Le peloton des Canadiens en France
L'actuel leader des 19 ans au Challenge BBB-DirectVelo, et révélation du début de saison, est canadien. Raphaël Parisella, puisque c'est lui, n'est pas le seul à faire flotter le drapeau canadien dans le classement du Challenge. Francis Juneau (Team Macadam's Cowboys) et Laurent Gervais (Creuse Oxygène Guéret) sont eux aussi bien présents parmi les 100 premiers.
« J'AI VOULU VOIR PAR MOI-MÊME »
Alors avec tous ces Québécois qui font le chemin inverse de Jacques Cartier, peut-on parler de vague ou de débarquement dans le peloton français ? Déjà, l'an dernier, ils étaient plusieurs à avoir planté leur tente en France comme Lukas Carreau et Félix Robert aux Sables Vendée Cyclisme, là où Raphaël Parisella les a rejoints cette année. Si ce dernier a quitté son pays cet hiver, c'est pour découvrir la culture européenne du vélo. "Ce n'est pas la même culture, les petites routes, les pelotons de 200 coureurs en Amérique du Nord, c'est plutôt rare. Ici, c'est presque la norme, dit-il à DirectVelo. Si tu passes en Conti en Amérique du nord, c'est dur ensuite de faire le bond en WorldTour ou ProTeam en Europe. En venant en Europe, ça ouvre la porte et ça donne de la visibilité". La découverte des équipes de National françaises permet au coureur de N2 de comparer avec les équipes de son continent. "Le budget d'une équipe amateur ici, c'est le double, le triple ou le quadruple de celui d'une conti en Amérique du Nord même s'il y a de belles structures là-bas".
Pour eux, le Vieux Continent et la France sont un peu un Eldorado. "J’avais entendu dire que le niveau amateur en France était un des meilleurs au monde donc j’ai voulu voir par moi-même, ajoute Laurent Gervais (Creuse Oxygène Guéret). Je n’ai pas hésité et j’adore mon expérience ici. Je me suis dit que si je voulais accéder au prochain niveau il fallait passer par le niveau amateur français". Même constat pour Charles-Etienne Chrétien qui court en Espagne. "Le niveau est bon mais les courses sont courtes. Cela reflète plus ou moins le niveau professionnel. Ce sont des parcours exigeants et assez intenses donc je suis content".
« TOUT LE MONDE EST AU COURANT DE CE QU'IL SE PASSE ICI »
Toutes ces feuilles d'érable qui volent au vent sont aussi un cache-misère de la situation du cyclisme en Amérique du Nord et au Canada en particulier. Les Grand Prix de Québec et de Montréal, les deux seules épreuves WorldTour outre-atlantique, sont annulées pour la deuxième année de suite. "Le vélo, ce n’était déjà pas en grande forme et la Covid n’a pas aidé, se désole de son côté Charles-Etienne Chrétien qui a posé son baluchon en Espagne au printemps. Présentement toutes les courses disparaissent. Il n'en reste plus assez pour faire des saisons pleines donc tous les cyclistes qui sont motivés viennent en Europe. C’est dur de savoir si ces départs vont avoir une influence. Il y a beaucoup de pression qui a été mise cette année par les coureurs WorldTour canadiens sur la Fédération canadienne pour améliorer le programme de route. Il y a encore des lacunes à combler à ce niveau-là". Pour Laurent Gervais, c'est "toujours une histoire d'argent, d’organisation. Dans mes premières années Espoirs ça allait mais là on est vraiment dans un creux". Mais Raphaël Parisella veut se montrer optimiste : "les courses reprennent, il y a de plus en plus de jeunes".
Charles-Etienne Chrétien ne court donc pas dans un club français mais dans l'équipe basque Laboral Kutxa alors qu'il devait porter les couleurs d'Aevolo, l'équipe Continentale américaine. "Je m'entrainais en Espagne pour la saison 2021. Je suis resté avec Aevolo jusqu’en mars-avril mais les courses ont été annulées une par une. J’ai pris la première équipe qui voulait bien de moi pour faire des courses. J’ai choisi de faire le plus de courses possible. Le Pays Basque n’offre pas un niveau comme en France mais ça me permet de courir toutes les semaines quand même", raconte-t-il. Le Québécois porte cette semaine le maillot de son équipe nationale au Tour Alsace, en compagnie de Francis Juneau. En début de semaine, Raphaël Parisella disputait l'Etoile d'Or avec ses compatriotes, où il était le seul « Français » parmi la demi-douzaine de sélectionnés. C'est bien la preuve que les résultats des coureurs expatriés sont suivis à la loupe depuis l'autre côté de l'Atlantique. "C'est bien vu pour les sélections nationales, ça montre qu'on peut performer en Europe sans être né dans cette culture de cyclisme" ajoute Raphaël Parisella, prévu pour l'instant au Tour de l'Avenir. "Tout le monde est au courant de ce qu'il se passe ici", assure Chrétien.
DES AIDES DE LA FÉDÉRATION
Partir loin de chez soi pour pratiquer le cyclisme demande quelques provisions pour tenir le coup. "On reçoit des aides du Québec. On est vraiment chanceux. On reçoit des aides de notre fédération et des bourses de notre région, pour moi c’est les Laurentines. Il y a souvent un programme par région. Notre Fédération nous aide pas mal", reconnaît Laurent Gervais. Raphaël Parisella est satisfait de son sort : "je suis pas mal".
Les Québécois implantés en France forment-ils une espèce de réseau ? "Il y a beaucoup de coureurs québécois en France mais c’est plutôt un peu chacun pour soi…, répond Charles-Etienne Chrétien isolé en Espagne. Certains sont dans les mêmes équipes donc c’est sûr que ça rend la situation plus facile". De son côté, Raphaël Parisella estime lui que "tous les Québécois ici, nous nous connaissons super bien, on est des amis de la maison. J'étais coéquipier par le passé avec Francis Juneau, Nicolas Rivard (Team Macadam's Cowboys)". Les liens durent. Au club des Sables Vendée Cyclisme, ils sont donc trois. "Nous habitons ensemble, avec aussi Adèle Normand qui roule pour le Team Elles-Groupama-Pays de la Loire", car les féminines aussi font le voyage. Mais passer toute une saison loin de chez soi, c'est long. C'est le cas de Charles-Etienne Chrétien : "ça fait neuf ou dix mois que je suis parti de la maison, à la fin de la saison je pense que j’aurai hâte de rentrer".