Mathis Le Berre : « Je suis un gagneur, j'ai la rage »

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Mathis Le Berre a arrêté sa saison le 20 octobre, en Chine, au Tour de Guangxi. Pour sa deuxième année pro chez Arkéa-B&B Hôtels, le coureur de 23 ans s'est toujours montré offensif (il a porté le maillot de meilleur grimpeur au Dauphiné) mais s'est aussi rapproché de la gagne avec trois Top 10 dont deux au Tour d'Espagne (voir sa fiche DV). Le Breton, qui trouve son équilibre dans sa région, entamera sa troisième saison chez les pros avec l'ambition d'être plus souvent protégé, comme il l'explique à DirectVelo.

DirectVelo : Tu as eu le temps de souffler depuis ta dernière course en Chine ?
Mathis Le Berre : J'ai bien décompressé en famille, avec mes amis, ma copine. On était sur le projet d'acheter une maison qui s'est concrétisé, ça m'a occupé pendant ma coupure. J'ai un pied à terre en Bretagne. J'ai trouvé mon équilibre de vie.

En début de saison, tu annonçais que tu allais vivre du côté de Nice (lire ici). Est-ce que tu y es allé ?
On a revu nos plans. Avec ma copine, on y a bien réfléchi et on s'est dit qu'on était vraiment bien où on était. Pour se sentir bien tous les deux, c'était important de rester ici, avec tous les amis qu'on a autour de nous. Je reste en Bretagne et je ferai quelques stages, je n'ai pas un profil de grimpeur donc ça ne change pas grand chose. L'équipe est satisfaite de mon travail, je ne vois pas pourquoi je changerais mes habitudes. Chez moi, j'ai quelqu'un qui me masse, mon père me fait les sorties derrières scooter. Trouver tout ça à Nice, ce n'est pas évident.

« MON CÔTÉ OFFENSIF M'A SERVI POUR LA VUELTA »

Quel bilan fais-tu de ta deuxième année chez les pros ?
Très bon. En début de saison, je suis encore allé dans les échappées et à partir de l'été, j'ai commencé à être un peu protégé. J'ai fait quelques résultats, à la Polynormande, à la Vuelta j'ai fait deux Top 10 en WorldTour, ce n'est pas anodin. J'ai montré que l'équipe a eu raison de me faire confiance, j'ai su jouer de mes qualités sur ces courses.

Tu avais dit aussi que tu essaierais d'aller moins dans les échappées mais tu y es quand même allé. Tu ne peux pas t'en empêcher ?
C'est la course qui décide. Je me dis toujours qu'il peut y avoir des opportunités. Mon côté offensif m'a servi pour la Vuelta. Je suis allé dans quatre échappées et les quatre sont allées quasiment au bout. Il va falloir plus se retenir sur certaines courses. En Chine par exemple, je n'avais pas le droit d'aller dans les échappées, je devais rester avec Ewen (Costiou) le plus loin possible. C'est aussi un rôle qui me convient très bien.

C'était ta deuxième Vuelta, est-ce que tu sens que tu as progressé, tu sentais mieux les coups ?
J'avais un peu plus la lecture de la course. J'étais en chambre avec Simon Guglielmi, tous les soirs on se disait : "demain il faudrait que l'on soit devant ensemble". J'ai fait deux ou trois échappées avec lui, il a une bonne lecture de la course, il m'a beaucoup aidé et guidé. On s'encourageait mutuellement, avec Thibault (Guernalec) aussi. Ce sont des gars qui commencent à avoir de l'expérience et je les écoute, je leur fais confiance et eux aussi, me font confiance. Physiquement, j'ai mieux récupéré qu'après ma première Vuelta. Mais je l'avais aussi bien préparée avec un stage en altitude avec l'équipe. C'était un objectif car c'est une course que j'affectionne car il y a plus d'opportunités pour les échappées. Un jour, quand j'aurai pris un peu de caisse, et que la situation se présentera, je m'imposerai peut-être sur une étape.

« THOMAS (VOECKLER) PENSAIT QUE JE N'ÉTAIS PAS TROP À L'AISE »

Est-ce que c'est parce qu'il y a moins d'étapes dédiées aux purs sprinters à la Vuelta qu'il y a plus d'ouvertures pour toi ?
C'est ça, et en plus il n'y a pas que des purs sprinters. Ce sont souvent des arrivées qui me correspondent à 50 ou 60 mecs. J'ai une petite pointe de vitesse et j'arrive à frotter dans un final, chose que certains n'imaginaient pas. Pour l'anecdote, au Championnat d'Europe, Thomas Voeckler me dit deux jours avant la course qu'il voulait que j'aille devant parce que je ne frottais pas trop et au final, quand il m'a vu dans le peloton avec les autres coureurs il m'a dit : "je ne pensais pas que tu frottais comme ça". Je ne suis pas le plus grand frotteur mais j'arrive à être placé, au mental car je n'ai pas un gros gabarit et ce n'est pas toujours évident de me placer. Si on a l'envie et la rage, on peut être dans les 20 premiers.

Tu es victime de ton image de coureur qui va dans les échappées pour que Thomas Voeckler pense que tu ne savais pas frotter ?
Thomas me voit souvent devant, il pensait que je n'étais pas trop à l'aise. Je ne sais pas trop me situer comme type de coureur. Je suis un peu bon partout sans être exceptionnel. Je suis au milieu de la classe, ça me permet d'avoir des ouvertures. Il y a des bosses que je peux passer alors qu'il ne reste que 40 mecs, et je peux être là au sprint. Je suis aussi capable de faire du boulot pour un sprinter dans le final, comme pour Matis Louvel en Chine.

Tu as donc été sélectionné pour le Championnat d'Europe, à quel moment Thomas Voeckler t'a appelé ?
Il restait moins d'une semaine à la Vuelta, quinze jours avant le Championnat. C'est Didier (Rous) qui me l'a annoncé dans le bus. A l'entraînement après la Vuelta, je n'étais pas très bien, le coeur ne montait pas. Deux jours avant, je roulais avec Rémi Cavagna, qui roule déjà "costaud", je ne me sentais pas très bien. Mais j'ai fait un bon déblocage la veille. Le jour de la course, je devais prendre l'échappée obligatoirement. Ma course s'arrêtait potentiellement au bout de 60 bornes mais il fallait que je sois devant. J'ai suivi sept coups et le septième est parti.

« UNE CHANCE DE POUVOIR VOYAGER »

Que représente une sélection en équipe de France Elite pour ta deuxième saison pro ?
C'est important. Les couleurs de l'équipe de France, ça se respecte, c'est emblématique. C'est une question d'honneur envers Thomas. Il me fait confiance. Quand il passait son diplôme pour être DS, il nous a dirigés en équipe de France Espoirs au Circuit des Ardennes (en 2021, lire ici). Il a dû se rappeler un peu de moi et il aime bien mon tempérament.

Tu as terminé la saison en Chine, as-tu trouvé la saison longue ?
Non, pas du tout. J'ai demandé cet été à Laurent Pichon de faire la Chine. J'étais motivé, on avait une bonne équipe avec un bon effectif. J'ai essayé de protéger Ewen (Costiou) au mieux pour le classement général. Toute l'équipe a fait du bon travail, dans une bonne ambiance, c'était une très bonne expérience à vivre.

Tu voulais aussi découvrir la Chine ?
J'étais assez intrigué, j'avais regardé la course à la télé l'année dernière. Elle avait l'air d'être bien organisée. Niveau sécurité, il n'y a vraiment rien à dire. J'y retournerai bien l'année prochaine. J'étais allé en Australie l'année dernière, c'est quand même une chance de pouvoir voyager, je ne suis pas sûr que dans les années futures, j'irai là-bas. Ça ne me dérange pas de voyager. Au début j'avais un peu de mal à bouger mais maintenant j'aime l'ambiance dans l'équipe pendant les longs trajets.

« QUAND JE M'ÉCARTERAI, IL NE RESTERA PLUS RIEN »

Comment vois-tu ta saison prochaine ?
Je suis ouvert à toutes les courses. J'aimerais bien me retrouver protégé comme je l'ai été en deuxième partie de saison. Pour mon mental, ça m'a fait du bien d'avoir fait des résultats. Je suis un gagneur, j'ai toujours la rage. Mais sur certaines courses WorldTour, si je suis avec Kévin (Vauquelin) et qu'il faut être l'avant-dernier pour l'aider, je ferai mon travail à 100% et quand je m'écarterai, il ne restera plus rien. 

Tu peux être aussi un équipier de luxe comme tu l'as fait avec Ewen Costiou... 
Beaucoup de personnes nous comparent Ewen et moi, je prends des réflexions "Ah oui, Ewen a gagné, toi t'as pas gagné", mais on n'a pas le même profil. Je fais mon travail à 100%, je mets mes ambitions personnelles de côté. C'est comme ça que j'ai encore une année de contrat avec l'équipe et ça se passe très bien. Je préfère qu'Ewen gagne comme au Pays de la Loire Tour. Lors de sa victoire, j'étais échappé et c'était Ewen qui m'avait demandé d'attaquer. Je l'ai fait sans regret et finalement, il gagne ! Tout ce qu'il m'a fait gagner en Amateur, j'essaie de lui rendre. Si je lui dis que je suis vraiment bien, je sais qu'il fera tout pour que je réussisse.

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