Etats-Unis U23 : « Une prépa’ physique et culturelle »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Dimanche dernier, Brandon McNulty a pris la troisième place du Tour Alsace (2.2), comme la saison passée. Grand espoir du cyclisme américain, il sera l’un des favoris du prochain Tour de l’Avenir, dans quelques jours. Le jeune homme de 20 ans est-il réellement promis à un grand avenir ? Les Américains comptent-ils d’autres talents très prometteurs chez les Juniors et les Espoirs ? Pourquoi certains américains disparaissent-ils de la circulation après des débuts prometteurs dans les catégories de jeunes ? Pour DirectVelo, le sélectionneur national des Etats-Unis U23 depuis deux saisons, Nathaniel Wilson, 27 ans seulement - 5e de la Ronde de l’Isard en 2013 ou encore 15e de la Course de la Paix cette même année - fait le point sur la nouvelle génération à la bannière étoilée.

DirectVelo : Doit-on s’attendre à voir de grands talents américains au plus haut niveau mondial dans les prochaines années ?
Nathaniel Wilson : Je l’espère bien ! Mais bon, c’est toujours difficile à prédire. Parfois, les catégories de jeunes sont pièges car on peut se retrouver avec des coureurs de 17 ou 18 ans qui sont déjà à maturité, notamment physiquement, et qui sont donc en avance sur leurs adversaires. Mais par la suite, ils ne parviennent plus à passer un nouveau cap. Et tu te retrouves vite à ne plus être dans le coup à 22 ou 23 ans… Et de l’autre côté, il y a des garçons qui mettent beaucoup de temps à se révéler. Alors c’est difficile à dire. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que dans ses sélections américaines Juniors ou Espoirs, on ne parle pas forcément de “talents”, mais de “culture”.

“Culture” : c’est-à-dire ?
Les coureurs américains aiment venir en Europe avec la sélection nationale pour découvrir d’autres choses. Ils apprennent beaucoup à travers un autre cyclisme. Ils progressent face à une rivalité différente de celle à laquelle ils sont confrontés au pays. Humainement, je trouve cela très fort et très important. Qu’ils fassent carrière ou pas, ce n’est presque pas l’essentiel à ce stade-là. En fait, c’est presque comme un semestre à l’université (sourires). Je pense que les garçons grandissent en venant ici sur le Tour Alsace et sur toutes les autres courses françaises et européennes. Cela dépasse vraiment la course cycliste en tant que telle. C’est une expérience de vie.

« CERTAINS DÉBARQUENT CHEZ LES PROS UN PEU TROP TÔT »

Tu sembles accorder autant d’importance à l’évolution de tes jeunes coureurs en tant qu’homme qu’en tant que cycliste…
Oui car c’est comme cela qu’on se construit. Entre le Tour Alsace et le Tour de l’Avenir, nous allons partir en camp d’entraînement à Saint-Jean-de-Maurienne. Et je veux que les jeunes profitent à 100% de cette expérience, qu’ils s’intéressent à tout ce qui gravitera autour de ce stage. Il ne s’agit pas que d’accumuler “bêtement” les kilomètres. Ils doivent en garder de grands souvenirs, du plaisir et du partage, tous ensemble. J’aime l’idée de rendre ces aventures les plus agréables possibles.

Durant la dernière décennie, on a le sentiment d’avoir vu beaucoup d'Américains prometteurs marcher très fort chez les Juniors et les Espoirs, sans jamais vraiment confirmer par la suite : pourquoi ?
Chaque coureur à sa propre histoire. Comme je le disais auparavant, je pense que certains d’entre eux sont peut-être prêts un peu trop tôt. A 19 ans, certains auraient le physique pour passer pro, mais ils n’ont pas le mental ni le mode de vie qui va avec. Malheureusement, pour être honnête, je crois que certains coureurs débarquent chez les pros un peu trop tôt. L’idéal, s’il y en a un, serait peut-être de passer cinq ou six semaines en Europe une première fois, comme ils le font souvent, puis passer cinq ou six mois en Europe l’année suivante. Et là, seulement, ils seront sans doute plus à même de faire face chez les pros.

« BRANDON MCNULTY, ATTENTION, IL N’A QUE 20 ANS »

Les coureurs américains présents en Europe avec la sélection nationale prennent donc tous beaucoup de plaisir ici, sur les routes françaises par exemple ?
Je pense que oui, vraiment ! Enfin bon, il y a quand même quelques coureurs de temps en temps qui ne gardent pas de grands souvenirs de ces expériences mais c’est rare. Et même pour eux, ça reste selon moi une bonne expérience car après leur venue en Europe, ils savent mieux ce qui leur correspond, et ce qui ne leur correspond pas. C'est de toute façon enrichissant. Comme partout, il y a des garçons qui ne supportent pas d’être à des milliers de kilomètres de chez eux. Mais ça, tant que tu ne l’as pas expérimenté, tu ne peux pas le savoir.

Parlons un peu de la génération des Espoirs américains actuels. Dans quelques jours, Brandon McNulty sera l’un des prétendants à la victoire finale sur le Tour de l’Avenir. Que penses-tu de lui ?
Je crois qu’il est vraiment sur le bon chemin. Tout le monde voit qu’il progresse et qu’il est fort. Il prend beaucoup de plaisir sur le vélo mais également beaucoup de confiance au fil des résultats. Le plus important pour lui, dans les prochains mois, sera de continuer à prendre du plaisir sur le vélo. Il faut que ça reste un jeu. Je sens que beaucoup de gens veulent le pousser à aller déjà plus haut… Il y a de la pression lorsqu’il ne gagne pas une course. Mais attention, il n’a que 20 ans ! Bien sûr, sa 7e place sur le Tour de Californie était très impressionnante, mais il y a une différence entre faire un gros résultat comme celui-là et être régulier à ce niveau toute l’année. Brandon est ambitieux et il a raison de l’être, mais quand je l’emmène sur une course, c’est plus dans un processus de progression qu’avec l’envie de gagner à tout prix.

« PAS MAL DE BELLES CHOSES À VENIR »

Il est donc très important que les talents que tu vois passer dans l’équipe nationale gardent les pieds sur terre ?
Oui car rien n’est fait. Je veux qu’ils soient épanouis. Brandon est super talentueux, ça ne fait pas de doute, mais il faut y aller étape par étape. Ce garçon était dans les sélections américaines depuis son plus jeune âge et ça fait six ans qu’il court en Europe et qu’il y apprend le métier. Cela me plait.

Quels sont les autres jeunes américains qui pourraient être susceptibles de se révéler au plus haut-niveau mondial dans les années à venir ?
Ian Garrison a beaucoup de potentiel, mais il marche déjà très fort alors je ne suis pas certain que ce serait une surprise s’il était amené à faire de très belles choses à l’avenir. Chez les Juniors, nous avons des jeunes intéressants comme Riley Sheenan, qui vient notamment de gagner le Tour de l’Abitibi. Un peu plus tôt dans la saison, Sean Quinn a été très régulier en terminant dans le Top 10 de trois manches de la Coupe des Nations (7e de la Course de la Paix, 7e du Tour du Pays de Vaud et 9e du Saarland Trofeo, NDLR). C’est vraiment intéressant de voir une telle régularité de sa part sur les courses par étapes. Il y a aussi le petit frère de Ian Garrison, Michaël, qui est prometteur (3e du Tour de l'Abitibi et 8e des Trois jours de SPIE, NDLR). Je crois qu’il y a pas mal de belles choses à venir pour le cyclisme américain.

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