La Grande Interview : Baptiste Constantin
Baptiste Constantin est aussi discret au départ des courses qu’il est efficace sur sa machine les heures suivantes. Derrière le duo infernal Geoffrey Bouchard-Fabien Schmidt, le résident de Blois, dans le Loir-et-Cher, est le garçon qui a cumulé le plus de points au Challenge BBB-DirectVelo cette saison. Autrement dit, le voilà sur le point de s’imposer définitivement comme l’un des trois meilleurs amateurs de la saison 2018 (voir classement). “Si je marque beaucoup de points, c’est peut-être aussi parce que je cours beaucoup”, sourit modestement celui qui a pris l’habitude de passer les 80 jours de compétition par an depuis trois saisons. Pas encore fixé sur son avenir à court terme, l’actuel sociétaire de Creuse Oxygène Guéret - qui avait des contacts avec l’équipe Saint-Michel Auber 93 qui n’ont pas abouti - s’est donné l’ambition de passer professionnel d’ici 2020. Il faut dire que le quadruple Champion régional en titre - une performance qui l’amuse (lire ici) - se sent encore capable de passer un nouveau palier, lui qui a pris l’habitude de travailler durant les trêves hivernales, comme pour trouver un équilibre de vie, tout en assurant ses arrières.
DirectVelo : Es-tu surpris d’avoir réalisé une telle saison ?
Baptiste Constantin : J’avais déjà réussi une saison sans connaître de coup de mou l’an passé alors cet hiver, je m’étais dit que je voulais faire pareil cette année, mais avec d’encore meilleurs résultats, et j’ai réussi à faire la saison que j’espérais.
Tu t’apprêtes à terminer sur le podium du Challenge BBB-DirectVelo, derrière le duo Bouchard-Schmidt…
Là par contre, ça me surprend (rires) ! En début de saison, je ne m’attendais pas à pouvoir être dans le Top 3. C’est une bonne surprise mais c’est aussi plaisant de voir que les efforts de plusieurs années sont récompensés.
De quoi revoir tes ambitions à la hausse ?
Je n’ai pas vraiment réalisé ce que j’étais en train de réaliser pendant la saison, en fait. Cette histoire de podium au Challenge DirectVelo, ça ne me parle que maintenant. J’ai commencé à penser aux pros à partir du mois de juin, pour être honnête. Au début, ce n’était pas vraiment un objectif, je ne courais pas après ça. Mais avec l’enchaînement des bons résultats, je ne me suis qu’il pourrait y avoir une possibilité. Bon, finalement, ça ne l’a pas fait pour cette année, mais je suis prêt à faire une nouvelle grosse saison en DN l’an prochain.
Certains pensent que tu as “explosé” cette année. De ton côté, considères-tu avoir eu une progression constante ou soudaine ?
Si on retrace mes résultats des deux dernières années, j’ai l’impression que 2018 est dans la continuité de ce que je réalisais l’an passé ou il y a deux ans. Je suis monté en puissance et j’ai franchi des paliers petit à petit. L’an passé déjà, j’avais fait une belle saison pour mes débuts à Creuse O, même s’il me manquait encore un petit truc pour marquer les esprits avec une grosse victoire. Mais j’avais déjà fait de beaux résultats malgré tout. Et là, en progressant encore, j’ai réussi à avoir un peu plus de résultats.
« JE M’ÉTAIS FIXÉ L’OBJECTIF DE GAGNER UNE COURSE PAR ÉTAPES »
Quels objectifs t’étais-tu fixé ?
Je voulais marcher sur Paris-Mantes (2e), l’Essor breton (2e), le Tour de la Manche (3e) et le Championnat de France (32e). J’avais donc des courses précises en tête mais sinon, je voulais remporter une course par étapes, peu importe où, et quelques Élites du calendrier. Par contre, je ne me suis pas imposé un nombre de courses à gagner, par exemple. Chaque course compte de toute façon. Le plus important, c’était la régularité.
Tu arrives donc à répondre parfaitement présent le Jour-J puisque tu as cité trois épreuves où tu as finalement pris place sur le podium par la suite…
J’ai fait pas mal de fois 2e ! Il y a aussi eu le Tour de Loire-Atlantique, où j’ai perdu l’épreuve à la place le dernier jour. A l’Essor breton, c’était une histoire de secondes aussi. Quand j’ai fait le bilan le dernier jour, j’ai réalisé qu’il me manquait des secondes que j’aurais potentiellement pu récupérer pratiquement à chaque étape. J’étais présent mais c’était quand même dommage de passer à chaque fois si près de la victoire.
Dans ces conditions, ton succès sur le Tour du Piémont Pyrénéen a dû te faire beaucoup de bien !
C’est pas mal de faire 2e mais étant donné que je m’étais fixé l’objectif de gagner une course par étapes, cette victoire-là a été un vrai soulagement pour moi, même si ce n’est pas ma seule victoire de la saison. Gagner un général, ça marque une année.
Te consacres-tu uniquement au cyclisme actuellement ?
Il y a quelques années, j’étais au Pôle Espoirs de Guéret et j’ai passé un BTS là-bas, en CRSA (Conception et Réalisation de Systèmes Automatiques, NDLR), dans l’industrie, en conception des machines. Ensuite, je me suis consacré au cyclisme pendant les saisons, de février à octobre, mais durant la trêve hivernale, d’octobre en janvier, j’ai toujours travaillé à l’usine puis à Decathlon, à temps plein.
« PEUT-ÊTRE QUE J’AI PRIS UN PEU PLUS DE RISQUES »
C’était encore le cas l’hiver dernier, donc ?
Le but a quand même toujours été de ne pas se retrouver le bec dans l’eau plus tard, je voulais avoir un bagage professionnel à côté, tout en me donnant les moyens de réussir en parallèle. Donc oui, c’était encore le cas l’hiver dernier. Je ne sais pas encore si je vais remettre ça cet hiver mais c’est bien possible.
Tu as décroché six de tes sept victoires de la saison pendant l’été, sur une période de 84 jours : peut-on l’expliquer par un cercle vertueux et un gain de confiance, une préparation spécifique pour cette période ou un simple hasard ?
Je ne sais pas trop… Peut-être que j’ai pris un peu plus de risques. Sur la 1ère étape de l’Agglo Tour, pour citer un exemple, je suis sorti à 4 kilomètres de l’arrivée pour aller gagner. Les prises de risques ont été payantes. A force de tourner autour, j’avais envie de provoquer la chance. On fait de la compétition pour gagner alors au bout d’un moment, j’ai changé ma façon de courir. En terme de forme, je n’étais pas forcément au top du top durant l’été, paradoxalement. Mes meilleures sensations de la saison, je les ai plutôt eues en avril-mai.
Tu as semblé passer un gros cap entre 2016 et 2017 en te mettant à gagner un bien plus grand nombre de courses… Qu’est-ce qui a, depuis, encore changé cette saison ?
En fin de course, je subis un peu moins les changements de rythme pour aller jouer la gagne, ce qui me coûtait encore des victoires l’an passé. Il m’arrivait souvent de craquer dans les moments clefs, sur les fins de course. J’ai travaillé cet aspect-là depuis et maintenant, j’aime quand ça bataille dans le final. C’est la grosse différence.
Si on se replonge dans les archives, la première interview à laquelle tu avais répondu pour DirectVelo remonte à juin 2013, après un Tour d’Eure-et-Loir (lire ici), pour tes débuts dans la catégorie Espoirs, à l’Océane U-Top 16. Que retiens-tu de cette période-là ?
Je découvrais le haut-niveau. Ce sont forcément de bons souvenirs, même si ça commence déjà à me paraître loin (sourires). Depuis, j’ai fait évoluer mon entraînement, et j’ai pris de la force en enchaînant les compétitions. Je ne suis plus du tout le même coureur. A cette époque-là, je faisais du vélo en parallèle de mes études, donc. L’objectif était simplement d’essayer de remporter des courses, rien de plus. Je n’avais pas de vision à moyen ou long terme. Je voulais continuer de progresser, mais d’abord pour le plaisir.
« JE N’AIME PAS FAIRE BEAUCOUP DE BRUIT »
On abordait précédemment ton succès sur le Tour du Piémont Pyrénéen : gagner sur une course aussi montagneuse t’a-t-il ouvert d’autres perspectives pour l’avenir ?
C’est vrai que le fait d’avoir remporté cette course, en passant des cols comme le Soulor ou l’Aubisque, c’était quand même quelque chose pour moi. Ca montre que chez les amateurs, quand on est en bonne condition, on peut tirer son épingle du jeu sur chaque course. En étant franc, je dois bien dire que je n’avais pas du tout abordé la course en imaginant pouvoir gagner le général… Je voulais apprendre mais encore une fois, j’ai pris des risques pour mettre toutes les chances de mon côté. Je me suis retrouvé dans une échappée et ça a payé par la suite. De là à imaginer reproduire ce type de performances sur d’autres courses montagneuses, c’est quand même différent.
Tu avais décroché ton premier résultat référence chez les Juniors, déjà en altitude, en terminant 8e de la Classique des Alpes…
C’est justement en Juniors que j’ai commencé à bien marcher, même si j’ai attaqué le vélo très jeune. Pour ce qui est de mon Top 10 à la Classique des Alpes, je ne m’étais pas vu comme un grimpeur pour autant. Je suis de toute façon devenu un puncheur, qui aime quand même bien les parcours vallonnés. J’ai aussi une petite pointe de vitesse qui peut me servir en petit comité : c’est comme ça que je me suis vu depuis cette période-là. Cela n’a pas changé…
Ce qui semble ne pas avoir changé non plus depuis ton arrivée dans l'Élite, c’est ton caractère de nature discrète...
(Sourires). Je n’aime pas faire beaucoup de bruit, ce n’est pas dans ma nature. Je préfère faire mon petit bout de chemin tranquillement dans mon coin. Être assez discret, c’est voulu, ça m’arrange. J’ai toujours été comme ça et je ne compte pas changer.
Par contre, tu seras sans doute surveillé comme le lait sur le feu sur les courses dorénavant !
Bon, je sais que sur le vélo, je serai attendu l’année prochaine et plus marqué. Mais c’était déjà le cas cet été : c’est le revers de la médaille quand on marche. Il n’y a pas de soucis là-dessus, c’est normal. J’y suis préparé.