Rocco Cattaneo : « Il faut prendre des risques »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Le Championnat d’Europe sur route d’Alkmaar (Pays-Bas) a pris fin ce dimanche après-midi avec la victoire de l’Italien Elia Viviani sur l’épreuve reine, la course en ligne Elites Hommes. Au terme de cette semaine de compétition, et avant une édition 2020 qui se déroulera à Trente (Italie), DirectVelo a interrogé le Président de l’Union Européenne de Cyclisme, Rocco Cattaneo. Il y est notamment question de la nouvelle épreuve du relais mixte, d’une idée de création d’un classement scratch pour les épreuves chronométrées, ou de l’absence de l'Équipe de France Espoirs à Alkmaar.

DirectVelo : Lors de ce Championnat d’Europe, les Espoirs Dames ont dû enchaîner l’épreuve chronométrée et la course en ligne sur deux journées consécutives. N’est-ce pas un problème ?
Rocco Cattaneo : C’est une nouveauté. Il va falloir discuter avec les entraîneurs des équipes nationales. Je n’ai pas encore eu de retours, qu’ils soient positifs ou négatifs, mais je vais prendre le pouls du peloton, de ceux qui travaillent sur le terrain, dans les prochains jours. Quoi qu’il en soit, il faut noter que l’on est très coincé dans le calendrier. L’année prochaine sera olympique. La saison sera encore plus chargée. On fait comme on peut.

La lauréate de la course en ligne Espoirs Dames, Letizia Paternoster, avait disputé le chrono la veille. On imagine que ça vous rassure ?
C’est une situation qui me conforte dans notre décision. Si on a voulu des contre-la-montre assez courts pour toutes les catégories, c’était aussi pour cette raison. J’ai été coureur et je considère que pour des spécialistes du chrono, faire 22 kilomètres puis enchaîner avec la course en ligne est quelque chose de supportable. D’ailleurs, de façon plus générale, je trouve que tout s’est bien déroulé ici. J’ai l’impression que les équipes, les coureurs et les entraîneurs étaient satisfaits de la façon dont s’est passé ce Championnat. Mais encore une fois, j’ai hâte d’entendre ce qu’auront à me dire les entraîneurs nationaux.

« LES SPÉCIALISTES GAGNENT SUR TOUTES LE DISTANCES »

Lors de l’édition 2020 en Italie, les chronos seront une nouvelle fois très courts, y compris pour les Élites. C’est donc une formule qui vous plaît et que vous comptez instaurer à long terme ?
C’est moi qui ai souhaité un chrono de la même distance pour toutes les catégories. Je pars du principe que quand un coureur est fort en contre-la-montre, il est fort sur une poursuite sur piste, sur un prologue, sur un chrono court ou sur un chrono de 50 kilomètres. Je ne pense pas que les médailles de ces Championnats d’Europe contre-la-montre se jouent sur la distance du chrono. Les spécialistes gagnent sur toutes les distances. Et puis, avec ce programme chargé, comme je l’ai dit, ces distances courtes permettent aussi de “compenser” le rapprochement de certaines épreuves. Maintenant, ce que j’aimerais pour les chronos, c’est un classement total, pour comparer les catégories.


Un “scratch” ?
Exactement. J’ai demandé à ce qu’il soit mis en place, mais ça n’a pas encore été fait cette année. Ce “scratch” permettrait de comparer toutes les catégories, les jeunes catégories avec les Élites, ou les femmes avec les hommes. Je suis convaincu, par exemple, que les Juniors Hommes ont un meilleur niveau que les Femmes, plus ou moins, et que leurs temps sont meilleurs.

« AMÉLIORER NOTRE POSITIONNEMENT DANS LE CALENDRIER »

L’an passé, en République tchèque, on avait pu noter que le Champion d’Europe Juniors chrono, Remco Evenepoel, avait roulé plus vite que presque tous les Espoirs sur la même distance et le même parcours (lire ici)...
C’est quelque chose qu’il peut être important de découvrir pour tout le monde. Le cyclisme sur route a besoin de nouveautés. Il faut prendre des risques. En Europe, le cyclisme sur route souffre. Je le vois en Suisse : le calendrier est de plus en plus maigre, avec de moins en moins de jeunes. Quand je courais chez les jeunes, on était 250 à 300 sur les rendez-vous en Suisse. Maintenant, on constate qu’il y a parfois des départs à 30 coureurs chez les Juniors.

Sur ce Championnat d’Europe d’Alkmaar, comme au prochain au Trentin, il a été proposé pas moins de treize épreuves, dont dix sur les trois premières journées de compétition. N’est-il pas envisageable de proposer une journée de compétition supplémentaire, le mardi, pour éviter ce gros enchaînement ?
Cinq jours, c’est vraiment beaucoup. Il faut rester souple et penser à tout le monde. Il ne faut surtout pas oublier qu’il est très difficile d’organiser des Championnats d’Europe. Fin 2018, on ne savait pas encore où aurait lieu ce Championnat. On n’a pas l’ambition de concurrencer le Championnat du Monde. Il faut l’oublier. Par contre, nous devons améliorer notre positionnement dans le calendrier. Je ne sais pas encore comment, mais on doit trouver une solution, sans empiéter sur les autres grands événements. On doit également rester une plateforme pour les jeunes. Le maillot de Champion d’Europe doit être un objectif majeur dans la saison d’un coureur. On voit que c’est le cas aujourd’hui. Quand je regarde les listes des participants, on voit que les meilleurs veulent venir.

« LE RELAIS MIXTE EST UN PROBLÈME POUR LES PETITES ET MOYENNES NATIONS »

Malgré tout, ce vendredi, vous avez pu constater qu’il n’y avait pas d'Équipe de France sur la course en ligne Espoirs. Les Espagnols ne sont pas présents non plus sur la course en ligne Elites. D’autres nations, à l’image des Britanniques, des Danois ou des Néerlandais, zappent régulièrement une ou plusieurs épreuves du Championnat d’Europe. Faut-il rendre la participation des grandes nations obligatoire ?
Je suis contre les obligations. Il faut chercher d’autres solutions, pour avoir une plus grande attractivité. Je vais me renseigner auprès de l'Équipe de France pour comprendre quel était le problème mais encore une fois, je ne compte pas faire en sorte qu’ils soient obligés de venir sur la prochaine édition. Le but, c’est que les équipes viennent parce qu’elles ont envie de venir sur notre épreuve, et pas pour une autre raison.

La grande attraction de cette édition 2019 était la création d’un relais mixte. Quel premier bilan en tirez-vous ?
C’est une nouveauté et ce n’est pas facile pour tout le monde de participer. Nous avons cinquante nations dans l’UEC. J’ai conscience que cette épreuve représente encore un engagement en plus pour ces pays. C’est assez lourd en terme d’entraînement et de matériel. Pour les grandes nations, c’est bon, mais je vois bien que c’est un problème pour les “petites et moyennes” nations, qui ne peuvent pas aligner une formation sur cette épreuve. Il faut faire un premier bilan de ce qu’il s’est passé ici, mais on ne pourra pas non plus en tirer des conclusions définitives. On en saura beaucoup plus après trois ou quatre années. 

 

Mots-clés