Avant le Mondial Zwift, « le stress monte » chez les Bleus
Si Hugo Viort est un nom qu’on retrouve fréquemment sur la plateforme Zwift, Sandra Lévénez est plus habituée des courses sur route. Pourtant, les deux seront au départ, ce samedi soir, du Championnat du Monde Esport, disputé sur la plateforme Zwift. Mais les deux Français ont pour point commun de s'être familiarisé avec le vélo en ligne au moment du confinement de mars 2020. "Je faisais du home-trainer avant, mais de manière traditionnelle. Avec le confinement, la connexion sur Zwift a permis de basculer sur cet aspect Ecycling. J'ai souvenir que j'avais effectué un bon travail et ça m'avait bien servi. L'idée, même si c'est une course, est aussi de s’offrir une belle séquence de travail, même si j'y vais aussi pour la compétition bien sûr", commence la sociétaire de Cofidis Women Team. Pourtant, à 24 heures de l’événement, la tension est la même. "Ni plus ni moins comme avant une course, le stress monte gentiment".
« L’EXPÉRIENCE ZWIFT DU CONFINEMENT M’AVAIT PLU »
C’est aussi parce que contrairement à la route, la préparation pour un tel événement est plus contraignante pour elle. "Un peu plus de stress dans le sens où j'aurais voulu faire une préparation un peu plus spécifique sur home-trainer que je n'ai pas pu faire, mais je sais que j'ai lancé ma saison, donc je ne suis pas non plus dépourvue de repères". Hugo Viort a lui abandonné la route pour se spécialiser dans le cyclisme en ligne. "J’ai fait dix ans de vélo route, j'ai commencé Zwift au premier confinement, j'ai de suite accroché. Ça a été une possibilité de pouvoir voir les copains, s'entrainer. Je me suis pris au jeu, j'ai arrêté ma carrière à La Pomme pour me consacrer au boulot. C'est un peu dur de décrocher quand tu t'entraines tous les jours, mais j'ai pu passer à autre chose. On peut croiser tout le monde, c'est le coté génial de Zwift". Pour lui aussi le stress monte doucement. "J'essaye de gérer un peu le stress, l'attente est un peu longue. J'ai fait du mieux que je pouvais sur la préparation, je bosse à temps plein donc ce n’est pas facile. Mais le travail n’a pas été mauvais".
Du côté de Sandra Lévénez, la sélection s’est faite en répondant à un appel à candidatures, en décembre dernier. "L'expérience Zwift du confinement m'avait plutôt bien plu, je n'ai pas été traumatisée. J'ai regardé le calendrier, j'ai consulté le staff Cofidis, Cédric Vasseur et les DS ont dit banco, alors j'ai présenté ma candidature". Mais côté masculin, il a fallu passer par d’autres épreuves, dans un premier temps. "J'ai été numéro 1 français, au milieu des meilleurs mondiaux. On avait d'abord une course qualificative en novembre, par continent. Les cinq premiers de chaque continent étaient qualifiés, sachant que l’Europe et les États-Unis ont le niveau le plus élevé. On a terminé avec les deux autres Français (Alban Puech et Adrien Vuillier, NDLR) dans le groupe de tête, mais aucun de nous n'a terminé dans les cinq qualifiés. La Fédération s'est basée sur ça et on a été contacté plus tard pour participer".
« ÇA RESTE UN SPORT AVANT D’ÊTRE UN JEU VIDÉO »
Hugo Viort souhaite tempérer l’idée de jeu, qu'on pourrait instinctivement associer à la plateforme Zwift. "Ce n'est pas qu'un jeu, il y a des équipes structurées, des divisions, il y a des vrais sponsors comme une équipe pro. Il y a de la diffusion, des primes, ça reste un sport avant d'être un jeu vidéo. C'est toi qui pédales, tout est enregistré. Il y a un tel suivi pour le Mondial, sur les datas, le matériel, on a tous le même home-trainer calibré par l'UCI, il n'y a pas de triche et il y a de l'antidopage aussi. Ça apporte une énorme crédibilité. C'est une compétition reconnue, même si ça n'a pas la valeur d'un titre sur route, VTT ou cross, mais c'est une porte ouverte vers quelque chose de nouveau. Ça reste une possibilité de dévoiler des talents, comme Jay Vine, qui grâce à la Zwift Academy sont devenus pros". Mais Sandra Lévénez évoque l’aspect technologique, virtuel, pour aborder l’aspect jeu. "Ce n'est pas pour autant que ce n'est pas sérieux, le jeu est plus dans la dimension geek du truc".
D’ailleurs, la coureuse sur route bénéficiera du soutien d’Arthur Quilliec pour l’épauler. "Niveau logistique, je dis merci à Arthur, il y a plein de trucs à préparer que je n'imaginais pas forcément. Je le prends comme une nouveauté, mais je représente la France, je porterai le maillot, c'est une sélection même si c'est de l'Ecycling. Je ne le fais pas en galvaudant l'épreuve". Mais pas question pour elle de délaisser la route partiellement pour ce type d’événements. "Dans la préparation c'est un outil super intéressant. Mais je préfère quand même un calendrier extérieur, avec des belles Classiques, s’amuse-t-elle. Le calendrier permettait ça, mais c'est évident que pour l'instant ça ne remplace pas une belle Classique sur route". D’autant que les différences sont multiples pour elle. "J'ai appris à maitriser, c'est pour ça aussi la dimension jeu. Il n'y a pas autant de placement dans le peloton, mais il y a la gestion des petits jokers, l'aspiration, etc. Les temps de réaction ne sont pas les mêmes, il y a pleins d'axes d'adaptation. Mais je suis prête pour apprivoiser et m’adapter à tout ça".
« LE MAITRE MOT SERA DE TENTER »
Hugo Viort, en tant que spécialiste de l’outil en ligne, justifie que les meilleurs sur route ne soient pas forcément les meilleurs en ligne. "À force d’utiliser la plateforme, on maitrise des choses qu'un pro de la route, qui serait meilleur que nous physiquement, ne possède pas forcément. On voyait certains pros se faire taper par des amateurs, parce qu’aujourd’hui on peut parler de pros route et de pros Zwift. On se construit notre propre univers, on a nos propres spécialistes. On ne se fera pas avoir à certains moments où des néophytes se feraient avoir". Surtout sur un tel parcours piégeux, très difficile. "Il y a pas mal de dénivelé. Presque 1000 mètres pour 55 kilomètres, ça commence à faire. J'avais regardé avant, un parcours type Champs-Élysées, je n'aurais pas posé ma candidature, alors qu'une arrivée en bosse avec du dénivelé m'offre des possibilités. Mais il y aura des spécialistes comme Ashleigh Moolman, tenante du titre".
Si Zwift avait ouvert le parcours à tous les joueurs mercredi, les sélectionnés pour le Mondial avait accès au circuit Zwift New York deux semaines avant. "C'est très exigeant. Ce n'est pas mon parcours préféré, tu es tout le temps en prise, c’est de la montée/descente. Il y aura la bosse de 1,5km à 7-8%, et qui sera la bosse d'arrivée. Il y a des passages jusqu'à 17%, c'est violent", décrit Hugo Viort. Et dans la discipline il est difficile de se jauger par rapport à la concurrence. "Si je suis capable de produire un effort total, de pousser loin en pulsations et watts, j'aurai fait le maximum, même si l'aspect tactique entre en jeu", admet Sandra Lévénez, alors que son homologue masculin a sa philosophie. "Tout donner pour faire un gros résultat, quitte à péter, plutôt que viser un top 20 ou 30 qui serait déjà beau. Il n'y a qu'un maillot arc-en-ciel. On n’est pas 100, la sélection a déjà été faite. Le maitre mot sera de tenter, je me fous d’être premier ou dernier Français". Et il faudra tenter, face à des Américains ou des Belges nombreux, et qui pourraient en profiter pour bousculer la course.