Steve Chainel : « Le public en aura pour son argent »
Steve Chainel (Team Chazal-Canyon) s'est rassuré à Flamanville. Après avoir été malade pendant la semaine, le Vosgien a pris dimanche la 3e place de la dernière manche de la Coupe de France de cyclo-cross (voir le classement). A deux semaines de remettre son titre en jeu, DirectVelo en a profité pour faire le point avec le Champion de France.
DirectVelo : Que représente ce podium pour toi ?
Steve Chainel : Je m'attendais à ce type de course, avec un dernier tour un peu tactique. On attendait Francis Mourey, comme d'habitude. Il a couru à la perfection. Me concernant, j'étais dans le doute avant de venir ici. J'étais cloué au lit mercredi et jeudi (lire ici). J'ai pris la décision de venir ce vendredi. Le travail avait été fait mais il fallait que je me rassure à Flamanville. J'ai tenté à la cloche mais je pense avoir eu une crevaison lente à l'arrière dans le dernier tour. Ça m'a empêché de jouer en tête ou de suivre au bon moment. J'aurais aimé gagner la dernière manche disputée par Francis. J'ai un petit pincement au cœur... Il m'a battu pendant dix ans cet enfoiré ! Il reste Besançon. Les dés sont désormais jetés. Il faut d'ici là bien récupérer, bien manger, ne pas tomber malade. Mais en tout cas je suis quand même content de ce podium.
Cette course était très tactique...
Le niveau est très homogène en France. Personne ne se détache, ce n'est pas comme au niveau international où il y a Mathieu Van der Poel et derrière nous sommes tous des Cadets. Nous avons l'impression qu'il s'amuse avec nous. Je trouve ça dommage pour la discipline. Ça nous décrédibilise alors qu'il y a un niveau de dingue, même en France. Je vois parfois des commentaires sur les réseaux sociaux où les gens disent que les Français sont inexistants. Mais on prend moins de trois minutes par Van der Poel, et je peux vous dire qu'il faut déjà faire un sacré boulot pour en arriver là. Des coureurs comme les frangins Dubau et David Menut sont super forts. Le cyclo-cross français ne s'est jamais aussi bien porté. Clément Russo et Quentin Jauregui, qui sont pros, refont des cyclo-cross. Il y a dix coureurs qui peuvent devenir Champion de France à Besançon alors que d'habitude il n'y en a que trois ou quatre.
C'est donc une bonne chose selon toi ?
Carrément ! Personne ne survole la discipline en France. Un coureur peut gagner comme terminer 9e. Il ne faut pas oublier Arnold Jeannesson qui n'était pas à Flamanville. Ça sera une super course à Besançon. Le public en aura pour son argent !
« JE ME PREPARE DEPUIS JUIN.... »
Tu es le Champion de France en titre, est-ce un désavantage ?
Quand on y a goûté, on veut l'avoir une deuxième fois. L'appétit vient en mangeant. J'aurai les liserés à vie. Il n'y a que Francis et moi qui les avons. Nous serons ceux qui auront le moins de pression. Pendant 18 ans, j'avais cette boule au ventre, en me disant : « putain, j'aimerais bien l'avoir un jour. » Ca sera aux autres de faire la course. Je vais jouer crânement ma chance. Physiquement, je serai prêt. Tactiquement, il faudra être bon. Il faudra avoir le bon matos et les astres avec soi, comme c'était le cas pour moi l'an dernier.
Ton podium à Flamanville te permet donc d'être confiant pour la suite ?
Je me suis rassuré effectivement. Vendredi, j'ai fait ma bosse référence. Si les temps n'avaient pas été bons, je ne serais pas venu à Flamanville. C'est compliqué quand on est un athlète comme moi, qui cogite beaucoup, de manquer la dernière manche de la Coupe de France. Les données étaient bonnes mais je n'étais pas super encore vendredi soir. Mais deux jours off n'allaient rien changer.
Tu as hâte d'être au départ de ce Championnat de France ?
Non car ça voudra dire que je n'aurai plus le maillot (sourires) ! J'attends surtout le mois de janvier où il y aura le Championnat de France, deux manches de la Coupe du Monde puis le Mondial. Je me prépare depuis juin pour ce mois-là.
Avec toujours autant de plaisir ?
Je prends encore beaucoup de plaisir, et heureusement quand on s'entraîne 15-20h par semaine, avec de la pluie, du vent, de la neige... Le cyclo-cross est malheureusement le parent pauvre du cyclisme et ça me fait chier. C'est un sport télégénique, comme le biathlon. Même quand on n'y connait rien, on prend du plaisir à regarder les coureurs passer les planches ou dans les ornières. Moi ça m'emmerde que des courses ne soient pas diffusées en direct alors que c'est extraordinaire. C'est un super beau sport. J'invite les gens à venir voir des cyclo-cross même s'ils n'y connaissent rien. Nous sommes des guerriers, on roule pendant une heure dans la merde, en petit cuissard... Heureusement que nous prenons du plaisir !
« SI JE TROUVE UN MILLION D'EUROS... »
Flamanville, pour le public, c'était presque plus beau qu'une manche de la Coupe du Monde selon toi ?
Honnêtement, oui. Quand je regarde les manches de la Coupe du Monde, heureusement qu'il y a de la bagarre derrière. Entre la troisième et la dixième place, ce ne sont jamais les mêmes coureurs. Puis derrière il y a une quinzaine de coureurs. On peut finir 12e comme 27e... C'est génial.
Tu t'imagines continuer encore longtemps ?
Je ne sais pas. J'ai dit à Francis sur la ligne de départ : « Toi, tu t'en fous c'est ta dernière ». Il m'a répondu que j'avais le temps. Mais c'était peut-être aussi ma dernière. Je n'en sais rien. Comme je l'ai déjà dit, si je trouve un million d'euros, j'arrêterais pour manager mon équipe pro à 100 % . J'ai envie de donner pour les gamins. Quand je vois les émotions que j'ai eues pendant la course Espoirs à Flamanville... En plus maintenant, mon gamin fait du cyclo-cross. Je m'éclate comme un petit jeune mais je ne le suis plus sur ma carte d'identité ! Je suis un vrai compétiteur et le jour où je prendrai des vraies branlées, j'arrêterai d'un coup !