Boucle de l’Artois : Des décisions comprises mais discutées
La manche de Coupe de France N1 à la Boucle de l’Artois n’a pas commencé de la meilleure des manières. La moitié nord du pays étant en vigilance orange à la neige et au verglas, le Pas-de-Calais n’a pas fait exception, loin de là. Si bien que ce vendredi matin, sur la commune de Maroeuil, les flocons n’ont jamais cessé de tomber sur les 18 kilomètres du parcours prévu. Et puis, l’incertitude s’est installée. Tôt le matin, jusqu’à midi, soit une heure avant le premier départ, le bon déroulement de ce contre-la-montre était remis en cause, tant le vent et la neige balayaient les routes étroites du circuit, rendant même certaines portions difficilement, voire pas du tout praticables. "C'était assez bizarre, j'étais à fond dedans. Beaucoup de monde m'a appelé, j'ai dû recevoir quinze appels, entre coureurs, mon entraineur, pour savoir comment ça se passait. Ça m'a un peu perturbé, parce que quand on annonce que c'est peut-être annulé, on est moins dedans du coup. Je voulais que ça ait lieu de toute façon, ça aurait changé la donne sinon", explique Corentin Ermenault.
Les vœux du coureur de l’AVC Aix-en-Provence sont alors exaucés. La déneigeuse a beau faire des tours de circuit, la météo gagne le match. Ou presque. Sur les 18 kilomètres prévus, le chrono est réduit à 9 km (lire ici). "Le circuit n'était plus praticable. La neige tenait bien. C’est aux coureurs de s'adapter au pilotage, on n’annule pas quand c'est mouillé. S’il y a du vent, ils ne mettent pas de roues pleines, c’est moins dangereux comme ça qu'une demi-étape sous la neige", admet Romain Faussurier, directeur sportif du VC Vaulx-en-Velin, rejoint par Corentin Ermenault. "Si c'était moyen avec la neige, impraticable, c'est sûr que c’était compréhensible. En revanche, si c'était praticable je trouve ça forcément moins bien. Mais en n'ayant pas vu je ne peux pas donner mon avis", avant d’aller dans le sens de l’organisation, après avoir eu davantage d’informations sur le parcours initial. "Il fallait prendre la bonne décision".
TROUVER REFUGE PARTOUT EN VILLE
Mais pourtant, la décision de l’organisation ne fait pas l’unanimité. Il faut dire que pendant plusieurs minutes, c’est alors la confusion au sein des équipes. Tout le monde ne connaît pas le vrai du faux, ni le mot de la fin. Entre coureurs, staff, mais aussi organisation et sécurité, quelques incompréhensions poignent. "Franchement, j'ai un avis vraiment partagé. Je trouve que la Coupe de France est de plus en plus sujet à discussion et souvent dans le mauvais sens. C'est qu'il y a forcement un problème, et encore plus avec des décisions sur la tenue ou non du chrono aujourd'hui", estime Stefan Bennett, avant de préciser sa pensée. "Peut-être qu’il faut choisir un coureur chez les amateurs pour être dans le corps décisionnel dans ces moments (1). Car les acteurs, les mecs qui vont courir sous un temps pareil, c'est nous !". Romain Campistrous est lui plus direct. "On nous balade depuis hier en nous disant que la décision sera donnée à 10h. À 10h on nous dit à 12h. À 12h15 on nous dit circuit raccourci. Soit on fait tout, soit on ne fait rien".
La décision a fait suivre des scènes originales. Des coureurs sollicitaient des garages ou des préaux. Certains avaient installé leurs home trainers dans des toilettes, alors que d’autres se mettaient à l’abri dans un café. Romain Campistrous admet que la distance n’aurait pas changé son résultat, mais aurait aimé être mieux traité. "Au-delà des conditions sur la route, comme la neige et la chaussée détrempée, aucune infrastructure n’a été mise à disposition pour que l'on puisse travailler dans de bonnes conditions, comme un gymnase ou autre. On est en Coupe de France N1, on demande aux clubs d'être pro pour être labellisés et on nous traite comme du bétail", peste-t-il. Avant que Stefan Bennett ne juge le timing de cette décision. "Je trouve que prendre une décision comme celle-ci une heure avant le départ n'est pas sérieux pour la préparation mentale de chaque coureur, du premier au 160e".
DES DÉSACCORDS DANS LE PELOTON
Le nouveau parcours n’a pas découragé tout le monde, néanmoins. Loin de là. "Je n'étais pas forcément contre. Mes coureurs étaient motivés, ça n’a pas râlé. Ils étaient tous partants pour le faire, note Romain Faussurier. Dans la coupe du parcours, il n’y a avait que 500 mètres inconnus et c’était en ligne droite, les coureurs n'avaient rien à apprendre de plus". Corentin Ermenault ne comprend pas toute l’indignation de la matinée. "Entre ce que j'ai vu sur 9 km, et ce que j'ai vu et entendu des coureurs, disant qu'il faut annuler, que notre santé est mise en jeu, moi je ne suis pas d'accord. Il n'y avait aucun souci sur la route, pas de plaques de verglas, de neige, en tout cas quand moi je suis passé. Peut-être que c'est aussi grâce à cette décision qu'il n'y a eu aucun problème". Mais lancé parmi les derniers, le coureur aixois n’a pas bénéficié des pires conditions. "Il y avait beaucoup trop de différences entre les deux premières vagues et les deux dernières pour avoir un chrono à peu près équitable", estime Stefan Bennett.
Romain Faussurier note aussi cette différence, mais ironise sur la météo qui n’est de toute façon pas maitrisable. Le coureur de WB-Fybolia Morbihan avait pourtant, lui, une idée. "Tant mieux que le chrono ait eu lieu et je trouve que l'option alternative a été bien trouvée, admet-il. Mais décaler le départ de deux heures aurait aussi empêché les 50 premiers de partir sous la neige. Si c'est possible de changer un circuit une heure avant le départ, c'est aussi possible de décaler l’heure de départ pour la bonne tenue et préparation de tous les coureurs". Corentin Ermenault, parti plus tard, a su s’adapter. "Mentalement, c’est un peu chiant. Mais j’ai mis la musique et je me suis remis direct dedans. Mais en prenant ces petites routes, il ne fallait pas non plus s'attendre à grand-chose. Peut-être qu'il fallait prendre davantage les grands axes pour ne pas être embêté". Romain Campistrous conclut. "Avec une météo comme ça, on peut enlever la trêve hivernale et faire des courses à la place". Et si la neige devrait se calmer, les températures, elles, ne devraient pas beaucoup décoller dans la suite du week-end.
(1) Le règlement des Coupes de France prévoit un protocole climatique. Il y est écrit qu'"un groupe composé du Président de Jury, de l’organisateur, d’un représentant de la Commision nationale Route, d’un Directeur Sportif et d’un coureur sera constitué pour prendre les décisions sportives afin d’adapter l’épreuve au regard des conditions climatiques".