Février corsé : Du pour... et du contre chez les pros
Grand Prix La Marseillaise, Étoile de Bessèges, Tour de la Provence, Tour du Haut-Var, Classic de l'Ardèche et Drôme Classic : toutes ces épreuves ont un point en commun cette année ; elles favorisent les puncheurs-grimpeurs. En effet, mieux vaut-il savoir passer au moins les bosses, voire les cols, pour espérer remporter ces courses d'un jour, ou le classement général de ces courses par étapes. Les sprinteurs auront tout de même l'occasion de s'exprimer sur deux voire trois étapes à Bessèges et sur une ou deux étapes en Provence. "Il faut s’adapter et choisir les bonnes courses. Pour ma part, je veux me servir du début de saison pour préparer les Classiques flandriennes. Dans ces conditions, je n’aurais rien à faire sur le Tour de la Provence par exemple", relate auprès de DirectVelo Anthony Turgis, tenant du titre du Grand Prix La Marseillaise.
Benoît Cosnefroy, homme fort d'AG2R La Mondiale, se dit perplexe quant aux différents parcours proposés en France en ce début d'année. "Je ne trouve pas ça forcément très bien. Bien sûr, on ne demande pas des sprints tous les jours… Mais il faudrait peut-être un peu plus de temps pour faire nos gammes en début de saison. Quand je vois une arrivée au Chalet-Reynard à la Provence… Bon, pourquoi pas, mais je me demande si c’est une bonne chose", s'interroge l'ancien Champion du Monde Espoirs. "L’hiver doit être de plus en plus sérieux, avec de plus en plus d’investissements, car il faut déjà arriver en très bonne condition dès le mois de février. Sinon, tu peux finir hors-délais et rentrer chez toi avec des profils comme ça ! Pour ma part, j’ai la chance de passer les petites bosses, mais les vrais sprinteurs, ils font comment ? On comprend que des garçons comme Arnaud Démare décident d’aller en Australie ou aux Emirats. C’est difficile d’imaginer faire sa reprise en France quand on est un pur sprinteur français".
AUCUN GRAND SPRINTEUR FRANÇAIS… EN FRANCE
L'homme aux cinq victoires en 2019 pointe du doigt un sujet sensible. Cette année, aucun des sprinteurs français les plus réputés n'a en effet opté pour une reprise en France. La tendance semble se confirmer saison après saison. Ainsi, pas de trace de Nacer Bouhanni, Bryan Coquard, Arnaud Démare, Christophe Laporte ou Marc Sarreau sur les feuilles d'engagés des courses à venir dans l'Hexagone. "C’est bien pour des coureurs de mon profil, ça peut me correspondre. À Bessèges, il y a pas mal d’arrivées au sprint, donc c’est bien d’en avoir pour tout le monde avec des circuits plus variés sur d’autres étapes… Bessèges est bien équilibré. En revanche, peut-être que les autres courses sont trop portées sur les profils pour puncheur-grimpeur", explique Valentin Madouas, le sociétaire de la Groupama-FDJ, mesuré sur cette situation. "Il faudrait garder au moins une étape pour les sprinteurs sur chaque course, histoire d’avoir un bon petit plateau de sprinteurs au départ. Avoir des terrains de jeu pour les puncheurs-grimpeurs, c’est bien, mais il ne faut pas tomber dans l’excès”.
Pierre Barbier, l'un des sprinteurs français les plus prometteurs de la nouvelle génération, sera lui du voyage à Bessèges puis au Tour de la Provence. Bien qu'il soit attaché à ces épreuves dans le sud de la France, il envisageait faire autrement, lui aussi, étant donné les parcours proposés. "Je serais bien allé à la Tropicale Amissa Bongo. Mais avec l’équipe, on est arrivé à la conclusion qu’il serait difficile d’être bon à la fois à la Tropicale puis à Bessèges. Or, la priorité pour l’équipe, c’est que je performe sur les premières courses françaises de la saison", explique le coureur fraîchement débarqué chez Nippo-Delko One Provence. "Si j’avais eu le choix, j’aurais préféré aller en Arabie Saoudite ou à Oman, avant que ça ne soit annulé. Sur le Tour de la Provence, je ne vais peut-être pas prendre beaucoup de plaisir. Après la première étape, je risque de me demander ce que je fais là… Je sais déjà que je vais passer du temps dans le gruppetto, mais c’est le jeu ! Je ne m’en plains pas".
PLUS DE « GALETTES » MAIS DU SALÉ
De son côté, Benoît Cosnefroy ne devrait pas se retrouver souvent dans le gruppetto en février. Qu'importe. "C’est devenu plus dur à Bessèges, même si ça passe encore. Et à la Provence… Le Haut-Var, n’en parlons pas ! Je ne suis pas fan et ne trouve pas ça très logique. En fait, sans dénigrer personne, il faut bien se dire que les courses de février restent des courses de préparation. Personne ne va faire 40 jours de stage en décembre-janvier pour arriver au top sur le Tour de la Provence. J’en parlais récemment avec Arnaud Démare : il n’y a plus d’étapes « galettes ». Même les arrivées pour sprinteurs, c’est après 2000 mètres de dénivelé dans la journée", lâche le lauréat du Tour du Limousin 2019. "Entre l’annulation d’Oman et la difficulté des courses françaises, j’imagine que certains sont dans des situations compliquées car en France, c’est plus dur que d’habitude, c’est clair", ajoute Anthony Turgis.
Mais alors, pourquoi durcir les parcours, d'après les coureurs ? "Les organisateurs doivent vouloir attirer les grands noms du peloton français. Pour avoir Alaphilippe, Bardet ou Pinot, il faut proposer des cols et des courses dures. J’imagine que c’est la raison principale. De toute façon, quoi qu’ils fassent, ça ne pourra jamais plaire à tout le monde", relativise le coureur de Total Direct Energie qui est suivi dans son raisonnement par de nombreux athlètes, dont le sprinteur Pierre Barbier. "Il n’y a plus beaucoup d’opportunités pour les sprinteurs, mais je comprends les organisateurs qui cherchent à varier leurs parcours. Ils essaient d’attirer des grands noms du peloton et d’avoir un maximum de spectacle. On ne peut pas les blâmer". Une chose est sûre pour la recrue de Nippo-Delko One Provence : les occasions seront rares pour les sprinteurs. De quoi ressentir beaucoup de pression avant chaque emballage massif. "Entre Bessèges et la Provence, il y aura peut-être trois sprints à tout casser. Il ne faudra pas se rater pour gagner sa place à Paris-Nice".
Notre dossier "Février corsé" :
- Du pour... et du contre chez les pros
- Les organisateurs cherchent la bonne formule
- Les Conti doivent faire avec