Marine Guérin, entre deux avions
Le Grand Prix de Chardonnay a révélé une nouvelle venue dans le peloton féminin français. Marine Guérin, 32 ans et dix petits mois de compétition derrière elle, Bretonne exilée en Grande-Bretagne, a arrangé le peloton à l’arrivée de la deuxième manche de la Coupe de France N1, à Chardonnay. La sociétaire du Sprinter Nice Métropole qui arrive à jongler entre travail et déplacements en avion, montre qu’il faudra compter avec elle dans les prochaines semaines. Elle explique sa course et son parcours à DirectVelo.
DirectVelo : Te voilà lauréate d'une manche de Coupe de France N1 !
Marine Guérin : En début de course, j’étais plutôt à l’arrière du peloton. J’avais un peu d'appréhension car il y a deux semaines, à Guégon, j’avais été prise dans une chute à 400 mètres de la ligne. Mais au fil des tours, le peloton s’est écrémé et j’ai commencé à me sentir à l’aise. Une coéquipière m’a dit : « il faut que tu places une attaque à un moment parce comme tu n’as jamais couru en France avant, personne ne te connaît et donc personne ne va te suivre. Tu dois essayer ! ». À trois tours de l’arrivée, elle m’a dit d'y aller. Personne ne m’a suivie dans un premier temps mais c’est revenu. Ce sont les équipes UCI qui m’ont finalement rattrapée.
Comment as-tu géré le final ?
Dans le dernier tour, j’étais bien placée. J'étais devant dans la côte du circuit, je ne forçais pas. Il y a eu des attaques vers le sommet mais tout le monde suivait. Emilie Fortin, ma coéquipière, m’a dit de rester où j’étais placée. J’avais bien repéré le parcours la veille. C’était un sprint long, après la descente. Il pouvait durer entre 40 secondes et une minute. Ça se regardait au bas de la descente, personne ne s’attendait à une attaque. J’y suis allée à environ 500 mètres de la ligne. Je me suis dit : « tu pars et tu ne te retournes pas ». J’ai quand même regardé sous mon épaule. J’ai commencé à croire que je m’étais trompée de tour, qu’il en restait peut-être encore un… Mais j’ai commencé à entendre les commentaires « va-t-elle tenir ? ». J’ai vu que c’était l’arrivée et que les autres filles n’étaient pas là… J’ai eu du mal à le croire !
C’était une arrivée en faux-plat montant...
J’adore ça ! Je viens de Bretagne, donc toutes les petites côtes, un peu courtes et dures, c’est ma passion. Mes potes m’appelaient la « pocket rocket » parce que dès qu’il y avait une petite bosse, je pouvais partir comme une fusée et les attaquer. On me verra rarement sur un très long col parce que je suis un petit peu trop costaude pour ça mais les bosses courtes, j’adore. Sur le plat, je m’ennuie. J’ai trouvé le parcours du Chardonnay génial. Ce n’était jamais trop pentu, ni jamais plat. Je ne me suis jamais embêtée et je ne me suis jamais dit que je n’allais pas tenir.
« C'EST PLUTÔT PROMETTEUR POUR LA SUITE »
Que représente cette victoire ?
C’est énorme ! J’ai commencé à courir en France seulement cette saison puisque j’habite en Angleterre depuis 2011. Ça ne fait pas très longtemps que je fais des courses de vélo. J’ai pratiqué différents sports auparavant : du ski alpin en compétition, du ski nautique, de l’équitation… Je suis venue au vélo à la suite d’une blessure à la cheville. Je ne pouvais plus marcher mais je pouvais faire du vélo. J’ai commencé le vélo en 2018 et la compétition fin mai 2021. On m’a toujours dit « tu verras tu vas être forte, tu es vraiment douée ». Mais moi, je n’y croyais pas.
Et tu gagnes une manche de Coupe de France…
C’est vrai que c’est énorme, aussi bien pour moi que pour l’équipe. On a fait un travail collectif génial. L’équipe est nouvelle. Il y a deux semaines, à Guégon, on avait déjà fini meilleure équipe. Axelle (Guirado) a eu un problème mécanique ce samedi, sinon nous étions cinq filles de l’équipe dans le groupe de tête. C’est plutôt prometteur pour la suite de la saison.
Pourquoi as-tu choisi de venir courir en France tout en continuant de travailler en Angleterre ?
Pour faire des courses plus importantes en France. En Angleterre, il n’y a que les deux courses du WorldTour, la Women’s Tour et la RideLondon. Pour y participer, il faut être dans une Conti anglaise. Et quand tu compares avec les Conti françaises, à part Le Col-Wahoo, ça n’a rien à voir. Je n'y voyais donc pas d'intérêt.
« SEUL L'AVENIR ME DIRA SI JE SUIS FAITE POUR LE VÉLO OU NON »
Mais on imagne que c’est toute une organisation pour toi !
Oui, j’habite toujours à Londres, je fais les allers-retours. Mais faire Londres-Nice, c’est tellement facile, avec une 1h30 de vol. Mon vélo qui reste à Nice et l’équipe l’emmène sur les courses. C’est plus rapide d’aller courir en France que de faire les mêmes courses en Angleterre, même si j’habite à Londres. Quand il y a une course en Bretagne, c’est simple aussi car ma famille y est toujours. À Guégon, j’y suis allée avec ma famille. Ce sera le cas sur les épreuves dans le Morbihan ou celle à Saint-Nazaire. Pour le Chardonnay, j’ai fait Londres-Lyon. C’est hyper facile. On verra à terme comment je vais me débrouiller.
Comment une Bretonne exilée à Londres se retrouve-t-elle dans le club de Nice ?
Ça s’est fait par hasard. J’ai vu que Nice cherchait encore des filles alors que moi je regardais pour trouver un club en France. Nous avons beaucoup discuté. On a regardé en fonction des profils des autres filles de l’équipe pour que ça marche. Depuis mon arrivée, ça se passe très bien. Les filles sont géniales, on a un super DS. C’est vraiment bien.
Qu’attends-tu de cette saison ?
Je veux voir ce que je peux faire et jusqu’où je peux aller. Seul l’avenir me dira si je suis faite pour le vélo ou non. J’espère pouvoir travailler plus ou moins à distance car je peux loger au service course. Quitte à arrêter mon boulot pendant un temps, si vraiment je devais faire du vélo. Et l’objectif de l’équipe est de garder la tête de la Coupe de France jusqu’à la fin de l'année.