Félicia Ballanger : « Il faut des compétitions pour les jeunes »
Félicia Ballanger a passé sa semaine au Championnat de France sur piste de l'Avenir à Loudéac, en centre piste, pour accompagner les pistards du comité de Nouvelle-Calédonie mais aussi en bord de piste pour leur prodiguer ses conseils. La triple Championne olympique (deux fois de la vitesse individuelle et une fois du 500 mètres) qui habite depuis plus de 20 ans en Nouvelle-Calédonie, était déjà en Métropole il y a trois mois pour les Jeux olympiques. La Vendéenne avait été mise à l'honneur pendant la cérémonie d'ouverture où elle a fait partie du dernier carré des porteurs de la flamme. Mais la semaine suivante, elle a assisté aux premières loges à la déroute de la vitesse française. Pour DirectVelo, elle fait le constat des "choses simples" à appliquer pour que la vitesse française rallume la flamme et où les coureurs d'Outre-Mer doivent pouvoir s'exprimer.
DirectVelo : Comment vivez-vous ce qui se passe dans le sprint français ?
Félicia Ballanger : Pendant longtemps, on a espéré avoir des vélodromes couverts en France, des personnes se sont battues pour pendant de longues années. Maintenant, on en a plusieurs, mais il faut les faire vivre, y mettre de l'activité et ça amènera des jeunes. En faisant venir les jeunes, le niveau s'élèvera. À partir du moment où on s'occupe des jeunes, ça donne des résultats. Quand on voit déjà le niveau que les garçons affichent ici, le record de France Cadettes du 200 mètres battu... Dans chaque région, il doit y avoir des jeunes intéressants qu'il faudrait repérer et dont il faudrait s'occuper dans les équipements qui existent.
Comment les faire progresser ?
Il ne s'agit pas de concentrer les jeunes dans un seul endroit mais qu'ils restent plus longtemps chez eux, avec un staff qui leur convient. Faire des choses simples dans plusieurs endroits pour que ça produise de la concurrence. Si on pouvait reproduire ça dans chaque région, où dans chaque grande région qui compte un vélodrome couvert. Certaines régions n'ont que des vélodromes découverts qui permettent de faire des choses et ont quand même des champions mais c'est plus compliqué. Profitons de ces équipements.
« PLUTÔT QUE DE METTRE TOUT LE MONDE DANS DES CASES »
Vous avez connu deux pôles (Hyères et l'INSEP), quel était l'avantage ?
Déjà d'avoir deux structures différentes. La structure est à l'image de l'entraîneur qui la fait vivre. Tous les sportifs sont différents et ne peuvent pas s'entendre avec le même entraîneur. Il faut proposer plus d'offres avec des entraîneurs avec qui ça peut matcher, pour faire le travail de fond. Ce sont des choses simples, c'est ce qu'on a laissé faire pour le VTT, où chaque athlète a son petit staff, le BMX ou la route aussi. Il faut réfléchir à une organisation où chacun pourra s'épanouir plutôt que de mettre tout le monde dans des cases.
Il y a un manque de compétitions. Est-ce que l'entrainement peut le compenser ?
Non, c'est un point essentiel. Maintenant qu'on a de beaux équipements, même s'il en faut encore quelques uns, il faut les faire vivre et il faut des compétitions. Les jeunes aiment la compétition. S'il n'y a pas de compétitions sur piste, ils iront sur la route. Pour la poursuite c'est moins grave, mais pour le sprint, on perd certainement des jeunes qui ont du potentiel pour le sprint parce qu'il ne se passe rien sur la piste. C'est moins rigolo de s'entraîner. Les plus jeunes ne peuvent pas se déplacer pour courir loin. C'est dans les régions qu'il faut des courses. Avant, on disait "la piste c'est compliqué, on annule quand il pleut", mais maintenant, les vélodromes couverts doivent organiser des compétitions.
« 24 HEURES DE VOYAGE ET NEUF HEURES DE DÉCALAGE HORAIRE »
Dans ce Championnat de France, l'Outre-mer représente une bonne part des engagés des tournois de vitesse. Est-ce un vivier assez exploité ?
C'est un sujet que je connais bien, ça fait 20 ans que je m'en occupe pour les sportifs, pas seulement les cyclistes, en Nouvelle-Calédonie. Il a été prouvé qu'il y a des potentiels physiques en Outre-mer qui ont apporté aux équipes de France, en hand, en athlé. Quand on voit la composition des quarts de finale chez les U19 ou chez les Cadettes, on voit qu'ils sont très présents. Mais ils sont loin et souvent isolés. Il y a des Outre-mer proches comme les Antilles, où c'est assez facile de faire des allers-retours et des Outre-mer très éloignés comme le Pacifique. Il faut 24 heures de voyage pour venir en Métropole, neuf heures de décalage, les coûts sont multipliés. Ils peuvent s'entraîner sur un vélodrome découvert grâce au soleil mais il faut aller chercher la concurrence. Venir de Nouvelle-Calédonie en Métropole, le billet d'avion c'est 2500 euros par personne, il faut arriver dix jours avant pour récupérer du décalage horaire, ce sont des coûts d'hébergement en plus, de la location de voiture pour le matériel. Ce n'est pas facile de trouver les fonds
Est-ce que c'est facile d'attirer les jeunes en Nouvelle-Calédonie ?
C'est pareil dans toutes les régions, il faut proposer quelque chose de régulier. Sur six sélectionnés, quatre sont issus de l'école de vélo qu'on a montée (École Calédonienne du Vélo, NDLR). Les plus grands viennent pour poursuivre leurs études en Métropole. On regarde dans quelle discipline ils peuvent s'épanouir. Il faut leur proposer de l'activité. Il y a aussi la concurrence d'autres disciplines. Cette année avec les émeutes, les courses sur route et de VTT ont été annulées mais la piste a pu reprendre assez tôt pour s'entraîner correctement. Le vélodrome de Nouméa est dans un très mauvais état, 333 m en béton, construit en 1960 et très mal entretenu. Ils s'entraînent dans des conditions difficiles. C'est pour ça qu'on les emmène en Nouvelle-Zélande à Cambridge pour qu'ils voient ce qu'est un vélodrome en bois.
Vous avez aussi des vélodromes dans les pays voisins...
On a la chance d'être à deux heures de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, deux grosses nations du cyclisme. On a fait ce choix de venir une fois en Métropole, parce qu'ils sont français et il faut qu'ils viennent faire le Championnat de France, mais les principales compétitions sont en Nouvelle-Zélande et en Australie. On les emmène aussi au Championnat d'Océanie, c'est un niveau très élevé, autant qu'un Championnat de France mais avec plus de densité chez les jeunes. Même si ce n'est pas loin, c'est quand même un coût avec le déplacement en avion, on ne peut pas le faire tous les week-ends.