Romain Bardet : « Je sais que ce sont les dernières pages »

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Un sprint à quatre. C'est ce qui avait privé Romain Bardet d'un maillot arc-en-ciel, au Mondial d'Innsbruck en 2018, battu par un Alejandro Valverde qui soulevait enfin le titre. Depuis, le coureur du Team dsm-firmenich PostNL n'est revenu qu'une fois sur un Championnat du Monde, en Australie, en 2022. Alors en cette année 2024, c'est une saveur particulière de porter le maillot de l'équipe de France pour la dernière fois, celui qu'il a tant fait briller dans ses jeunes années, mais pas que. Toujours philosophe, c'est un Romain Bardet pas encore nostalgique qui s'est confié à DirectVelo, bien qu'il n'ait pas hésité à reculer quelques pages en arrière de sa longue carrière, avant de partir à la conquête, une dernière fois, d'un titre international sur le parcours de Zurich.

DirectVelo : Est-ce qu'il y a de la nostalgie ?
Romain Bardet : Pour l'instant, non. Je pense qu'elle arrivera l'an prochain, peut-être, quand je regarderai le Championnat du Monde à la télé. Je me rappellerai de ces moments. Il y a des phases dans la vie, il faut accepter. Je compte bien exaucer mes dernières volontés de coureur sur ces quinze derniers jours, à savoir finir sur un très bon niveau, pas lassé par le milieu. Ce sont des conditions importantes que je veux garder. Depuis que j'ai pris cette décision, ce n'est pas un poids en moins mais ça m'apporte un brin d'innocence. C'est paradoxal, car c'est la dernière marque qu'on laisse, mais en même temps je sais que ce sont les dernières pages, les derniers résultats, ma carrière est faite à 99%. Je prends du plaisir, j'ai du recul sur ce que j'ai fait donc je me concentre sur le positif et ça m'a bien réussi cette année.

On parle beaucoup du Tour quand on parle de toi, mais le Championnat du Monde aussi restera, comme Innsbruck. Quelle place ça a dans ta carrière ?
Sur le coup il y avait un peu de déception. On avait une équipe construite pour le titre cette année-là. Dans la tête je ne m'étais pas mentalisé ce rôle de finisher. J'aurais aimé être le Romain Bardet post-2021, j'aurais joué différemment. Est-ce que ça aurait chosé quelque chose ? Peut-être pas. Mais dans l'esprit, quand j'ai passé la ligne, tout ce dernier replat, je n'étais pas prêt à jouer tout ça mentalement. Mais ça reste un Championnat du Monde, ce sont des bons souvenirs. Surtout sur le chemin parcouru là-bas, ça m'a mis l'eau à la bouche. L'un des plus grands regrets restera le Mondial de Martigny qui n'a jamais eu lieu. Ça aurait pu être la course d'une vie, j'avais reconnu, tout me plaisait. Mais c'était l'année covid. On ne peut pas refaire l'histoire mais peut-être que ma chance était passée. Innsbruck, je le place au niveau de Liège cette année. Ce sont des bons moments de coureur de Classiques que j'ai apprécié disputer.

« DANS NOS ANNÉES JEUNES, L'ÉQUIPE DE FRANCE ÉTAIT L'ALPHA ET L'OMÉGA »

Qu'as-tu envie d'apporter à cette équipe de France ?
Mon envie et mon enthousiasme. Je suis là aussi pour être garant d'un état d'esprit et d'une envie de faire. J'ai l'expérience, j'analyse plutôt bien la concurrence. J'espère être la pièce un peu lucide, même si ça ne repose pas que sur moi. Mais être capable de prendre les bonnes décisions en course, savoir ce qu'on fait.

Où en es-tu physiquement ?
Ça se passe bien, j'avais volontairement sacrifié mon mois d'août pour faire une bonne coupure mentale après le Tour. L'expérience fait que je sais que ce n'était pas possible d'enchainer. J'ai repris au Canada sur une phase ascendante. J'ai vraiment bien travaillé. J'ai les acquis du début de saison, donc sur mon niveau personnel je ne peux pas faire grand chose de plus. Mais la concurrence fait que trois-quatre mecs sont supérieurs sur le papier. Alors je m'inscris dans le collectif pour essayer de bouleverser la hiérarchie.

Au-delà du Mondial, l'équipe de France a marqué ta carrière... Des souvenirs remontent ?
J'ai découvert le haut-niveau grâce à l'équipe de France, dans un vélo d'il y a une décennie et qui parait loin maintenant. Dans nos années jeunes, l'équipe de France était l'alpha et l'oméga. Il ne faut pas se cacher que c'est différent maintenant avec les équipes de marque et les réserves. Pour nous, les courses avec la France étaient les objectifs de l'année, c'était le Graal. Il y a eu un esprit qui a perduré au fil des années, de se retrouver. Ça a toujours réanimé cette nostalgie, de se retrouver avec du staff. Par exemple Pierre-Yves (Chatelon) accompagne ma sortie demain, ce sont des belles histoires humaines. C'est ce qui compte beaucoup plus à mes yeux. J'aurais aimé avoir plus de palmarès en équipe de France, mais le plus important est cette tranche de vie partagée.

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