Emilie Fortin : « Je n’avais plus toute ma tête »

Crédit photo Michaël Gilson / DirectVelo

Crédit photo Michaël Gilson / DirectVelo

Émilie Fortin a réalisé un joli numéro sur les routes des Boucles Guégonnaises. La Québécoise a passé une petite cinquantaine de kilomètres seule en tête dans le final de la première manche de la Coupe de France N1, avant d’être finalement reprise à trois bornes de la ligne et d’échouer au pied du podium (voir classement). Au-delà de la déception, l’athlète de la formation Sprinter Nice Métropole, 22 ans, prouve qu’il va falloir compter avec elle tout au long de la saison. Après une année et demi chez les pros de Bizkaia Durango où elle a notamment découvert le Tour d’Italie ou la Course by le Tour de France, la Nord-Américaine - installée à Nice et étudiante universitaire dans le domaine de l’administration - souhaite en effet apprendre à jouer la victoire sur des courses de moindre niveau. Avant de (re)voir plus haut. Entretien.

DirectVelo : Tu as réalisé un sacré numéro, dimanche, à Guégon !
Émilie Fortin : Il restait environ 50 kilomètres lorsque je suis sortie. On venait de passer sur la ligne d’arrivée. Juste avant la descente, sur un toboggan, j’ai contré une fille alors que ça se regardait. Il y a eu une ouverture à un moment où ça temporisait. Je me suis retournée et j’ai vu que personne n’avait suivi. Au tout début, j’espérais pouvoir être rejointe par une ou deux autres filles mais finalement, je me suis vite dit que ce n’était pas plus mal d’être seule.

N’as-tu pas trouvé le temps long, toute seule ?
Forcément, il y a eu des moments compliqués. Surtout sur la longue ligne droite du circuit, sur une route très large. Mais à chaque fois que je repassais sur la ligne, ça me faisait du bien et ça me donnait un coup de boost, avec l’acclamation du public. J’ai donné tout ce que j’avais et je ne me suis jamais retournée.

« JE N’AI PAS OSÉ LE FAIRE »

Tu as malheureusement été reprise en toute fin de course…
Il restait trois kilomètres ! Pendant tout ce temps passé à l’avant, je me demandais si j’allais avoir les jambes pour tenir. Finalement, ça ne l’a pas fait et il ne m’a vraiment pas manqué grand-chose.

Au moment de la jonction, as-tu continué de croire en la possibilité de l’emporter ?
J’ai eu peur de ne même pas pouvoir m’accrocher (elle a été reprise par trois concurrentes, NDLR) mais finalement, j’ai vu que ça ne roulait pas si vite, devant, lorsqu’elles m’ont reprise. J’ai pu récupérer rapidement dans les roues. Je me suis dit que c’était encore jouable. Malheureusement, je manque d’expérience dans ce genre de situation car je n’ai pas eu l’habitude de jouer la victoire ces dernières années. Et je l’ai clairement payé. J’aurais pu tenter de ressortir pour éviter le sprint à quatre, histoire de les surprendre… Mais je n’ai pas osé le faire. J’ai voulu courir à l’économie sur la toute fin de course. Enfin, à l’économie façon de parler, après 50 bornes devant… Finalement, c’est Séverine Eraud qui a légèrement anticipé le sprint et elle a prouvé que c’était la bonne tactique.

As-tu des regrets ?
Pas vraiment car sur la toute fin de course, je n’avais plus toute ma tête. J’étais complètement cramée et je n’avais plus les jambes pour faire le sprint. Quand tu es cramée, tu perds d’abord en lucidité et là, clairement, je n’avais plus les capacités de prendre les bonnes décisions. Peut-être que si je n’avais pas fait ce numéro seule en tête, j’aurais eu plus d’énergie à la fin, mais je ne me serais pas forcément retrouvée devant non plus.

« J’AVAIS MES TORTS, L’ÉQUIPE AUSSI »

Qu’espères-tu des semaines et des mois à venir ?
Toutes les occasions de s’illustrer seront bonnes à prendre. Je suis ambitieuse pour l’ensemble de la saison. Dès ces Boucles Guégonnaises, j’avais dit à mon DS que je ne voulais pas revenir les mains vides. Je vais donner le maximum sur chaque rendez-vous, c’est comme ça que l’on progresse. Si je devais citer un objectif précis, je dirais les Canadiens (le Championnat du Canada, NDLR). L’an dernier, je n’avais pas pu le disputer car mon équipe de l’époque avait considéré qu’il était plus important d’être sur une manche de Coupe d’Espagne… Mon équipe actuelle me laisse la liberté d’y aller et ça tombe bien car ce sera ma seule occasion de l’année de retourner à la maison. Au prix du billet d’avion, je ne vais pas y retourner cinq fois dans la saison mais là, au moins, ça fera d’une pierre deux coups.

Pourquoi avoir décidé de rejoindre Nice pour cette saison 2022 ?
J’ai connu une saison 2021 assez compliquée chez Bizkaia Durango. Je suis tombée plusieurs fois puis la Covid a ruiné ma saison. Je n’ai rien fait de glorieux, clairement, et j’avais plein de regrets. Beaucoup de paramètres ont fait que ça ne s’est pas très bien passé… J’avais mes torts, l’équipe aussi. Sans doute y a-t-il eu un manque de communication et de l’incompréhension. En novembre, je n’avais toujours pas de nouvelles pour 2022 puis j’ai enfin appris que je n’allais pas être conservée. Je me suis retrouvée sans équipe et les autres étaient complètes car je n’avais pas envoyé mon CV plus tôt, par respect pour mon équipe. Puis les dirigeants de Nice m’ont contactée. J’ai aimé leur discours.

L’an passé, tu as disputé certaines des plus grandes courses du monde, comme le Tour d’Italie ou la Course by le Tour. Ce ne sera plus le cas cette saison…
C’est très bien comme ça. Je me suis régalée à Guégon et j’ai besoin de ça, de jouer la victoire. Au-delà de prendre du plaisir, tu ne peux pas passer à un niveau supérieur sans avoir validé le niveau intermédiaire. Il faut y aller étape par étape. Il faut d’abord prendre confiance et jouer la victoire sur des courses d’un moindre niveau. Je vois ça comme une année de construction. L’an passé, j’ai pris de la caisse. Et maintenant, je dois progresser sur la stratégie et sur l’aspect mental.

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