Tadej Pogacar arrive encore à les épater
Même à tête reposée, au calme devant leur écran d’ordinateur, les journalistes ont parfois du mal à trouver les mots pour décrire les performances de Tadej Pogacar. Comment narrer de tels exploits ? Quels adjectifs, qui n’auraient pas encore été utilisés pour un précédent numéro en solitaire, utiliser ? L’exercice s’avère fort logiquement encore plus difficile pour les adversaires du nouveau Champion du Monde, après six heures et demi d’effort extrême dans les rues de Zurich. Mais bien sûr, tous les principaux protagonistes de cette course au maillot arc-en-ciel ont eu droit à la question sur le « Pogi show » en zone mixte, dimanche en fin d’après-midi. “Que dire ? C’est fou !”, lâche très brièvement Ben Healy, en course jusqu’au bout pour une médaille.
QUAND L'ÉNUMÉRATION DE TOUS SES SUCCÈS DEVIENT DIFFICILE
Toujours plus haut, toujours plus fort, toujours plus unique, le Slovène a réalisé un immense numéro qui laisse tout le monde sans voix, y compris son habituel adversaire et coéquipier pour l’occasion, Primoz Roglic. “C’est incroyable”, lance le quadruple lauréat du Tour d’Espagne, l’une des rares épreuves majeures du calendrier que n’a d’ailleurs pas encore remporté son compatriote. “Il était de loin le plus fort”, appuie pour sa part un Marc Hirschi qui, comme imaginé après son très gros été, aura lui aussi été à la bagarre jusqu’au bout.
Meilleur Espagnol dimanche, Enric Mas n'a pas échappé non plus à la question sur la performance XXL de ce Mondial. “Il écrit l’histoire. Il n’y a qu’à voir ce qu’il a fait cette année, c’est quelque chose, témoigne-t-il au micro de DirectVelo. L’habituel coureur de la Movistar a tenté de se lancer dans l'énumération des grosses courses enlevées par Tadej Pogacar cette année, mais il s’est vite perdu. “Il a gagné le Giro, le Tour, au Canada, ici… J’en oublie d’autres”, sourit-il alors qu'il avait été l'un des premiers à se présenter en zone mixte après la course. Les numéros réalisés aux Strade Bianche et à Liège-Bastogne-Liège semblent déjà loin.
EDDY MERCKX LE PLACE DÉSORMAIS AU-DESSUS DE LUI
Peu après l’arrivée, c’est Mathieu Van der Poel qui s’était exprimé le premier devant les caméras. Non pas pour la presse, mais pour s’adresser directement à celui qui aura attaqué à 100 bornes de l’arrivée puis passé les 51 derniers kilomètres seul en tête. “Tu es fou !”, rigole alors le Néerlandais auprès de son ami slovène, qui lui succède donc au palmarès du Mondial. Deux bonnes heures et demi plus tôt, lorsque « Pogi » est parti seul en contre, Mathieu Van der Poel était allé à la hauteur d’un certain Remco Evenepoel pour lui glisser un mot, se félicitant que le Slovène s’enflamme, panique, et se brûle sans doute les ailes. Sauf qu’il n’en a rien été. “Pour moi, ça ne pouvait pas aller au bout”, assurait le tenant du titre en conférence de presse. Remco Evenepoel admet, lui aussi, avoir eu le même ressenti lors du démarrage du futur lauréat. “Normalement, il est suicidaire de partir d’aussi loin. Mais il était au-dessus du lot, c’est tout”.
Le dernier à avoir vu Tadej Pogacar de près lors de ce Mondial aura été Pavel Sivakov. Alors qu’il est pourtant son équipier toute l’année chez UAE Team Emirates, le Français a réussi à être, lui aussi, épaté par la performance de son habituel leader. “Je n’ai jamais vu ça, c’était un rouleau-compresseur. C’était tellement facile pour lui... Il a impressionné tout le monde”. Au point de s’interroger sur la question du “GOAT” (Greatest of all time, le plus grand de tous les temps) dès les 26 ans du nouveau maillot arc-en-ciel puisque Eddy Merckx en personne a émis l’idée, dans les colonnes du journal L’Equipe, que le Slovène l’a peut-être bien d’ores-et-déjà surpassé. “C’est évident qu’il est au-dessus de moi. Je le pensais déjà un peu au fond de moi-même quand j’avais vu ce qu’il avait fait sur le dernier Tour de France mais, ce soir, il n’y a pas de doute. Evidemment, on ne peut pas comparer les époques (...) mais moi je n’attaquais pas à 100 km de l’arrivée sur un Championnat du Monde. Ce qu’il a réalisé aujourd’hui est inimaginable”. Et ce n’est sans doute pas encore fini puisque Tadej Pogacar a confirmé en conférence de presse qu’il comptait désormais se rendre sur les dernières courses d’un jour italiennes de fin de saison pour arborer son nouveau maillot sans attendre 2025. “Ça peut toujours changer, mais c’est le plan”. Avec comme ultime objectif en 2024 de réaliser le quadruplé au Tour de Lombardie. Pour écrire un peu plus encore sa légende.