On a retrouvé : Erwan Teguel
Il n’a gagné qu’une seule fois en Élites et pourtant, il a fait partie des piliers de l’UC Nantes Atlantique et a régulièrement été appelé en Equipe de France, chez les Juniors puis en Espoirs. Erwan Teguel a arrêté le cyclisme à haut-niveau fin 2014, après une dernière saison au CC Etupes. Champion d’Europe de poursuite par équipes chez les Juniors avec Julien Duval, Emmanuel Kéo et Julien Morice, l’ancien vainqueur d’étape sur le Tour de Côte d’Or a aussi contribué au succès de Warren Barguil sur les routes du Tour de l’Avenir, en 2012. Désormais banquier de profession, le Morbihannais - qui réside maintenant en Ille-et-Vilaine - évoque ses souvenirs avec DirectVelo.
DirectVelo : Tu avais quitté les routes des plus grandes épreuves Élites françaises fin 2014, après une saison au CC Etupes. Que deviens-tu depuis ?
Erwan Teguel : J’avais arrêté le haut-niveau en 2014 mais ensuite, j’ai continué encore au VC Pontivyen, club où j’avais fait mes débuts tout gamin. Cela dit, je n’ai pas beaucoup roulé durant ces deux dernières saisons, à l’entraînement comme en compétitions. Je me suis lancé dans une formation en parallèle, une alternance sur les métiers bancaires. J’ai passé une licence professionnelle banque-assurance avec le Crédit Agricole et depuis, je suis devenu conseiller bancaire.
Roules-tu toujours à tes heures perdues ?
J’essaie de rouler une à deux fois par semaine. J’ai notamment fait l’étape du Tour en juillet dernier. Disons que je tente surtout de ne pas prendre trop de poids et de garder un minimum la forme (sourires). J’ai toujours la même passion pour le cyclisme, ça ne s’oublie pas.
Tu continues donc de suivre ce qui se passe dans le monde du cyclisme ?
Bien sûr ! C’est toujours un plaisir pour moi de regarder les courses des pros à la télé. Et je suis même toujours les amateurs : je vais sur DirectVelo pratiquement tous les jours, même s’il y a de moins en moins de mecs avec qui j’ai eu l’occasion de courir. Parfois, je repense à mes années dans les pelotons. Je me dis que j’ai arrêté le haut-niveau il y a quatre ans et je n’ai pas cette impression-là. On dirait que c’était hier et d’un autre côté, quand je vois les courses à la télé et le chemin parcouru par avec des coureurs comme Warren (Barguil) ou Romain Bardet, je me dis que le temps est passé.
N’as-tu pas de regrets lorsque tu vois ces coureurs, que tu as longtemps côtoyé, faire carrière ?
Non, je n’ai pas de regrets. C’est plutôt de la nostalgie. Lorsque je vois les gars à la télé, je me remémore les moments passés avec eux et je me dis que c’était vraiment une période sympa. Vivre du vélo, ce n’est pas la même chose que d’aller au travail tous les jours, c’est sûr, même si j’adore mon travail aujourd’hui. De toute façon, même si je n’en ai jamais vraiment parlé lors de nos différents entretiens à l’époque, j’avais un problème physique qui m’a handicapé lors de mes dernières saisons sur le vélo…
« CETTE BLESSURE M’A FAIT PEUR »
C’est-à-dire ?
A la fin de ma période à l’UC Nantes Atlantique puis au CC Etupes, j’ai été gêné par un problème de circulation sanguine. On pensait que c’était l’artère iliaque et j’ai même été à deux doigts de me faire opérer. Mais à l’époque, on n’avait pas trouvé l’endroit où c’était bouché et il a finalement fallu annuler l’opération. J’avais quand même deux fois moins de pression artérielle dans une jambe que dans l’autre.
Tu étais donc gêné sur chaque compétition ?
C’était gênant surtout sur certains efforts comme le contre-la-montre, où j’avais clairement une baisse de sensations. Je me souviens d’un chrono par équipes avec l’UC Nantes où à l’arrivée, je ne sentais plus mon pied lorsque je l’ai posé au sol. Cette blessure m’a fait peur et je me suis convaincu que le vélo n’était pas fait pour moi à moyen et long termes. Cela dit, je n’en fais pas une excuse et il y avait de toute façon bien meilleur que moi dans le peloton des amateurs. Je ne prétends pas que j’aurais fait carrière sans ce problème… En tout cas, je ne me suis jamais fait opérer depuis et comme je ne pratique plus de sport à haut-niveau, je ne suis plus embêté.
Lors de tes cinq saisons en DN1, tu t’es montré très régulier mais pratiquement incapable de conclure…
C’est le parfait résumé de ma carrière : beaucoup de places d’honneur et très peu de victoires. Il me manquait cet instinct-là, de gagneur. Surtout, j’étais assez polyvalent mais je n’avais pas de spécialité. Je grimpais bien, mais pas de là à accompagner les meilleurs en montagne non plus... L’autre explication, c’est peut-être aussi que j’étais assez porté sur le collectif. Ca me tenait à coeur alors je ne pensais pas trop à moi.
Ta seule victoire en Elites, tu l’as décrochée sur le Tour de Côte d’Or, en 2014, devant cinq coureurs devenus depuis professionnels !
Je me rappelle bien de cette journée… On montait un petit col sur la partie en ligne et j’avais bien bataillé pour gagner (voir classement). J’avais déjà ce fameux problème physique mais ça ne m’avait pas empêché de gagner. C’était un très beau moment.
« WARREN (BARGUIL), ON DISAIT QU’IL AVAIT DES CARTOUCHES ILLIMITÉES »
Quels grands souvenirs garderas-tu de ta carrière ?
Ma participation au Tour de l’Avenir 2012, en tant qu’équipier de Warren (Barguil), qui a remporté le général, c’était un sacré truc ! C’est la plus grosse épreuve Espoirs au niveau mondial et on y a vécu de grands moments. L'Équipe de France était très soudée toute la semaine, c’était génial ! Je retiens aussi, plus généralement, toutes mes sélections en Equipe de France chez les Juniors puis les Espoirs, et bien sûr notre titre de Champions d’Europe de poursuite chez les Juniors. Sur la route, je n’oublierai pas non plus les Classiques bretonnes, comme Manche-Atlantique. Disputer ces épreuves-là devant tout ce public, et ton public breton, c’est quelque chose.
As-tu des souvenirs marquants de moments précis sur ce fameux Tour de l’Avenir 2012 ?
Warren m’a marqué, de par sa puissance et sa force. Il paraissait tellement fort, tellement au-dessus du lot et de nous. D’ailleurs, c’est pour ça que nous étions à 100% derrière lui dès le premier jour. On savait qu’il pouvait le faire. Bernard (Bourreau, le sélectionneur national) avait eu l’intelligence de mettre un groupe qui ne comportait pas les six meilleurs Espoirs français de la saison, mais Warren et cinq coureurs qui étaient prêts à se dévouer complètement pour lui. Et ça a marché !
Warren Barguil est donc le coureur qui t’a le plus marqué durant ta carrière ?
Je me souviens aussi de Romain Bardet, sur un Tour de Savoie, ou de Rohan Dennis au Thüringen (en 2012, NDLR). Il avait le maillot de Champion d’Australie et il m’avait impressionné en dominant toute la course de A à Z. C’était beau à voir. Mais oui, Warren est celui qui m’a le plus impressionné. A cette époque-là, je me souviens que l’on disait qu’il avait des cartouches illimitées. C’était déjà un gagneur et il arrivait toujours à tirer son épingle du jeu. Sur le Tour de l’Avenir 2012, je me souviens de l’étape qu’il a remportée à Valloire (voir classement). Il y avait trois costauds devant : Tratnik, Skujins et Lutsenko. Personne ne voulait prendre la poursuite à son compte. J’étais dans le peloton avec Angelo Tulik et Warren est venu nous voir : il nous a demandé de rouler et de réduire l’écart. Ca m’avait surpris et marqué car à l’époque, Warren ne demandait jamais rien. On s'est dit qu’il devait se sentir super fort. Finalement, on avait réussi à boucher plus de deux minutes dans la vallée de la Maurienne et on est revenu tout près du trio de tête avant le Col du Télégraphe. Puis Warren a gagné ! C’était un superbe moment.
Tu sembles te souvenir de ce moment comme si c’était hier…
Oui, ce sont de grands souvenirs, c’est impossible d’oublier ! D’ailleurs, je me souviens même de la soirée qui avait suivi. Nous étions tellement euphoriques que nous nous étions tous réunis dans un même appartement et on bavardait… Au lieu de dormir, on était resté à discuter, à refaire la course, et on devait faire un peu de bruit. D’un coup, Bernard (Bourreau) est monté nous voir et il nous avait un peu secoués, en nous disant que si on n’allait pas dormir, nous allions perdre le maillot (sourires). On n'avait pas vu les choses comme ça, on était juste heureux.