Articles les plus lus en 2014 : Interview Samuel Plouhinec

Jusqu'au 31 décembre 2014, DirectVelo vous propose de relire les articles et les interviews consacrés aux amateurs ou aux néo-professionnels les plus lus cette année.
Sixième volet, avec la Grande Interview de Samuel Plouhinec, un des piliers du peloton amateur en France, dans un article d'avril 2014.


Un monument que Samuel Plouhinec. Depuis plus de quinze ans, le leader du Team Peltrax-CS Dammerie-lès-Lys a navigué entre équipes pros et amateurs au gré de ses blessures, toujours guidé par son goût pour la victoire. Entre son titre de Champion de France Espoirs en 1996 (acquis devant Frédéric Finot et Stéphane Auroux) et un nouveau maillot tricolore chez les amateurs en 2009, il a moissonné des dizaines d'épreuves aux quatre coins du pays. Il demeure encore une référence à trente-huit ans comme en attestent ses dix-huit succès en 2013. Et ce même s'il se trouve émoussé depuis février 2014 et reconnaît que sa "fin de carrière est proche". Méticuleux à l'extrême, discret à la vie et "pas marrant sur le vélo" de son propre aveu, Samuel Plouhinec a bien voulu en dire plus sur lui à DirectVelo.com à travers l'une de ses interviews qu'il calcule aussi finement qu'une échappée.
 

DirectVélo : Comment expliques-tu ta longévité sur le vélo ?
Samuel Plouhinec : Je n’ai pas de remède miracle. Un minimum de capacité physique à la base, une bonne hygiène de vie, de la rigueur et la passion de ce que je fais : ce sont selon moi les ingrédients pour perdurer !

Tu n’éprouves donc aucune lassitude ?
Non, parce que j’aime le vélo et surtout la compétition. Je pense même à gagner certaines épreuves qui manquent à mon palmarès, comme Paris-Connerré, où l'arrivée est jugée pas très loin de chez moi. Un jour ou l’autre, je ressentirai certainement une forme de lassitude, lorsque je ne serai plus capable de jouer un rôle prépondérant dans une compétition. Quoiqu’il en soit, je ne me suis pas encore fixé de date butoir même si une chose est sûre : la fin de ma carrière est proche !

Tu es moins dominateur en ce début de saison...
En effet, je dirais même que je subis. Depuis le mois de janvier, j’accumule des problèmes de santé, notamment des bronchites qui ont entraîné un asthme à l’effort. Du coup, je suis l’ombre de moi-même. C’est vraiment frustrant parce que j’ai énormément roulé cet hiver : je totalisais huit-mille kilomètres au départ de l'Essor Basque, en février.

Quel pourrait être ton prochain métier ?
Comme j’ai mon brevet d’état, je pourrais être directeur sportif ou entraîneur. Mais travailler pour le développement d’une marque de cycle ou du matériel de cyclisme, ça me me plairait également : j’ai toujours eu des vélos à la pointe de la technologie. Mais ce n'est pas non plus une priorité absolue de rester dans le milieu du cyclisme...

« JE N'AURAIS PAS ETE PLUS HEUREUX DE FAIRE LA MEME CHOSE CHEZ LES PROS »

Tu as fait plusieurs fois le yoyo, passant des rangs professionnels aux amateurs. Quelle période de ta carrière as-tu préféré ?
Sans aucun doute, mes années à l'AVC Aix-en-Provence et Bretagne-Jean Floc’h. Nous étions une bande de copains et nous obtenions des résultats tous les week-ends. J'ai également bien aimé ces dernières années quand je sillonnais les routes de France avec mes deux amis Carl Naibo et Benoît Luminet pour participer à de multiples épreuves.

Et quelle a été la pire période ?
Mes deux premières années professionnelles, lorsque j’étais chez Cofidis (1998-1999). La première saison, j’ai attrapé une mononucléose et de ce fait, je n’ai pratiquement pas couru. La seconde, je me fais faucher par une voiture avant le prologue du Tour de l’Ain...

Tu nourris quelques regrets de ne pas avoir réussi chez les pros ?
Non, aucun. J’ai couru sept ans chez les professionnels et j’ai eu une carrière relativement moyenne par rapport à ce que j’étais capable de réaliser... Sept ans où j'ai connu des accidents et des problèmes de santé. Par la force des choses, j’ai continué ma passion chez les amateurs avec les succès que l’on connaît. Je ne pense pas que j’aurais été plus heureux en faisant la même chose chez les professionnels. J’aurais juste gagné plus d’argent.

Aujourd’hui, si tu pouvais faire machine arrière, que changerais-tu pour mener une meilleure carrière chez les pros ?
Je débuterais dans une autre équipe (que Cofidis, NDLR). A l’époque, j'avais quasiment été contacté par toutes les équipes françaises. BigMat-Aubervilliers m’avait même proposé un contrat de quatre ans. Au vu de leur philosophie, je pense qu’ils ne m’auraient pas laissé sur le carreau à la suite de mon accident comme l'a fait Cofidis. J'étais très enthousiaste à l'idée de travailler avec Cyrille Guimard, un personnage du cyclisme. Malheureusement, il a quitté son poste en hiver.

« NE PAS VOIR QUE PAR LES WATTS »

Le temps est passé, et il a apporté des méthodes d’entraînement “modernes”. Aujourd’hui, la plupart des jeunes amateurs roulent avec un capteur de puissance. Et toi ? Que penses tu des nouvelles méthodes d’entraînement utilisées actuellement ?
J’ai déjà testé un capteur mais je l’ai vite retiré, par manque d’habitude. Je m’entraîne aux sensations et je n’ai même pas de compteur en compétition. J'aurais aimé en avoir un au début de ma carrière. Si on a un entraîneur compétent dans ce domaine, ces outils peuvent être un plus pour préparer ses objectifs. Mais il ne faut pas tomber dans l’excès et ne voir que par les watts... Ça ne fait pas tout.

La façon de courir du peloton amateur a également évolué ?
Oui, beaucoup de coureurs font des efforts démesurés pour s’échapper, mais ensuite c’est souvent à celui qui va en faire le moins dans le groupe. Je pense que cette attitude est dictée par les directeurs sportifs. Les briefings des équipes DN sont souvent les mêmes : on ne roule pas si on n’est pas en surnombre, on ne roule pas si on est échappé avec untel, on ne roule pas si on n’est pas sûr de gagner ! Pour faire court, une majorité du peloton court sur la défensive.

Tu t'es adapté ?
Un peu, car j’ai un gros porte-bagage derrière mon vélo... Généralement je me déplace en groupe pendant les courses (rires). En début de course, je dois être très vigilant afin de ne pas louper les premières échappées, sinon c’est un enterrement de première classe.

« SUR LE VELO, JE NE SUIS PAS TROP MARRANT »

Comment te sens-tu perçu au sein du peloton, notamment par les jeunes ?
Certains m'apprécient, d'autres me détestent, mais cela m’importe peu. Je reçois beaucoup de messages de jeunes, souvent via Facebook. Il est vrai que lorsque je suis sur un vélo, je ne suis pas trop marrant (rires), c’est peut-être pour ça qu’ils n’osent pas venir me parler directement. Ils me demandent souvent des conseils, certains souhaitent que je les entraîne. Malheureusement, je n’ai pas le temps d’aider tout le monde. Je m’occupe d’un ou deux coureurs, comme je l’ai fait avec Nicolas Edet pendant deux ans, avant qu’il ne passe pro chez Cofidis.

Sens-tu une forme de respect, de crainte ou de jalousie par exemple ?
Il y a un peu des trois. Les jeunes que je côtoie dans mon équipe sont très respectueux. La jalousie concerne plutôt les coureurs qui se rapprochent de ma génération mais s’est souvent comme ça lorsque l’on gagne beaucoup, je crois…

L’un de ces jeunes a-t-il retenu ton attention ?
Oui, Warren Barguil. Indéniablement un futur grand.

Crédit photo : Pauline Baumer - www.directvelo.com
 

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