Julien Thollet : « Choisir, un problème de riche »
Les Championnats du Monde de cyclisme sur route auront lieu du 21 au 28 septembre prochains à Ponferrada (Espagne). Les différentes sélections françaises sont tombées en début de semaine. Julien Thollet, qui s’apprête à passer une petite semaine avec ses protégés de l’Equipe de France Juniors entre la Suisse et l’Alsace, a pris le temps d’expliquer sa sélection pour DirectVelo.com.
DirectVelo : Peux-tu nous expliquer la façon dont tu as construit ton équipe pour le Championnat du Monde de Ponferrada ?
Julien Thollet : Le fil rouge de la saison a été la Coupe des Nations. Tout au long de l’année, j’ai pu faire connaissance avec pas mal de coureurs sur différents profils de course. Au total, j’ai dû avoir 25-26 coureurs. J’ai vraiment pu faire une grande revue d’effectif. Pour ce Mondial, il y avait plusieurs critères de sélection. Evidemment, le profil du parcours compte beaucoup. Il ne me fallait pas forcément de purs grimpeurs, mais des puncheurs qui passent bien les bosses car il y aura quand même plus de 2000 mètres de dénivelé. Ensuite, j’ai aussi pris en compte le comportement de chaque coureur lors des courses internationales de cette saison. Et enfin, j’ai fait attention à la forme actuelle de chacun.
« LEO DANES A PRIS UNE AUTRE DIMENSION A SAINT-OMER »
Le Championnat de France Juniors de Saint-Omer t’a-t-il aidé à finaliser tes choix ?
J’ai regardé les performances de chaque coureur à Saint-Omer, évidemment. Mais c’était quand même une course particulière, sur un circuit certes exigeant mais pas très dur non plus. On avait assisté à une très belle course là-bas, qui s’est faite en costaud. J’ai pu finaliser quelques choix à Saint-Omer. Souvent, il s’agissait simplement de confirmations.
Léo Danès semble quand même avoir gagné sa place à l’occasion de son podium sur le Championnat de France Juniors…
Je l’avais d’abord emmené au Canada sur le Tour de l’Abitibi, pour que l’on fasse connaissance. Je voulais qu’il puisse se jauger au niveau mondial. Je l’avais déjà trouvé intéressant au Canada, de par son comportement notamment. Sa deuxième place à Saint-Omer n’a donc été qu’une confirmation, où il a fini d’enfoncer le clou. Sur ce Championnat, je trouve qu’il a pris une autre dimension. Il a pris confiance en lui. Sur le final, ça roulait très fort, ça s’est fait à la pédale et il était encore là. Il ne lui a pas manqué grand-chose pour qu’il devienne Champion de France. Désormais, charge à lui de nous faire d’autres belles choses.
« IDJOUADIENE ET MADOUAS FONT LES FRAIS D’UNE GENERATION EXCEPTIONNELLE »
Des coureurs comme Pierre Idjouadiène ou Valentin Madouas se retrouvent sur la touche. Certaines décisions n’ont pas dû être faciles à prendre…
Choisir une sélection, choisir des coureurs, a vraiment été un problème de riche pour moi cette année. Nous avons beaucoup de coureurs performants au niveau international chez les Juniors français. Du coup, je me retrouve effectivement à laisser à la maison des coureurs qui ont leur place dans le peloton international, et qui avaient leur place au Mondial. Pierre (Idjouadiène) et Valentin (Madouas) notamment font les frais d’une génération assez exceptionnelle. Ils ont tous les deux montrés cette année qu’ils étaient forts. S’ils ne sont pas sélectionnés, ce n’est pas à cause de leur méforme ou d’un manque de performance. Entre les six sélectionnés pour la course en ligne et les deux remplaçants que sont Pierre et Valentin, la différence s’est uniquement faite sur le profil du circuit. Mais comme je l’ai déjà expliqué aux deux garçons, il ne s’agit en aucun cas d’une sanction. Valentin avait marché très fort au GP Général Patton notamment. Pierre a été médaillé au Championnat d’Europe en Suisse. Je sais que leur absence doit étonner pas mal de monde. Mais les six autres aussi méritent leur place.
Dans cette sélection, on note notamment la présence de Damien Touzé. Comme Pierre-Yves Chatelon avec Thomas Boudat, tu as donc préféré parer à toutes éventualités en emmenant un sprinter ?
C’est marrant car on n’en a pas discuté avec Pierre-Yves (Chatelon) mais effectivement, on peut parler de même stratégie, ou en tout cas de même point de vue. J’ai eu l’occasion de discuter avec Bernard Bourreau, et il m’a expliqué que si le parcours était difficile et exigeant, les circonstances de course pourraient quand même jouer un rôle important. Par exemple, si le vent est défavorable toute la journée, on pourrait assister à une course fermée, avec un sprint à 30 ou 40 coureurs. Damien Touzé nous a montré, notamment avec sa deuxième place d’étape au Trophée Centre Morbihan, qu’il pouvait passer les bosses sur un parcours casse-pattes.
Quand est-il du reste de l’équipe ? Est-ce que chacun aura sa chance, ou imagines-tu plutôt une équipe articulée autour de Rayane Bouhanni, très brillant cette année ?
Rayane (Bouhanni) a été très performant cette année. Mais on peut dire la même chose d’Aurélien (Paret-Peintre). Damien (Touzé) a donc gagné de belles courses notamment au niveau international. Léo (Danès) est l’homme fort du moment. J’emmène aussi deux grimpeurs en la personne de Rémy (Rochas) et David (Gaudu). Tout le monde aura sa chance dans ce groupe. Les six peuvent être performants sur ce Mondial. Je ne compte pas protéger un coureur en particulier. De toute façon, ce serait trop risqué. Rayane supporterait-il vraiment cette pression-là ? La vérité, ce que l’on n’en sait absolument rien.
« JE PREFERE QUE CHACUN SE CONCENTRE SUR UN SEUL OBJECTIF »
La sélection de Corentin Ermenault pour l’effort chronométré semble couler de source. En revanche, il est important de souligner que tu as préféré aligner Jérémy Defaye plutôt que de faire doubler Rayane Bouhanni. Pourquoi ?
Pour plusieurs raisons. La particularité de Jérémy (Defaye), c’est que c’est un coureur qui est vraiment capable de s’exprimer sur des chronos très linéaires, très purs, où la force et le potentiel physique s’expriment au maximum. A Saint-Omer, le final était un peu tortueux. Il n’avait pas pu complètement exprimer son potentiel. Et puis, il avait eu quelques ennuis de santé début août. Au Championnat de France Juniors, il était simplement sur le retour, pas encore au top physiquement. Mais je fais le pari qu’il saura se préparer pour le Mondial. Il adore cet exercice. Je vais rester en contact avec lui jusqu’au départ pour l’Espagne, afin qu’il prépare au mieux ce rendez-vous. En ce qui concerne Rayane (Bouhanni), je me suis dit que le chrono était quand même exigeant, et qu’il aurait pu y laisser des plumes. Je préfère donc que chacun se concentre sur un seul objectif. Jérémy a quand même fait cinquième au Championnat d’Europe contre-la-montre. Et à Ponferrada, ça risque de lui convenir encore plus.
Quel programme attend tes coureurs jusqu’au départ pour l’Espagne ?
Je viens de récupérer tous les coureurs aujourd’hui. On commence une course par étapes de trois jours demain (vendredi) en Suisse, le Grand Prix Rüebliland. Puis je vais les garder trois jours supplémentaires de lundi à mercredi prochain, histoire de compléter un peu par un petit stage en Alsace. Ce sera avant tout basé sur la cohésion de groupe. Il sera important de débriefer ce qu’il se sera passé en Suisse également. Quant à Corentin (Ermenault) et Jérémy (Defaye), nos spécialistes du chrono, ils doivent disputer leur Challenge National le 14 septembre. Je ne pourrai les récupérer qu’après, mais je compte travailler avec eux dès notre arrivée à Ponferrada, le week-end des 20 et 21 septembre.
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Crédit photo : Hervé Dancerelle - www.directvelo.com