On a retrouvé : Lucas Vincent

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Chez les Vincent, le cyclisme est une affaire de famille. Depuis leurs plus jeunes années, les frères Léo et Lucas Vincent trempent dans l'univers des courses de vélo dans le sillage de leurs parents. Si aujourd'hui, Léo, professionnel à la FDJ, est sous la lumière des projecteurs, son frère Lucas lui a ouvert la voie lorsqu'il courrait au CC Etupes, avant de raccrocher fin 2013. "Saturé", l’aîné des deux frangins avait décidé de ne pas rempiler pour une nouvelle saison. Aujourd'hui éloigné des pelotons et conseiller commercial dans un cabinet d'assurance, le vainqueur du Prix du Saugeais 2013 se replonge dans ses souvenirs de famille et de carrière pour DirectVelo.

DirectVelo : Tu partageais la même passion que ton frère et ton père. Le vélo a-t-il tissé des liens entre vous ?
Lucas Vincent : Nous étions quatre à faire du vélo avec mes parents. À l'époque, ça a soudé la famille. C'était une grande partie de notre vie. Je roulais avec mon père le mercredi, le samedi on préparait la course du dimanche et le lundi on pensait à celle d'après. Ça nous a donné un rythme de vie et au final ça nous fait de supers souvenirs. On dit que le vélo, c'est l'école de la vie. C'est vrai, c'est le cas.

As-tu pris ton frère son ton aile pour le « guider » dans ses jeunes années ?
Non parce qu'il est assez borné (sourire). Il écoute certaines personnes et d'autres non, il est très exclusif. Je n'avais pas grand chose à lui apprendre car il connaissait le vélo. D'autres personnes lui disaient ce qu'il devait faire. Mon père s'en occupait, il a consacré un temps fou pour la carrière de Léo. On lui doit beaucoup. Il nous achetait nos vélos, nous guidait sur l’entraînement, il était là pour nous. Personnellement, tout ce que j'ai réussi à faire et à apprendre sur le vélo, c'est grâce à lui. Après, il reste des personnes comme Jérôme Gannat qui peaufinent la formation mais une fois qu'on est à Etupes, le plus gros du travail est fait. Sans mon père, je n'y serais jamais arrivé.

Vous rouliez parfois ensemble ?
On avait trop de catégories d'âge d'écart donc nous n'avons jamais trop roulé ensemble. Les entraînements n'étaient guère compatibles. Quand j'ai arrêté, Léo était en Juniors. On a partagé davantage les petites catégories ensemble chez les jeunes. Toute notre enfance, c'est le vélo. Quand on a fait le choix de se lancer dans la compétition, on s'est lancé à fond dedans et on a vu que ce n'était plus un jeu.

« SI LÉO A BESOIN DE MOI, JE SUIS LÀ »

Quelle relation entretenez-vous aujourd'hui ?
S'il a besoin d'un coup de main, je suis là. Maintenant, le vélo c'est son boulot, ce n'est plus la même chose. Ce n'est pas à moi de lui expliquer ce qu'il doit faire. Il a ses idées, sa façon de faire et surtout sa propre expérience. On se voit souvent comme on habite à Besançon mais il est fréquemment en déplacement et n'a que très peu de temps libre. Je regarde parfois ses courses à la télévision quand j'en ai le temps même si c'est moins le cas en ce moment. Quand c'est possible, je vais également le voir sur les courses dans le coin. Tout est une question de disponibilités.

Est-ce une fierté pour toi d'avoir un frère professionnel ?
Bien sûr, ça me fait plaisir qu'il ait réussi à concrétiser ce rêve de famille. Dès sa première course, il avait gagné. Depuis tout jeune, il a du talent et il est au-dessus des autres sans forcément les écraser. C'est quelqu'un qui a toujours su remporter des courses et qui s'est toujours appliqué à faire du vélo du mieux qu'il le pouvait. J'ai compris qu'il irait loin à partir du moment où il a intégré le CC Etupes et qu'il a été sélectionné en Équipe de France.

Tu as décidé de mettre un terme à ta carrière relativement jeune, à 21 ans. Pourquoi ?
Je n'avais plus spécialement l'envie et je n’avançais plus. Je sentais que j'arrivais au bout, après onze années de vélo. Jérôme Gannat a compris que c'était la fin. J'ai arrêté petit à petit en 2013. Après le critérium de Dijon avec les professionnels, je n'ai plus fait de courses et je n'ai plus roulé. Quand j'ai posé le vélo, c'était définitif. Je l'ai mis au clou pendant deux ans et il n'a pas rebougé. À Etupes, il y avait plus de coureurs qu'aujourd'hui, ce n'était pas pénalisant pour le club. Je n'avais pas de projet professionnel défini mais je savais que je n'allais pas refaire une saison, ça n'aurait servi à rien. J'ai donc repris des études dans le secteur bancaire.

« WARREN BARGUIL AUSSI CINGLÉ QUE FORT »

Que vas-tu retenir de cette expérience ?
Je garde en mémoire que j'en ai bien bavé sur le vélo et que ça m'a évité de finir je ne sais où et je ne sais comment. Ça m'a apporté quelques mauvais souvenirs mais beaucoup de bons. Je retiens en particulier ma première année à Etupes où j'ai rencontré des mecs aussi "cinglés" que forts, comme Warren Barguil.

Il t'a marqué ?
Je le voyais faire. En 2013, nous avions fait tout le début de saison ensemble et nous partagions toujours la même chambre. C'est le genre de mec qui n'a clairement pas changé, qui bouffe des kinders sur la ligne de départ, qui cache de quoi manger dans son sac pour grignoter le soir dans la chambre. C'est également quelqu'un qui dit ce qu'il pense, que cela plaise ou non. Aujourd'hui, quand je le croise, ça me fait plaisir et on discute deux minutes mais il a ses obligations professionnelles. Par contre, il est toujours aussi marrant.

L'ambiance devait être bonne au CC Etupes...
C'est à Etupes où j'ai le plus appris et que j'ai rencontré des mecs qui m'ont marqué tant physiquement que mentalement. Les années où je courais au VC Ornans et au CC Etupes, c'était vraiment de belles années. On ne s'ennuyait pas au niveau de la rigolade mais j'étais trop souvent dans la connerie et pas assez dans le sérieux. Du coup, je marchais moins. Aujourd’hui je pense que je suis toujours aussi fou (rire) mais que si j'avais eu le même mental qu'aujourd'hui, peut-être que cela aurait été différent car j'ai pris conscience de ce qu'il fallait faire pour réussir dans le monde professionnel. Avec le recul, j'aurais bossé différemment, j'en aurais fait plus, et surtout, j'aurais écouté les bonnes personnes sans me poser trop de questions.

« JE N'AI PAS ASSEZ ECOUTÉ MON PÈRE »

Est-ce un regret pour toi aujourd'hui ?
J'ai un regret général, c'est de ne pas avoir assez écouté une personne en particulier : mon père. Il connaît le vélo et même si c'est un père et qu'il est parfois dur, il dit toujours des choses qui sont bonnes pour ses enfants. Quand on l'écoute, c'est bien mais parfois, avec d'autres personnes, on écoute tout et n'importe quoi. Avec lui, mon frère et moi avons commencé le vélo jeune, c'était le vélo à l’ancienne, sans les watts, c'était la base du cyclisme. C'est un vrai coursier. Il me conseillait et même si ce n'était pas mon entraîneur, il m'expliquait certaines choses comme manger différemment et surtout qu'il fallait courir offensivement. C'était difficile de le suivre car il était exigeant.

As-tu prévu de reprendre le vélo un jour ?
Quand j'aurai le temps, j'en referai. On se défoule rarement au boulot, ça sera ma petite vengeance le soir sur ma journée de travail. Cela permet de remettre l'église au milieu du village. Le vélo est quelque chose qui ne s'oublie pas, on y revient tous différemment. Je pense refaire des courses mais plus avec la même mentalité. Si je remonte sur la machine, ça ne sera pas pour prendre des raclées mais plutôt pour m'amuser et pour me prouver que j'ai encore des restes.

En 2015, tu as remporté la première étape du Tour du Territoire de Belfort, une épreuve réservée aux coureurs de 3e catégorie. La compétition te manquait tant que ça ?
J'ai repris le vélo comme un défi. C'était deux ans après avoir arrêté. J'ai revu un de mes vieux vélos qui était presque fichu. J'ai dit à un jeune du coin que j'allais reprendre et lui faire mal aux jambes. Tout le monde rigolait. Je me suis entraîné comme un "assassin" et j'ai remporté la première course à laquelle j'ai participé après deux ans à faire la fête tous les week-ends et sans faire de sport. Je n'ai repris que quatre mois et puis j'ai arrêté. Quand je m'y remets c'est soit à bloc, soit rien du tout.

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