Decathlon AG2R La Mondiale U19 : « On continuera de candidater »
C’est un sujet qui fait parler dans le peloton des Juniors. La présence, de plus en plus nombreuse, d’équipes de marque lors de manches de la Coupe des Nations est un vrai sujet de discussion, et de désaccords (lire ici). Dimanche dernier, Aubin Sparfel a remporté la dernière étape du Tour du Pays de Vaud (Suisse) sous les couleurs de Decathlon AG2R La Mondiale. Alexandre Chenivesse, fondateur de la structure U19 et aujourd'hui coordinateur général de la « NewGen » de Decathlon AGR2R La Mondiale, a profité du rendez-vous suisse pour faire le point avec DirectVelo, et ainsi donner sa vision sur la place de formations comme la sienne dans les pelotons Juniors. Entretien.
DirectVelo : Rentrons directement dans le vif du sujet. L’équipe Decathlon AG2R La Mondiale a-t-elle sa place sur une manche de la Coupe des Nations ?
Alexandre Chenivesse : Je vais inverser la question. Les équipes nationales ont-elles leur place sur des courses UCI où elles prennent la place d’équipes de marque ? Il y a plusieurs sélections nationales aux 3 Jours d’Axel. Bon… Je pense surtout, en réalité, que c’est aux organisateurs de prendre des décisions. Si nous sommes invités, c’est que les organisateurs le souhaitent. On ne pique la place de personne et je considère en effet que nous sommes à notre place ici. Au Tour du Pays de Vaud, on permet à un coureur belge (Louic Boussemaere, NDLR) d’être présent alors que sa sélection n’est pas sur la course. Ce seul argument devrait déjà suffire. Le principe des équipes mixtes, puisque c’est sous ce statut que l’on court, c’est de permettre à différents coureurs de différentes nations d’être unis sur une course, au bon vouloir de l’UCI et de l’organisateur. Point.
« ON FAIT DES CHOIX EN FONCTION DE NOS BESOINS »
Cette présence ne peut-elle pas fausser la course ?
A-t-on faussé la course ici (au Tour du Pays de Vaud, NDLR) ?
A priori, non, mais ça pourrait arriver à d’autres occasions !
Non ! Ce que l’on apprend aux jeunes, et personne n’est venu me dire le contraire à ce jour, c’est qu’ils courent pour un maillot à un instant-T, point barre. Ici au Pays de Vaud, deux coureurs de Decathlon AG2R La Mondiale étaient avec le maillot de l’équipe de France (Paul Seixas et Louis Chaleil, NDLR). Ils se sont battus pour les Bleus. Ils ont fait leur course. Même chose pour nous. On ne peut pas fausser la course. Je suis persuadé que ça se verrait et de toute façon, c’est une question d'éthique et d’état d’esprit. Chez les Juniors, on fait de la formation. Pour le reste, on ne ferme aucune porte, on dialogue avec toutes les Fédérations qui veulent partager des choses avec nous, des réflexions, comprendre comment nous travaillons. Rien de plus.
Revenons au sujet des participations aux manches de Coupe des Nations. On pourrait vous dire qu’il y a plein d’autres belles courses dans le calendrier auxquelles vous pouvez également candidater !
C’est très simple : ce n’est pas parce que c’est une manche de Coupe des Nations que l’on vient, mais plutôt pour l’intérêt de la course. Le Tour du Pays de Vaud, c’est notre seule course au programme cette saison qui propose une arrivée au sommet sur une étape. Quand on fait Paris-Roubaix, c’est parce que c’est une épreuve atypique et qu’il n’y en a pas une deuxième comme celle-là dans le calendrier. Que ce soit une manche de Coupe des Nations ou pas. On ne fait pas le choix des courses en fonction de la catégorie. D’ailleurs, on a été invités au Trophée Centre Morbihan et au Saarland mais on a refusé les deux fois d’y aller. On fait des choix en fonction de nos besoins. On était invités sur le Tour des Flandres, aux Strade Bianche… Mais on préfère aller aux 3 Jours d’Axel car ça nous semble plus intéressant en termes d’apprentissage. Le Valromey, que ce soit en Coupe des Nations ou non, c’est une course que l’on veut vraiment disputer. Cinq jours de course en montagne, c’est indispensable dans la formation de nos coureurs. Même chose pour la Watersley avec d’autres caractéristiques.
« DES COMPROMIS DOIVENT ÊTRE TROUVÉS »
Vous êtes invités partout et pouvez aller là où vous le souhaitez, ce qui est un luxe !
Pas totalement mais quasiment. La première année, on n’a pas été pris à Liège-Bastogne-Liège, par exemple. Mais oui, c’est vrai que l’on n’a eu aucun refus en 2024. On a candidaté pour quinze épreuves et nous avons été pris sur les quinze.
Votre travail ne va-t-il pas, même involontairement, parfois à l’encontre de celui des équipes nationales ?
Quand les équipes nationales commencent à se mettre en place pour la préparation des Championnats d’Europe et du Monde, on est derrière elles. Les nations font le calendrier, nos techniciens donnent leurs préconisations en termes de préparation, et inversement. Il arrive que certains sélectionneurs nous demandent de faire courir tel coureur à tel moment, car eux ne peuvent pas le faire. On essaie de travailler en bonne intelligence. Je donne un exemple tout simple : on a des crossmen dans l’équipe, que ce soit en Juniors ou en Espoirs d’ailleurs. Un entretien est prévu avec François Trarieux (le sélectionneur de l’équipe de France de cyclo-cross, NDLR) pour savoir quelle sera la préparation idéale pour Léo Bisiaux en vue de la prochaine saison dans les sous-bois. Forcément, des compromis doivent être trouvés. Dialogue, coordination et compromis : tout cela est important. Dans tous les cas, on reste dans une démarche de formation. Que les gamins gagnent ou pas, ce n’est pas le plus important en Juniors. On est là pour leur apprendre des choses et je considère qu’on ne le fait pas trop mal. Maintenant, il s’agit de travailler en bonne intelligence. J’ai de longues discussions avec Julien Thollet notamment (le sélectionneur de l’équipe de France Juniors sur route, NDLR). On a la même envie de faire progresser les gamins, de leur apprendre un maximum de choses. Les Fédérations ont un rôle capital et indispensable.
Beaucoup de sélectionneurs nationaux, puisque tu évoques Julien Thollet, militent pour une Coupe des Nations réduite à cinq ou six manches, sans équipes de marque…
Encore une fois, l’organisateur décidera mais on continuera de candidater si ce sont des épreuves qui nous intéressent pour les raisons que j’expliquais auparavant. Tant que ça a un intérêt sportif… Si en 2025, il y a cinq manches de Coupe des Nations dont le Tour du Pays de Vaud, avec toujours une arrivée au sommet et que c’est encore la seule de la saison, ça nous intéressera. Maintenant, si demain John Malaise (organisateur de Paris-Roubaix Juniors, NDLR) me dit qu’il a 25 équipes nationales et qu’il ne peut pas nous prendre, il n’y aura aucun problème. Les équipes nationales d’abord, bien sûr. Mais la priorité, c’est la formation. Quand j’entends certaines Fédérations venir sur des manches pour marquer des points, je trouve que ça interroge. Est-ce le plus intéressant dans notre travail de formation ? Ce règlement ne devrait-il pas être dépoussiéré ? Aujourd’hui, la nation qui vient faire onze manches peut l’emporter sans être la meilleure. De notre côté, on n’a pas de classification. Qu’on fasse 1er, 10e ou 40e équipe… Peu importe, on fait de la formation. Et on construit un effectif sur le long terme. On n’est pas la Visma ou UAE, on ne peut pas multiplier les salaires par trois, quatre ou dix pour récupérer de gros talents. On doit passer par la formation. Et on considère aujourd’hui que la formation passe par une participation à des courses comme le Tour du Pays de Vaud, que ce soit en Coupe des Nations, ou pas.