Katarzyna Niewiadoma : « Ça fait si longtemps »
Enfin ! Katarzyna Niewiadoma peut bien ironiser en imaginant ce mot être le premier à sortir de la bouche de ses fans. Avec une collection de places d’honneur depuis maintenant cinq ans, la Polonaise attendait son tour. Ce mercredi, elle n’a en plus pas gagné la plus petite épreuve du calendrier. La coureuse de Canyon//SRAM Racing est allée s'imposer en haut du Mur du Huy, à la pédale face à Elisa Longo Borghini et Demi Vollering, au prix d’une attaque décisive dans la dernière ligne droite vers la ligne d’arrivée (voir classement). Un immense soulagement pour celle qui avait remporté le Championnat du Monde de gravel l’an dernier, mais qui est bien heureuse d’être enfin récompensée de son caractère offensif sur la route. Katarzyna Niewiadoma était tout sourire en conférence de presse, au micro de DirectVelo, et n’a pas manqué d’évoquer la dimension psychologique et mentale de ces années de disette, elle qui porte une attention particulière à cet aspect du sport.
DirectVelo : Tu retrouves enfin le chemin de la victoire !
Katarzyna Niewiadoma : Cette victoire a beaucoup de valeur pour moi, ça fait si longtemps que je n'ai plus gagné. Je suis très fière de moi, mon équipe, mes supporters qui n'ont jamais cessé de croire en moi après toutes ces places de 2, de 3 etc. Je n'ai jamais reçu de messages négatifs à cause de ça, seulement de la bienveillance. Ça m'a aidée à continuer d'y croire pour retrouver le chemin de la victoire, je n'avais qu'à être patiente. Après dix ans de Flèche Wallonne, gagner pour la première fois c'est vraiment particulier. Surtout dans ces conditions. Je n'attends que le moment de retourner au bus et à l'hôtel pour fêter ça avec les filles.
Tu étais accompagnée par Demi Vollering et Elisa Longo Borghini dans la pente finale. Comment sentais-tu le match à trois ?
Honnêtement, j'étais plutôt contente de voir Demi faire le tempo dans la montée. L'année dernière elle m'avait fait craquer dans la partie raide. Je n'avais pas pu me faire au changement de rythme et ce scenario. Cette fois, je maitrisais à cette allure. Avec mon entraineur on a bien travaillé ça donc j'étais confiante pour tenir et accélérer sur la fin sur 30 secondes environ. Bien sûr je ne savais pas à l'avance comment je serais, on peut toujours avoir des mauvaises jambes mais j'y ai cru.
Cette année, les conditions étaient assez inhabituelles...
Ces conditions ont crée un peloton plus réduit. L'approche du Mur était très tendue. Les huit derniers kilomètres étaient chauds car tout le monde savait qu'il fallait être devant. Parfois tu dois rester sous pression, ça crée de la nervosité dans le peloton. Cette année, c'était encore plus dur avec le froid et la pluie, mais tu dois rester dans le coup mentalement. C'est une forme de challenge. Cette année était clairement l'une des plus tendues et difficiles.
Tu as toujours été là, toujours à l'attaque. Comment vis-tu cette idée d'avoir autant attendu ton heure ?
J'aime cette idée d'attaquer même si je ne gagne pas. Je crois beaucoup en le développement personnel. J'aime chercher comment je peux faire la différence, comment je peux progresser. Mes coéquipières m'apportent beaucoup de positif aussi, elles disent toujours que le résultat n'est qu'un résultat. Le plus important est de donner le meilleur, quitte à faire des erreurs. Je garde la foi, je continue de progresser, je garde le sourire... et la victoire est là !
« J’AI COMMENCÉ L’ANNÉE EN ME DISANT QUE J’AURAI BIENTÔT 30 ANS »
Est-ce qu'il y a eu un déclic cette année ?
Le vélo féminin se développe énormément depuis quelques temps. Ces dernières années je n'ai jamais vraiment changé de préparation. Cette année j'ai compris que je devais changer quelque chose et mon équipe m'a laissé le temps de bien préparer ces Classiques. Si je cours beaucoup, que j'attaque tout le temps, je risque de me cramer un peu physiquement comme mentalement. Avec le cyclisme féminin actuel, tu dois aborder les courses que tu coches dans une forme parfaite.
D'où vient cette prise de confiance... et de conscience ?
J'ai commencé l'année en me disant que j'aurai bientôt 30 ans et c'est sans doute la raison principale (rires).
Le vélo féminin change beaucoup, et tu y assistes depuis dix ans… En quoi le vois-tu ?
C'est plus dur de faire une sélection, comme on a pu voir à l'Amstel. On a plus de sprints en gros groupe. Alors que quelques années en arrière, une ou deux attaques pouvaient être suffisantes pour faire une sélection. Grâce aux sponsors, aux personnes qui participent au développement, on a plein de jeunes qui peuvent profiter de ces nouvelles conditions, à l'image d'une Ricarda (Bauernfeind) ou Antonia (Niedermaier) dans mon équipe. Elles progressent super vite.
Maintenant il y a Liège-Bastogne-Liège. Peux-tu faire tanguer le collectif SD Worx-Protime ?
On n'a peut-être pas la Championne du Monde ou la tenante du titre, mais nous avons un groupe qui partage tout, qui vit bien et qui se tire vers le haut. On peut gagner comme on l'a prouvé ici. On va arriver sur Liège avec la même approche, avec l'idée de passer la ligne en tête. Peu importe que ce soit moi, Elise (Chabbey) ou encore Soraya (Paladin). On va toutes tirer dans le même sens.