La Grande Interview : Sébastien Fournet-Fayard

Sébastien Fournet-Fayard s'apprête à enchaîner les jours de course. Il en compte quinze sur le prochain mois. Ce qui n'inquiète guère ce coureur habitué aux longues sorties d'entraînement et à beaucoup courir. "Je vais participer à toutes les courses par étapes de l'équipe. Mon directeur sportif Jean-Philippe Duracka me connaît bien. Il sait que je tiendrai le coup", confie le coureur du Team Pro Immo Nicolas Roux.
Les deux hommes se connaissent depuis l'EC Montmarault-Montluçon. Ils se sont retrouvés en 2008 chez les professionnels d'A-Style. L'Auvergnat restera trois années dans l'équipe continentale italienne. Il en profitera pour tomber amoureux de l'Italie. "Un terre de vélo", estime le double Champion d'Auvergne. Rencontre avec Sébastien Fournet-Fayard, qui fêtera ses 30 ans à la fin du mois.

DirectVelo.com : Combien de kilomètres as-tu au compteur depuis cet hiver ?
Sébastien Fournet-Fayard : Je ne le sais pas de tête, je peux avoir l'information avec Strava. Il suffit que je regarde sur l'ordinateur... Depuis le 1er janvier, j'ai fait 8 700 kilomètres. En fait, je n'ai pas diminué la longueur de mes sorties d'entraînement quand je suis retourné chez les amateurs, même si les courses sont moins longues. Faire une longue sortie a toujours été un plaisir pour moi. J'ai la chance d'habiter dans une région, l'Auvergne, où nous avons des beaux paysages et tous les types de terrain. Je ne vais pas dire qu'une sortie de six heures passe vite mais c'est agréable avec un joli cadre. Ce n'est jamais monotone, les paysages sont variés.

Tu fais beaucoup de sorties de six heures ?
Les longues sorties, c'est surtout l'hiver. J'aime bien faire une bonne base de foncier. Pendant la saison, je fais une longue sortie par semaine. Avec les beaux jours et à partir de juin où il y a moins de courses par étapes, je rallonge aussi les entraînements. Ma plus longue sortie est de 240 kilomètres. J'étais en stage en Slovénie. Je n'avais pas prévu de rouler autant mais je m'étais trompé de route ! Cet hiver, au stage de l'équipe en Espagne, j'avais prolongé une ou deux fois des entraînements collectifs pour faire 210 kilomètres. Passer le cap des 200 bornes, ça me rassure. Après, je me sens plus fort mentalement !

« JE NE VOIS PAS PASSER UNE SORTIE DE SIX HEURES EN ITALIE »

Sébastien Fournet-Fayard qui roule six heures à chaque sortie, c'est donc une légende ?
Beaucoup de gens me le disent... Comme je l'ai dit, c'est une notion de plaisir. Je pars chaque année en stage en Italie pendant l'été, à Livignio au pied du Stelvio. Là-bas, les paysages sont tellement magnifiques que je ne vois pas passer une sortie de cinq ou six heures dans les montagnes. Mais je me rends compte qu'il ne faut pas trop en faire chez les amateurs. Il faut arriver sur les courses avec plus de jus et de la fraîcheur. Il ne faut pas avoir un temps de mise en route. J'essaie donc de me freiner un peu plus désormais.

Tu y arrives ?
Oui, quand même. Je roule un peu moins qu'à une période. J'avais tendance, il est vrai, à trop en faire. J'en faisais un peu trop par rapport à ce que j'avais besoin chez les amateurs. J'aime bien m'entraîner mais également courir. L'an dernier, j'ai terminé la saison avec 95 jours de course. Par le passé, ce n'était pas un chiffre élevé mais désormais oui car il y a moins de courses. Nous sommes avant tout là pour courir. Je ne me vois pas rester à la maison et faire mes intensités et attendre le week-end pour faire des compétitions. Je préfère travailler sur les courses, quitte à ce que certaines épreuves servent de courses de préparation.

Comment expliques-tu le fait d'avoir trop roulé à un moment ?
Avant de passer professionnel, je n'ai finalement fait à un bon niveau que deux années de vélo. Une saison à l'EC Montramault-Montluçon, une autre au CR4C Roanne où j'avais surtout des conseils. Puis je ne suis pas passé pro dans une grande équipe étrangère. Je n'étais pas plus suivi que cela. C'était un peu la débrouille. J'ai appris en faisant des erreurs, j'ai progressé de cette manière et j'ai vu ce qui me correspondait.

« J'AURAIS PEUT-ETRE PU FAIRE AUTRE CHOSE DANS LE VELO »

Tu es devenu diesel ?
Oui surtout que je ne suis pas quelqu'un d'explosif à la base. J'en ai peut-être pris conscience que je roulais trop un peu tard. Si j'avais été plus suivi, ça aurait peut-être été différent. J'ai quelques regrets là-dessus. Si on m'avait appris certains éléments, j'aurais peut-être fait autre chose dans le vélo. J'ai maintenant compris comment m'entraîner mais j'ai sans doute perdu du temps. Aujourd'hui, je me gère tout seul. Je me documente pas mal. J'en parle souvent avec Romain Bardet. Je m'entraîne presque quotidiennement avec lui. C'est aussi quelque chose qui l'intéresse. Je me fais des plans avec un ordinateur sur un mois, pas au jour le jour. Et ça me va bien.

L'hiver, la compétition te manque ?
Je termine les courses au Grand Prix des Foires d'Orval, fin octobre. Je trouve que l'intersaison passe vite. L'hiver, ce qui me dérange c'est le froid mais pas l'absence de course. Je fais des longues saisons alors j'aime bien cette période sans course. Je ne dispute pratiquement jamais de cyclo-cross. Mentalement, ça fait du bien de couper. Je m'entraîne pas mal, ça passe vite. Je fais quinze jours sans sport, et je reprends par des activités légères. Certains font un mois sans sport, ce n'est pas mon cas.

Tu te vois continuer encore longtemps le vélo ?
C'est un plaisir de rouler. En redescendant, je disais que je n'allais pas faire beaucoup d'années chez les amateurs. Ça ne m'intéressait pas trop. J'ai changé ma vision des choses. Aujourd'hui, j'arrive à en vivre, je me fais plaisir... Je ne suis pas encore un vieux mais j'aime bien être à côté des jeunes. Je leur dis comment éviter les erreurs qu j'ai pu commettre.
Je ferai toujours du vélo pour mon loisir. En attendant, avec le patron de l'équipe (Nicolas Roux, NDLR), ça se passe bien. Il apprécie me voir apporter mes résultats et mon expérience. Ça lui convient, il ne dira pas non si je veux poursuivre l'aventure. Je pense aussi à mon avenir et à ma reconversion. Mais c 'est un plaisir de faire ce que je fais aujourd'hui. Le jour où j'arrêterai le haut-niveau amateur, je ne me vois pas courir en Ufolep ou 3e catégorie. Il ne faut jamais dire jamais, mais je ne pense pas le faire. Je n'ai pas forcément cet esprit de compétition.

Tu aurais pu arrêter le vélo fin 2011 ?
J'étais dégoûté, j'avais hésité à tourner la page mais Vaulx m'a convaincu de poursuivre. Je courrais au Team Véranda Rideau Sarthe, qui est passé pro en 2012. Début septembre, j'ai appris que je n'allais pas être conservé. Quand on m'a dit ça, j'ai simplement voulu montrer que j'avais le niveau. J'étais pratiquement tous les week-ends suivants sur le podium des courses. J'avais même remporté Paris-Connerré où le terrain ne me correspondait pas vraiment... Puis j'ai lâché complètement dans la tête au moment de couper. Ça a été difficile à vivre. C'est pour cela que je n'ai pas trop marché l'année d'après au Team Vulco-VC Vaulx-en-Velin.

« FAIRE PERDURER LE TEAM PRO IMMO NICOLAS ROUX »

Aujourd'hui, tu évolues dans la grande équipe de ta région, est-ce une fierté pour toi ?
Ça m'a fait plaisir d'intégrer l'équipe en 2013. J'ai pas mal voyagé. Je n'ai pas vécu qu'en Auvergne. Je n'avais jamais connu un club de très haut-niveau en Auvergne. L'EC Montmarault-Montluçon n'était pas une DN1. Il y a un grand club désormais, comme avant Besson Chaussures à Aulnat. Je trouvais dommage de devoir changer de comité dès qu'on avait des résultats. Je suis investi dans le club, on essaie de le faire progresser. Je suis arrivé quand il était en DN2, et aujourd'hui nous sommes dans le paysage amateur français. Nous allons essayer de faire perdurer cela, l'équipe ne doit pas s'arrêter au moment où on sera plusieurs coureurs à raccrocher. Nous sommes dans une région où il y a de quoi faire du vélo. Il serait même bien d'avoir d'autres clubs. Si on peut faire venir de nouvelles structures, ça serait bien.

Ton maillot de Champion d'Auvergne, qu'est-ce qu'il représente ?
A la base, ce n'était pas prévu d'avoir un maillot. Il n'y en avait jamais eu par le passé. J'ai pris l'initiative, j'ai tenu à le faire. Pourquoi ? Cela pouvait faire parler du club notamment quand nous allions courir dans d'autres régions. Cela a été le cas quand j'ai pu gagner des courses avec ce maillot sur le dos. Ce maillot a plu à du monde. Je sais que le Championnat d'Auvergne n'est pas une grande course, mais je trouve intéressant de montrer nos couleurs. Je suis parti tôt de la région. Depuis mon retour, il y a plus de gens qui suivent mes résultats. Je le vois avec la presse régionale, avant il n'y avait pas autant d'articles de journaux sur le cyclisme. Depuis deux-trois ans, la presse parle beaucoup plus de cyclisme. Je suis content qu'on reparle de vélo en Auvergne. Moi je suis fier d'être Auvergnat, il faut le montrer.

Ce maillot, il rappelle un peu l'Italie...
Les couleurs de l'Auvergne sont : le vert, le blanc et le rouge Nous ne voulions pas trop changer le maillot du club, alors nous avons gardé le noir. Il y a simplement du vert sur les épaules. Ça ressemble à l'Italie effectivement, c'est un petit clin d’œil. J'aime bien ce pays, j'y ai vécu pendant deux ans. Aujourd'hui, j'y retourne chaque année en stage.

« LES ITALIENS CONNAISSENT N'IMPORTE QUEL CHAMPION CYCLISTE »

Qu'est-ce qui t'a plu en Italie ?
C'est une terre de vélo. Toute la population connaît n'importe quel champion cycliste. Ce n'est pas le cas en France. Si on demande à quelqu'un s'il connaît Sylvain Chavanel, si la personne n'est pas du vélo, il ne va pas forcément le connaître. En Italie, on va même savoir ce que le coureur a gagné. J'ai apprécié pas mal de choses là-bas, notamment les paysages vers le lac de Côme. Mes stages à Livignio, c'est loin de Clermont-Ferrand mais ça me fait mes vacances. Je ne vois pas passer les huit jours, ça fait une coupure après le Championnat de France. J'ai appris la langue. J'ai toujours des amis en Italie. Pourquoi ne pas y revivre un jour ?

A la fin de ta première année chez A-Style, tu es parti vivre en Italie. Pourquoi ce choix ?
Les voyages me fatiguaient. Je suis parti dans l'inconnu, je ne parlais pas l'italien, il a fallu se débrouiller de suite. Grâce à cette expérience, je ne me prends plus la tête aujourd'hui. Il y avait une ambiance cool. Encore une fois, je m'étais bien adapté. Je n'ai pas fait une croix sur ce pays, comme je l'ai dit pourquoi ne pas pas y retourner ? Ce n'était pas évident au début, je connaissais rien du tout du pays. Et après deux ans, je me serais bien vu vivre toute ma carrière la-bas. Le style de vie me correspondait. Mais je n'avais pas le choix, je n'avais pas trouvé d'équipe pour rester. J'ai cherché des solutions pour y retourner les premières années. Mais je ne voulais pas non plus tomber dans une galère, je souhaitais un truc sûr.

Que reste-t-il aujourd'hui de tes années professionnelles ?
Pendant trois ans, j'ai fait le boulot demandé. J'aurais continué là-bas si l'équipe avait continué une saison supplémentaire. J'ai hélas été pris de cours. L'équipe a participé à des belles courses comme Milan-San Remo ou le Tour de Lombardie. Le vélo avait encore quelques problèmes à cette époque... Ça roulait vite, il y avait beaucoup de grands leaders, ce n'était pas évident. Moi, ça me plaisait de rouler pour les autres. Je n'avais pas de résultats mais je marchais correctement. J'ai pu visiter une vingtaine de pays. J'ai vécu de supers moments en tant qu'équipier. Nous avions gagné pas mal de courses, dont Paris-Corrèze avec Fran Ventoso.

« CHEZ LES PROS, IL Y AVAIT UNE RECONNAISSANCE DE LA PART DU LEADER »

Qu'as-tu appris en Italie ?
J'ai appris à travailler pour un leader. C'était mon rôle. Nous avions huit coureurs au départ d'une course, dont sept qui étaient là pour bosser pour un leader unique. Nous avions Sergio Pardilla pour les courses montagneuses, et Fran Ventoso pour les sprints. Je bossais sans arrière-pensée. Nous pouvions rouler à deux ou trois pendant 140 kilomètres en tête de peloton. On me félicitait. Il y avait une reconnaissance de la part du leader à l'arrivée. L'équipe me disait que ce n'était pas grave si je n'avais pas de résultat, que j'étais encore jeune et là pour apprendre. Aujourd’hui, quand j'arrive à gagner une course en partant seul à 50 kilomètres, je pense que c'est grâce à mes années chez les pros à rouler pendant des heures en tête de peloton.

En France, on a l’impression que les coureurs n'ont pas tous ce sens du sacrifice qu'on retrouve dès les amateurs en Italie...
En Italie, si ton équipe a un coureur 4e et un autre 7e, on se prenait une soufflante à l'arrivée. Ça voulait dire que personne ne s'était sacrifié. Moi j'ai la même vision du vélo. J'aurais pu faire un bon équipier chez les pros. Mon regret est là. Aujourd'hui, avec Sylvain Georges, nous essayons de transmettre cet esprit aux coureurs de notre équipe. A Vougy, lundi dernier, nous étions cinq en tête. A un moment, j'ai compris que je n'avais plus la possibilité de sortir seul et surtout, Sylvain avait toutes les chances de s'imposer au sprint. Je me suis sacrifié pour lui dans les derniers kilomètres, et il a gagné...

Avant l'Italie, tu l'avais ce sens du sacrifice ?
C'est naturel chez moi. J'ai commencé tardivement le vélo, en Junior 2e année en 2003. Trois ans plus tard, je courrais à l'EC Montmarault-Montluçon avec des Kazakhs ou Florian Vachon. Il fallait rouler pour le plus fort de l'équipe sur chaque course. Ça m'a de suite paru normal.

Parfois, vos adversaires disent que chez Team Pro Immo Nicolas Roux il faut rouler pour les « vieux »...
Moi que je gagne cinq ou vingt courses par an, ça ne changera plus rien à ma carrière. Le but, c'est que le Team Pro Immo Nicolas Roux remporte des courses. Aider les autres, ça fait progresser un jeune. Si on peut le faire gagner, on le fera ! Je suis ravi quand je peux rendre la pareille.

Où faut-il t'attendre cette année ?
J'ai l'habitude de faire des débuts de saison tranquille. L'équipe marche très fort depuis février, nous n'avons pas plus la pression du résultat avec tous les succès obtenus. De mon côté, j'ai envie de bien faire sur le prochain Championnat de France du contre-la-montre. C'est l'objectif. J'avais terminé 2e amateur en 2013 mais il n'y avait de podium à cette époque. L'an passé, j'ai battu en fin de saison Romain Bacon, le Champion de France Amateur, sur un chrono. Je vais tâcher de mieux le préparer cette année, peut-être faire plus de spécifique. Je ne vais pas arrêter là-dessus en cas de titre en juin prochain mais il est évident que ça serait énorme...

Crédit photo : Pauline Carrette - Photos'Courses
 

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