Hiver clément, gare à la surchauffe

Le début de l'hiver a été particulièrement clément dans toute la France, de l'Ouest à l'Est. Si les stations de ski ont dû attendre le début du mois de janvier pour voir tomber les premiers flocons, les coureurs en ont profité pour avaler les bornes. Avec l'enchaînement des stages en Espagne ou dans le Sud de la France qui vont se succéder dans les prochains jours, le début de saison risque d'être relevé. Quels sont les avantages ou  les risques de cette douceur hivernale ? DirectVelo a demandé à deux entraîneurs, Jean-Luc Hamonet et Nicolas Boisson quelques précisions.

ROULER TOUJOURS PLUS PENDANT L'HIVER

"Avant tout, les bonnes conditions climatiques sont un avantage. On laisse beaucoup plus de cartouches aussi bien physiquement que mentalement lorsque l'on doit rouler dans le froid et le vent", indique Nicolas Boisson à DirectVelo, entraîneur de la Btwin U19 Racing Team et de certains coureurs du CC Etupes (DN1). Lui réside dans une région, la Franche-Comté, qui a connu des conditions exceptionnellement douces par rapport à certaines années.

"Le principal danger, c'est qu'un coureur ait zappé les fondations. A savoir travail foncier, et préparation physique générale pendant l'hiver". Encouragés par une météo agréable, certains pourraient donc sauter des étapes et commencer à faire des intensités. Une précipitation qu'ils pourraient regretter à l'arrivée du printemps. Mais cette course aux kilomètres est aussi un des principaux changements dans la manière de s’entraîner depuis une dizaine d'années. Une volonté de rouler chez les coureurs que doivent gérer les entraîneurs et qui peut s'expliquer aussi par la jeunesse du peloton amateur français.

GAGNER SA PLACE DES LE DEBUT DE SAISON

C'est en tout cas, une hypothèse développée par Jean-Luc Hamonet qui entraîne des coureurs du Team U Nantes Atlantique. "Ils doivent s'imposer très tôt, notamment sur la Coupe de France. Il y a aussi les sélections en Equipe de France qui se jouent dès le début de saison, indique-t-il. Ce sont des facteurs qui les poussent à se présenter dans  une forme avancée au départ des premières courses". L'utilisation des réseaux sociaux peut aussi provoquer une émulation dans le peloton.
"Tout le monde observe ce qui se fait, notamment avec Strava. Un coureur peut être poussé à en faire toujours plus, regrette Nicolas Boisson. C'est notre rôle d’entraîneur de les guider et de leur rappeler leurs programmes."

4000 KM AVANT LA PREMIERE COURSE

Une chose est sûre, la grande majorité des coursiers est déjà bien préparée avant les derniers stages organisés par les équipes. "De belles séances intensives devraient être prévues pendant les stages car tous les coureurs arrivent avec un bon foncier ce qui n'est pas toujours le cas", fait remarquer Jean-Luc Hamonet. Une tendance que confirme Nicolas Boisson : "Si un coureur n'est pas prêt avec cette météo, c'est qu'il n'a pas vraiment été sérieux".
Le début de saison sera donc enlevé et la domination des coureurs de l'ouest ou du sud de la France sur les premières épreuves pourrait être contestée par leurs adversaires des régions réputées plus froides. "Certaines années, ils arrivent un peu en retard par rapport à nous", rappelle Jean-Luc Hamonet. "C'est vrai mais cette année, il n'y a pas de raisons, les coureurs auront à peu près tous 4000 km au compteur", confirme Nicolas Boisson.

EVITER LES MALADIES

S’entraîner sous le soleil, c'est aussi éviter les maladies. Grippe, angine, bronchite sont autant de hantises pour le cycliste en période de préparation. En plus de la période d'inactivité, c'est la remise en route et la course au temps perdu qui peut avoir le plus de conséquences. "Après une période d'inactivité, le coureur a tendance à en faire plus. Résultat, il s'affaiblit, rechute ou n'encaisse pas les charges de travail et court après la forme pendant des semaines", prévient Jean-Luc Hamonet. Autre risque de l'hiver, la blessure musculaire ou la tendinite qui peut être favorisée par le froid et l'humidité. Jusqu'à présent, les coureurs ont pu éviter de rouler les jours de pluie en remettant au lendemain une sortie prévue.

S'ENTRAINER DANS LE FROID POUR MIEUX LE SUPPORTER SUR LES COURSES

Là encore, cet avantage du beau temps pourrait se retourner contre les coursiers s'ils doivent courir dans le froid et la pluie comme cela est possible en mars. Le souvenir du Grand Prix du Pays d'Aix 2015, une édition dantesque a laissé des traces dans les mémoires du peloton amateur français. "Evidemment, si un coureur n'est sorti que par beau temps, physiologiquement, il supportera très mal une course dans le froid et la pluie. Il faut savoir se faire violence quelquefois sous la pluie pour habituer son corps", conseille Nicolas Boisson.

« LES MICROCOUPURES SONT TRES PROFITABLES »

L'hiver particulièrement doux rime donc avec préparation optimale à condition ne pas se laisser griser et de respecter  les charges sans en rajouter. Une forme trop précoce pourrait signifier surchauffe en mai. "Le risque cette année, c'est que les coureurs aient du mal à encaisser le début de saison et soient obligés de souffler en avril ou mai", affirme Nicolas Boisson. "Alors que c'est une période où les courses à étapes s'enchaînent et les premières chaleurs fatiguent les organismes". Un avertissement relayé par Jean-Luc Hamonet : "Pour parer à la surcharge, il faut pratiquer les microcoupures. Musculairement, la condition décline à partir de cinq jours donc ces petites périodes de récupération sont très profitables".
Avant tout, il faut trouver le juste milieu, ni trop tôt pour ne pas payer pendant une saison, les erreurs de l'hiver.

Crédit photo : Elen Rius - Elen Rius Photos
 

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