Pour sa première saison comme directeur sportif, Gaëtan Lemoine connait déjà la saveur de voir l’un de ses coureurs devenir Champion de France Amateur. Ce samedi midi, Killian Verschuren s’est paré du maillot bleu-blanc-rouge après avoir négocié toute la fin de course en étant le seul représentant de son équipe. La journée du VC Pays de Loudéac n'était, en effet, pas partie de la meilleure manière. Mais le directeur sportif a vu son coureur être intraitable dans les bosses, et surtout celle d’arrivée, ce qui lui a permis de se débarrasser de Clément Carisey et Baptiste Huyet (voir classement), ses derniers adversaires. Gaëtan Lemoine est revenu avec DirectVelo sur cette victoire, sur son coureur, et sur l'émotion de voir l’un des siens lever les bras lors de l'un des rendez-vous les plus marquants de la saison.  

DirectVelo : Killian Verschuren est devenu Champion de France Amateur !
Gaëtan Lemoine : On est super satisfait, heureux. Tout s'est passé comme prévu, même si c'est dur de prévoir le scénario d'un Championnat de France. On avait prévu jusqu'à la mi-course. Après, c'était tellement dur que ça a roulé tout seul. C'est beaucoup d'émotion, de joie, même si j'ai encore la course juste après avec Audrey (Cordon Ragot, pour la course féminine qui suivait, NDLR), mais on va essayer d'en profiter au plus vite.

Tout s'est parfaitement passé ?
Non, pas parfaitement. On a perdu Guérand (Le Pennec) d'entrée de jeu sur crevaison. Sur un tel circuit, c'est impossible de ramener un coureur... Les gars qui devaient faire le taff au début de course, comme Nicolas Silliau, l'ont bien fait. Je l'ai récupéré après deux tours, mais je savais pourquoi. Les gars se sont sacrifiés un par un. On savait qu'à la mi-course on aurait peu de gars, et il ne restait en effet que Killian dans le groupe de 40. Mais vu le boulot et la patte de Killian... Je n'étais pas inquiet.

« C’EST UN GAMIN PLEIN DE TALENT »

Comment s'est passée ta journée dans la voiture ?
À deux tours de l'arrivée, je savais que c'était quasiment fait pour ceux de devant. Alexis (Gougeard) était cramé, il a fait un numéro énorme, c'est un truc de malade. Après j'avais peur de Clément (Carisey) et Baptiste (Huyet) car je les connais. Ce sont respectivement de solides rouleur et grimpeur. J'avais un peu peur que Clément fasse un coup sur le plat et que les deux ne puissent pas répondre. J'avais donné à Killian la consigne d'attendre la dernière montée. Quand Clément est parti seul, je lui ai dit d'attendre pour se retrouver au pied comme il l'a fait, à quelques secondes. Ce n'était pas un problème vu que la montait durait deux-trois minutes. Il avait même de la marge jusqu'à quinze secondes, vu l'écart à l'arrivée.

Que s'est-il passé dans ta tête lorsque tu l'as vu s'envoler dans cette dernière difficulté ? 
Je ne l'ai pas vu, j'étais en train de revenir vers la ligne. Mais il y avait mes parents dans la montée pavée. J'ai vu qu'il basculait avec le groupe, pour moi c'était quasiment gagné. Après il n'y avait plus moyen de creuser autant. Le plus gros danger était de ne pas crever en haut des pavés, à la Porte de Dunkerque et d'aller jusqu'en haut avec les autres. Même si tout n'était pas joué, nos cartes étaient posées. J'espérais que ça le fasse. 

Comment décrirais-tu Killian ?
Je pense qu'il n'est pas connu de tout le monde. Il a eu du retard à l'allumage mais ce n'est pas de sa faute. Il a deux belles cicatrices aux genoux. Il a eu un accident de moto, aujourd'hui il peut faire du vélo à 110% sans jamais avoir de problèmes ni de douleurs. Mais quand on est opéré des deux genoux en étant cycliste… Il n'a pas couru pendant un an. Il n'a que 20 ans. Mais c'est un gamin plein de talent, il est ultra posé, serein. On l'a vu dans le final, il n'a pas paniqué une seule fois. C'est à l'image du personnage et je pense qu'il a mené sa course comme la vie de tous les jours, très sagement. 

« MON RÔLE N’EST PAS D’ALLER SUR LE PODIUM »

Vous faites le doublé Championnat de Bretagne/Championnat de France...
Il n'y a plus rien au-dessus (rires) ! Ça fait six mois que je suis arrivé, on a réussi à construire un groupe. Je disais au briefing hier soir qu'on avait construit un truc depuis quelques temps. Même si des équipes ont plus gagné que nous, on a mis la manière et on est souvent tombé les armes à la main. C'est comme ça qu'on progresse et c'est aussi ma façon de courir. J'essaye de leur inculquer. Killian n'a pas eu peur de partir à trois à 40 bornes de l'arrivée. C'est aussi comme ça que l'on gagne des courses.

Pour ta première année de DS, tu découvres toutes ces émotions dans la voiture !
C'est un peu semblable à quand tu gagnes une course toi-même sur le vélo. Sauf que là, tu as le temps de savourer un peu plus, tu es plus lucide. Mais je ne m'arrête pas à ça, tout arrive très vite. C'est une très bonne chose et on va essayer de continuer sur cette lancée, même si la barre est placée très haut. Je sais aussi qu'il y aura aussi des moments durs où on marchera moins. Mon rôle sera là. Ce n'est pas d'aller sur le podium. Le vrai boulot est d'être là quand ça se passe mal et créer un groupe.

C'est la preuve que malgré la fin de B&B Hôtels-KTM, et donc de ce lien avec les pros, Loudéac reste une équipe référence en N1 !
Aujourd'hui, si Killian avait été dans une équipe réserve, peu d'équipes l'auraient appelé en pensant que c'était déjà signé. Là... il va avoir davantage de coups de fil qu'il n'en avait déjà. L'arrêt ou non de la ProTeam, pour nous c'était pareil.