avant la première récolte. J'ai lancé une cagnotte pour m'aider dans l'achat du matériel. La culture de bambou a de nombreux avantages. 1 ha de bambous absorbe autant de gaz à effet de serre que 5 ha de forêt. Le bambou peut remplacer le plastique pour des brosses à dents, des ustensiles de cuisine, et le bois pour des terrasses, des palissades. Les pousses de bambou sont comestibles et peu caloriques mais actuellement elles sont souvent importées de Chine. Là, ce seront des pousses made in France. Il y a beaucoup de travail au moment de la récolte. J'attends six-sept ans et je pourrai installer mon hamac entre deux bambous.

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