Avantage au Rwanda

Un jour, ils brilleront en Europe aussi. Les coureurs rwandais, qui ont démarré en trombe leur tour national UCI, ce dimanche (1er, 2e, 3e et 5e du prologue), sont à l'image de cette Afrique de l'Est qui grimpe en flèche dans le cyclisme. Il y a les Erythréens, considérés comme les n°1 du continent, capables d'envoyer deux coureurs sur le dernier Tour de France (Daniel Teklehaymanot, Merhawi Kudus). Mais les Rwandais, qui veulent se tailler une place dans la hiérarchie, affichent une santé insolente et veulent faire plier leurs adversaires cette semaine, sur leurs terres.

"Ils veulent mettre cinq coureurs dans les dix du classement final, explique leur entraîneur, Félix Sempoma. C'est ambitieux, mais avec une telle motivation, tout est possible."

5 LEADERS, 15 COUREURS DANS LE PELOTON !

Le prologue a confirmé leur état d'esprit, bien plus survolté que sur l'édition 2009, la première organisée sous l'égide de l'UCI. Autour du grand stade de Kigali (Amahoro – « la paix »), Jean-Bosco Nsengimana devance le vainqueur sortant de l'épreuve, Valens Ndayisenga, le sportif le plus populaire du pays, 21 ans, qui s'affiche sur les panneaux publicitaires et attire des milliers de jeunes supporters à ses trousses – d'où le local d'échauffement fermé avant et après la course, protégé par trois gardiens...

Jonathan Boyer, l'ex-professionnel américain, est à l'origine de cette équipe nationale renaissante. Qu'il a portée du rang de club régional à un collectif capable de gagner l'une des épreuves UCI les plus montagneuses du calendrier. "Nous avons au moins cinq leaders, dit-il. Valens est bien sûr capable de gagner cette année encore, mais il sera marqué. Les autres vont donc attaquer."

La supériorité s'annonce d'autant plus nette que le Rwanda compte trois sélections dans l'épreuve. Soit 15 coureurs sur un peloton réduit à 70 (après les forfaits in extremis des Australiens, des Algériens et des Camerounais eux-mêmes censés remplacer les Gabonais). Le directeur national assure cependant que chaque groupe est organisé autour d'un leader, pour "fonctionner de façon autonome". Il se reprend : "Il n'y a qu'un seul Team Rwanda".

« NOUS EN SOMMES ENCORE AU DEBUT »

L'histoire cycliste de ce pays grand comme la Bretagne, ravagé par le génocide de 1994 (800 000 morts), a donné lieu à des articles haut de gamme dans le magazine The New Yorker et à un documentaire « Rise From Ashes » (« Renaître de ses cendres »). Le Team Rwanda est en effet constitué de rescapés du génocide, au premier rang desquels Adrien Niyonshuti, professionnel au Team MTN-Qhubeka. Celui qui a perdu 60 membres de sa famille dans les massacres est aujourd'hui une fierté nationale, moins sous le feu des projecteurs depuis qu'il court à l'étranger, mais à l'initiative d'une académie qui forme de jeunes coureurs au centre du pays, à Rwamagana – Valens, qui a pris sa place de coureur le plus adulé, est passé par cette filière.

La progression sportive des coureurs alimente parfois un star system d'un genre nouveau. Pour sa part, Jock Boyer reste prudent : "Nous en sommes encore au début. Nous avons posé des fondations solides, mais le Rwanda doit désormais trouver sa place en Europe." Parmi les options à l'étude : un envoi de coureurs dans des équipes françaises (le Vendée U a accueilli l'an passé Bonaventure Uwizeyimana – lire ici), voire au Centre Mondial du Cyclisme. Ou encore une coopération avec la Fédération belge (les détails sont en cours). Voire la création d'une équipe Continentale basée en Italie.

PHYSIQUE D'ENFER, TACTIQUE A AMELIORER

"Le niveau des Rwandais est hallucinant, souligne Boyer, qui conserve tous leurs fichiers SRM. Un Européen est capable de produire environ une trentaine de sprints dans une course, pour se replacer, attaquer, etc. Nos coureurs peuvent en faire énormément plus."

Ce qu'il leur manque pour l'heure, et qu'une expérience européenne viendrait combler, c'est le sens tactique. Sur ce point, l’entraîneur national salue des améliorations. C'est quand même un défaut, que les Marocains ou les Erythréens ont su exploiter sur les épreuves africaines. Une lacune qui pourrait peser lourd cette semaine au « pays des mille collines » et entretenir le suspens dans cette lutte qui oppose une nation enthousiaste et des outsiders expérimentés.

Crédit photo : www.tourdurwanda.rw
 

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