Arnaud Démare : « L’orage est passé »

Crédit photo Nicolas Gachet / DirectVelo

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Que peut espérer Arnaud Démare du cru 2025 ? Est-il en mesure de retrouver son meilleur niveau ? Va-t-il franchir le cap symbolique des 100 victoires en carrière, lui qui en affiche aujourd’hui 97 ? “J’ai toujours cet objectif en tête, comme celui de claquer à nouveau une étape du Tour et de gagner plus régulièrement, tout simplement”. Cette saison, le Picard, figure du cyclisme français de la dernière décennie, sera une fois encore l’une des grandes attractions du peloton, une véritable interrogation et curiosité, aussi. Alors qu’il va débuter sa saison en Espagne par une manche du Challenge de Majorque, avant de se rendre en terres gardoises sur l’Etoile de Bessèges, le leader du Team Arkéa-B&B Hôtels espère oublier au plus vite une année 2024 particulièrement difficile.

« JE N’AI PAS RÉPONDU AUX ATTENTES »

Sportivement, d’abord, puisqu’il a peiné à trouver la bonne carburation et les automatismes avec son nouveau train, jusqu’à redouter de conclure la saison bredouille pour la première fois de sa carrière. “Florian Sénéchal s’est fait la clavicule, Amaury Capiot est tombé aussi, puis Dan McNay a été touché aux côtes… Sur Paris-Nice, deux coureurs du train étaient absents. Miles Scotson avait besoin de temps pour s’intégrer à sa nouvelle équipe. Ça faisait beaucoup, on n’était pas à 100%. De mon côté, j’avais du mal à trouver le bon curseur entre fraîcheur et force, j’étais un petit cran en-dessous de ce que je suis capable de faire. Je n’ai pas répondu aux attentes de l’équipe”. Mentalement aussi, et surtout, puisque sa compagne, Morgane, a été hospitalisée près de trois mois en raison d’une dépression sévère. Une épreuve particulièrement douloureuse qu’ils ont décidé de raconter, conjointement, dans le deuxième tome de “Une année dans ma roue”, livre à retrouver aux éditions Talent Sport.

“C’est un sujet qui est d’actualité, la santé mentale d’un athlète de haut niveau”. Pas franchement désireux de se plaindre ou de se trouver quelconque excuse quant à sa saison 2024 décevante - en comparaison avec ses standards -, Arnaud Démare et sa compagne voulaient simplement se livrer, sans tabou. “Ma femme a eu la force d’accepter de se confier. L’objectif de ce livre était d’aider les gens au quotidien”. A-t-il redouté les réactions du milieu cycliste ? “Le livre a pour but de toucher des gens qui ont déjà, initialement, une certaine bienveillance pour moi puisqu’ils font la démarche d’acheter un livre. Ce n’est pas la même chose que de tomber sur un article sur internet ou même de lire le journal. Quand tu achètes un livre, tu sais sur quoi tu vas tomber. Alors non, je ne redoutais pas. Je voulais simplement montrer la difficulté de l’équilibre entre la vie d’athlète de haut niveau et les épreuves du quotidien. Tout est lié, il y a forcément un impact sur la pratique sportive”. Désormais, “l’orage est passé” et l’ancien lauréat de Milan-San Remo (2016) compte bien être un élément essentiel de la WorldTeam bretonne pour ce qui va être sa quatorzième saison chez les pros.

« NE PAS REPRODUIRE LES MÊMES ERREURS ET JOUER SUR LA FRAÎCHEUR »

Pour ce nouvel exercice annuel, il est désormais entraîné par Frédéric Ostian, son quatrième entraîneur en un an et demi. “C’est du changement, il faut se réhabituer même si quand on fait ce métier, on a une capacité d’adaptation énorme”. Parmi les changements principaux qu’il a mis en place depuis le début de la préparation hivernale, celui de “ne pas rouler coûte que coûte en étant malade, par exemple. Avant, j’étais capable de forcer quand même trois heures à l’entraînement mais c’est contre-productif. Si je dois souffler, je souffle”. Plus généralement, il s’est fixé un mot d’ordre : “ne pas reproduire les mêmes erreurs” que dans un passé récent, et se montrer capable de bien “jouer sur la fraîcheur” tout au long de la saison.

Les attentes ? Arnaud Démare n’en fait pas toute une affaire. “Il y en avait déjà l’an passé”. Et les saisons précédentes également. La pression ? “Je m’en mets encore énormément. J’ai du mal à me l’enlever. Cette exigence est en moi”. Mais il compte bien miser, plus que jamais, sur sa force mentale, sa patience et son abnégation. “Tout ça, je connais et je sais faire”. Et si la victoire ne vient pas en début de saison ? “Je ne sais pas jusqu’où je vais tenir. Peut-être qu’un jour, j’en aurai ras-le-bol mais pour l’instant, ce n’est pas le cas”.

« J’AI ENCORE LE PHYSIQUE POUR POUVOIR M’EXPRIMER »

Heureux de s’être “remis sur les rails” et “Impatient” d’en découdre, Arnaud Démare est persuadé de pouvoir encore réaliser de grandes choses. Et ne lui parlez pas d’âge ! “Je n’ai que 33 ans, je veux me faire confiance. André Greipel gagnait quatre étapes sur le Tour à 34 ans, Philippe Gilbert a gagné Paris-Roubaix à 36 ans et Mark Cavendish a gagné sur le Tour à 39 ans. Un sprint peut être aléatoire. Il faut trouver le bon mood, les répéter pour avoir un jour l’ouverture. J’ai encore le physique pour pouvoir m’exprimer”. 3e à Villeneuve-sur-Lot avant d’être déclassé pour sprint jugé irrégulier lors du dernier Tour de France, il a senti ce jour-là qu’il avait encore la gagne dans les jambes pour la plus grande course au Monde. “Je sais que sur cette étape-là, je pouvais gagner”.

Avant le grand objectif du Tour, Arnaud Démare va tenter de gagner le plus tôt possible. Du côté de Majorque ou à Bessèges, peut-être, où il aura “une grosse équipe” pour l’épauler. Puis, si ce n’est pas déjà fait, à Almeria, Kuurne-Bruxelles-Kuurne et Paris-Nice. “Selon ma forme, j’aurai ensuite un beau programme sur les Classiques”. Après les problèmes de rodage de l’an passé, accentués par les blessures successives de ses poissons-pilotes, le Picard espère avoir un train bien huilé cette fois-ci. “Il y aura toujours Florian Sénéchal, mais aussi Miles Scotson qui sera souvent avec moi même si pour l’instant, il est en Australie”. Amaury Capiot est également cité par le leader, tout comme le spécialiste de la piste Donavan Grondin. “Il manque de régularité mais il a les qualités pour”, assure Arnaud Démare à propos du Réunionnais. Si tout le monde s’exprime à 100%, il en est persuadé, “il y a moyen de faire de belles choses”. Y compris de battre les hommes les plus rapides de la planète. “La confiance joue énormément. Il suffit qu’il y ait une bonne émulation dans l’équipe et tout est possible”.




Photo : Team Arkéa-B&B Hôtels 

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