Tanguy Turgis voit déjà plus loin

Crédit photo Vital Concept CC

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Tanguy Turgis continue d’apprendre vite, très vite même. Professionnel depuis trois mois seulement, le coureur de 19 ans avait déjà participé, en WorldTour, au Grand Prix E3 et à Gand-Wevelgem ces dernières semaines, face aux spécialistes des Classiques dites flandriennes. Ce dimanche, le sociétaire de la formation Vital Concept a terminé son premier Paris-Roubaix, à la 42e place (voir classement), après avoir été écarté du groupe des favoris sur crevaison à une cinquantaine de kilomètres de l’arrivée. Une performance remarquée alors que les tricolores n’ont pas franchement été en réussite sur cette édition 2018. Satisfait de sa prestation du jour mais déjà tourné vers l’avenir, Tanguy Turgis revient sur cette journée riche en enseignements auprès de DirectVelo.

DirectVelo : Tu étais l’une des attractions de la journée au coeur du vélodrome de Roubaix !
Tanguy Turgis : Ce n’est pas justifié. Je termine seulement 42e de Paris-Roubaix, hein… A l’arrivée, des journalistes m’ont demandé ce que ça me faisait d’être le deuxième français à couper la ligne. Franchement, je m’en moque de ça. C’est simplement dommage d’être le deuxième français en faisant 42e, en fait. Ce n’est “pas normal”, en quelque sorte. Par contre, je peux dire que je pense que le Top 30 était jouable pour moi aujourd’hui (dimanche).

Car tu étais toujours dans le premier maigre peloton lorsque tu as été écarté sur crevaison…
C’était juste avant le secteur de Mons-en-Pévèle (situé à 48 kilomètres de l’arrivée, NDLR). Je n’ai jamais pu rentrer après cette crevaison. C’est dommage car j’avais encore de bonnes sensations à ce moment-là. Je sentais quand même que je n’étais pas terrible sur les parties asphaltées mais sur les pavés, paradoxalement, j’étais vraiment bien. Il y avait moyen de rentrer dans les trente premiers à l’arrivée. C’était largement possible, même. Mais bon, les crevaisons sur Paris-Roubaix… Je ne peux pas trop me plaindre : c’était ma première crevaison sur un Paris-Roubaix en quatre participations, avec les deux en Juniors et celle en Espoirs l’an passé. Et puis surtout, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. J’étais sur le côté de la route, un peu à bloc et j’ai pris un trou comme le mec devant moi.

« DANS MA TÊTE, C'ÉTAIT L’OBJECTIF MINIMUM »

On te sent, comme à ton habitude, très exigeant alors que beaucoup trouvent déjà remarquable le fait que tu termines Paris-Roubaix, à 19 ans !
Bien sûr, finir Paris-Roubaix c’est bien. Dans ma tête, c’était l’objectif minimum que je m’étais fixé. Je me dis que ce n’est pas si mal. J’ai vu que nous n’étions que 101 à finir la course. Mais je savais que j’étais capable de faire un petit truc sympa et pas me contenter d’essayer de finir la course.

Tu n’es quand même pas surpris d’avoir accompagné les meilleurs aussi longtemps ?
Je ne m’attendais quand même pas à être aussi bien et à tenir aussi longtemps mais d’un autre côté, je savais que ce n’était pas impossible. En fait, je suis plutôt frustré car je n’ai pas pu voir ce que je valais vraiment à cause de cette crevaison. J’aurais été curieux de voir ce que ça aurait pu donner lorsque la course s’est vraiment emballée. Cela dit, ça faisait déjà un moment que j’étais dans le dur et que je trainais dans les cinq dernières positions du peloton.

A quoi pensais-tu durant les kilomètres qui ont précédé ta crevaison ?
J’étais content. Je me disais que c’était bien d’être-là. Jimmy Engoulvent (le directeur sportif, NDLR) insistait pour que je me replace. Dans l’esprit, j’étais prêt à m’accrocher encore longtemps. Je prenais secteur par secteur. Je me disais que chaque secteur passé avec le premier peloton me rapprochait d’une belle performance. J’espérais vraiment passer Mons-en-Pévèle avec le groupe des favoris. Mais je ne saurai jamais si j’aurais pu tenir les roues…

« NIVEAU EXPÉRIENCE, J'ÉTAIS COMME EUX, FINALEMENT »

Tu as coupé la ligne d’arrivée au côté de ton frère Jimmy !
C’était un grand moment d’arriver sur le vélodrome avec lui. Lorsque j’ai été écarté sur crevaison, j’ai fait quelques kilomètres tout seul, puis un groupe de quatre-cinq coureurs est revenu sur moi avec notamment Adrien Petit ou Tony Martin. Un peu plus tard, Jimmy est rentré sur moi et il m’a dit qu’il y avait un gros peloton qui n’était pas loin et qu’il fallait qu’on accélère ! C’est ce que l’on a fait et on a réussi à terminer tous les deux. Faire 42e et 43e, ça peut sembler anecdotique mais ce n’est quand même pas pareil que de faire finalement 72e comme Tony Martin. Je me suis arraché jusqu’au bout.

Ce final avec Jimmy, c’est l’image que tu retiendras de ce Paris-Roubaix ?
C’est l’une des trois images que je retiendrai…. Une des quatre, même ! (sourires). Je pense aussi à Arenberg ou au Carrefour de l’Arbre. Et puis, il y a eu ce fameux secteur de Mons-en-Pévèle, encore lui ! Je venais de crever et j’étais donc tout seul dans ce secteur (long de trois kilomètres, NDLR). Tout le monde m’encourageait car il n’y avait que moi !

Ces pavés, tu les aimes, toi qui avais déjà terminé 3e d’un Paris-Roubaix chez les Juniors (lire ici)…
Le plus dur pour moi, c’était le début de course que je ne connaissais pas du tout, même si on avait repéré le parcours deux-trois jours avant. J’avais un vrai déficit par rapport aux autres coureurs. Par contre, le final, je l’avais déjà fait trois fois en compétition. Niveau expérience, j’étais comme eux, finalement.

« ON NE SAIT PAS DE QUOI L’AVENIR SERA FAIT »

Quels ont été les mots les plus marquants que l’on a pu te dire après l’arrivée ?
Je pense à Jérôme Pineau (manager de l’équipe, NDLR) qui m’a dit dans le bus qu’avec ce que j’étais capable de faire à 19 ans, j’avais le potentiel pour faire un podium ici plus tard. Cela dit, on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait et on n’en est pas là du tout. Mais je sais que je peux espérer des choses pour l’avenir.

Tu es tout nouveau dans ce peloton et pourtant, tu te fais déjà une place dans “l’équipe type” de Vital Concept sur les plus grosses courses du calendrier, toi qui avais déjà participé au GP E3 et à Gand-Wevelgem…
Il était prévu assez tôt que je dispute des courses WorldTour pour prendre de l’expérience. Je commence à comprendre comment ça marche et surtout, je prends confiance au fil des courses. C’est intéressant pour la suite d’autant que je vais enchaîner avec l’Amstel Gold Race et la Flèche Wallonne.

Tu n’es déjà plus intimidé par les plus grands noms du peloton ?
C’était le cas au GP E3 et encore à Wevelgem. Au début, quand tu vois des gars comme Philippe Gilbert venir te frotter en course, tu ne te rends pas trop compte… Enfin, tu laisses ta place plus facilement. Mais je me dis qu’il faut se faire sa place aussi. Je ne vais pas faire de cadeau ! En tout cas, j’ai encore pris une grande leçon et de l’expérience aujourd’hui. C’est important mentalement. Je remercie l’équipe Vital Concept de m’avoir fait confiance et je me tourne vers la suite.

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