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Yvan Clolus : « On est capable d'aller chercher l'or »

Crédit photo UEC

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À moins de deux mois des épreuves de VTT aux Jeux Olympiques de Paris, la sélection française a été communiquée cette semaine et elle ne comporte aucune surprise (voir ici). Au micro de DirectVelo, Yvan Clolus, le sélectionneur de l’équipe de France, s’est confié sur ses choix, mais aussi sur la préparation de l'évènement, sur les points qui ont été améliorés depuis la dernière olympiade et les ambitions avec lesquelles les tricolores vont aborder cette compétition à domicile.

DirectVelo : Comment as-tu établi ta sélection pour ces JO ? 
Yvan Clolus : Chez les filles, on a deux athlètes qui sortent du lot, et qui ont validé beaucoup de choses depuis la dernière Olympiade, à Tokyo. Pauline (Ferrand-Prévot) a gagné quasiment tous les titres de Championne du monde et Loana (Lecomte) a aussi beaucoup progressé. Elle est allée chercher la médaille d'argent au Mondial 2023, a plusieurs victoires en Coupe du Monde et a pris de l'expérience. Finalement, il n’y a pas eu beaucoup d’interrogations sur le sujet, donc dès l'automne 2023, on leur a dit banco. Pour les garçons, c’était différent. On a établi, dès 2023, qu’on regarderait certaines compétitions, soit par leur enjeu, soit par leur proximité de profil avec les Jeux. L'année dernière, c'était Val Di Sole (Italie), les Gets et le Mondial. Et de cette première partie, c’est Victor (Koretzky) qui a tiré son épingle du jeu avec sa 4e place au Mondial, sa victoire aux Gets ou sur le Test Event. Ça faisait beaucoup de garanties pour nous, ajouté à son expérience et ses progrès. Dès l’hiver, on lui a dit qu’il serait de la partie. Et donc, finalement, on avait les trois-quarts de la sélection pour lesquels c'était assez limpide, parce qu'ils sont forts et qu’ils sont allés chercher des résultats.

Le casse-tête était plutôt pour la deuxième place chez les Hommes…
On a une grande densité en France, alors la compétition était plus resserrée. Au moment des manches de la Coupe du Monde d'avril, il y a cinq Français dans les onze premiers du classement mondial, avec Jordan (Sarrou), Joshua (Dubau), Thomas (Griot), Victor (Koretzky) et Adrien (Boichis). Forcément, ça aiguise les appétits et les rêves, et ils avaient tous raison de croire à cette sélection. Une hiérarchie s’est vite déterminée avec les résultats de Jordan (Sarrou) et Joshua (Dubau). Finalement, Joshua s’est blessé au Brésil et Jordan a apporté des garanties de régularité et de performance. Il a été Champion de France, il a gagné en Coupe du Monde l'année dernière et il était numéro 1 mondial fin avril. On a donc décidé aussi de ne pas attendre la fin mai pour le prévenir de sa sélection.

Contrairement à d’autres sélections, vous avez décidé de prendre les décisions le plus tôt possible. Est-ce ce qui était prévu ?
Clairement. On avait envie de ne pas trop retarder les choses parce qu'autrement, ça excite tout le monde pour rien et ça ne crée pas de performance. Je trouve que c'est mieux de poser un cadre précis, de donner du temps pour la préparation. Quand on a huit mois ou trois mois, ce n'est pas pareil que cinq ou six semaines. C’est plus confortable pour travailler, on peut échanger avec les athlètes, leurs entourages et leurs coachs persos. Et ça, c'est un des bilans que l’on a tiré de Tokyo où on avait emmené quasiment tout le monde en sélection jusqu'à fin mai, et on n’avait pas pu bien se préparer.

« IL FAUT ÊTRE LUCIDE ET HONNÊTE »


Justement, tu repars avec le même groupe que pour les JO de Tokyo…
Et ce n’est pas tellement une surprise, c'est même assez évident avec des athlètes de ce niveau-là et en pleine force de l'âge. Finalement, on retrouve les mêmes, mais avec plus d’expérience, et c’est la même chose de notre côté. À Tokyo, on avait déjà quatre athlètes capables d’être médaillés, voire titrés, mais des erreurs ont été commises, et je m'inclus dedans. On a fait des erreurs relatives au haut-niveau, qui ne sont pas flagrantes, qui sont des détails, mais qui comptent à un tel stade de performance. Depuis, on a pu beaucoup débriefer, beaucoup échanger et modifier plein de petites choses qui ne paraissent pas grand-chose, mais qui, à mon avis, une fois accumulées, peuvent faire la différence.

Et côté staff de l’équipe de France, qu’est ce qui a changé en quatre ans ?
La première chose, c'est que je ne suis plus l'entraîneur d'un des athlètes. J'ai entraîné Jordan Sarrou pendant une douzaine d'années, jusqu'à 2021. Même si je pense que j'étais en capacité de gérer la double casquette et que je n’ai jamais eu de plainte, ça rajoutait de la complexité aux situations et ce n’était confortable pour personne. Depuis septembre 2021, Jordan a un nouvel entraîneur et c’est beaucoup plus simple. On fonctionne avec un staff médical et paramédical neutre, et qui est complémentaire de l'activité des teams. Chaque athlète aura son mécano et ça forme notre équipe. C'est connu de tous depuis le départ, on y va comme ça. Les Jeux Olympiques sont très complexes en termes d'accréditation, on ne peut pas avoir le même staff qu'au Championnat du Monde.

Comment prépare-t-on une compétition de l’importance des Jeux Olympiques ?
On travaille sur le plan individuel pour chacun. Il faut être assez lucide et honnête sur chaque profil. C'est-à-dire, qu'est-ce qu'on est capable de faire ou non, comment on le travaille et comment on met ça en résonance avec ce qu'on appelle le modèle de performance de l'activité. C'est ça qui donne des axes de travail, des méthodes, des stratégies. C'est pour ça que lorsqu’on me demande où va se faire la prépa terminale collective de l'équipe de France de VTT, je dis avec beaucoup de simplicité, mais il n'y a pas de stratégie collective de travail. Pour moi, ce sont quatre groupes d'une personne en prépa, parce qu'ils n'ont pas tous le même historique, les mêmes choses à travailler, les mêmes qualités, les mêmes points à améliorer.

« ON NE VA PAS NOUS DÉROULER LE TAPIS ROUGE  »

L’approche est-elle différente lorsque l’on s’apprête à vivre cette échéance, chez soi, en France ?
Les Jeux en France, personne ne l'a vécu et personne ne le revivra, on est sur un one-shot. On se raccroche à des expériences similaires que l’on a pu vivre comme les Championnats du Monde en France. Il faut aller chercher des expériences comme ça pour se rendre compte à quel point ce sera différent d'être à la maison. Mais j'ai du mal à comprendre ceux qui pensent que ce serait un problème de courir à domicile. Pour moi, c'est un avantage. Pour les athlètes, c'est un plus dans l'état d'esprit, parce que vous avez vos familles, vos proches, etc. Quand je repense à tout le travail qu'on a fait pour être prêt au Japon, avec le décalage horaire, avec la chaleur et l'humidité, avec la culture, avec tout ce qu'il a fallu appréhender, là, on est tous au maximum à deux heures de transport de Paris. Et on a un groupe capable de tirer parti de ces avantages. Si on prend l’exemple de Pauline (Ferrand-Prévot), lors du Championnat du Monde 2022, aux Gets, elle gagne en écrasant la course. On a des athlètes qui savent gérer ça, qui sont uniques.

Ce que tu expliques, c’est que vous êtes dans les meilleures conditions pour performer…
On est dans de très bonnes conditions et sans fanfaronner, ni faire semblant de bluffer, on l’assume, tout comme nos ambitions qui sont hautes. Pour l’instant, on a le vent dans le dos, à nous de bien l'utiliser. Je voulais qu'on aille aux Jeux avec le sentiment d'avoir fait le maximum, chacun dans notre rôle. Et aujourd’hui, mon sentiment est que tout a été fait dans ce sens. Maintenant, on n'est pas fous. On ne va pas nous dérouler le tapis rouge. On n'a pas une marge d'avance, que ce soit chez les Hommes ou chez les Femmes. Nos adversaires sont très forts, et ils ont aussi très envie d'être champion olympique. Il va falloir aller arracher des médailles et se sublimer. On ne va pas nous donner les médailles comme ça.

Avec quel état d’esprit allez-vous aborder les épreuves ? L’or ou rien ?
Je ne veux vraiment pas dévaloriser les médailles olympiques parce qu'elles sont très complexes à aller chercher. On veut aller chercher des médailles et le titre, c'est l'objectif avoué dans les deux courses parce que je pense que c'est possible. Il y aura beaucoup d'adversaires très coriaces, c'est évident, mais on ne peut pas se cacher derrière notre petit doigt. On assume cette ambition, on a tout pour le faire et ce serait petit d'avoir d'autres objectifs que ça. C'est ambitieux, mais je pense que c'est possible. On est capable d'aller chercher l'or aux Jeux Olympiques.

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