Tour de l'Avenir : Une décision qui fait débat
Le 25 août prochain, à l'issue de la 10e et dernière étape du Tour de l'Avenir, tout le monde aura sans doute oublié le scénario de la première journée de course. Une chute collective, survenue à 3500 mètres de la ligne, aurait pu grandement influencer la suite de l'épreuve. Mais le jury des commissaires a décidé d’appliquer la règle des trois kilomètres, classant tous les coureurs dans le même temps. "La situation était anormale, estime le président du jury, Carmelo Astigarraga, interrogé par DirectVelo. Tous les coureurs étaient bloqués même ceux qui n'étaient pas tombés, ce n'était pas possible de passer, ni les coureurs, ni les voitures. Le règlement permet au collège des commissaires de trancher en cas de situation exceptionnelle".
« JE VAIS GUEULER... »
Mais cette décision n'a pas fait l'unanimité. Parmi les coureurs les plus mécontents : Tobias Foss et Matteo Jorgenson. Les deux garçons ont fait part de leur agacement sur les réseaux sociaux. "Cette décision est très étrange et ils ne l'ont pas expliqué, regrette le Norvégien auprès de DirectVelo. C'est un peu confus pour le futur, si par exemple j'ai une crevaison juste avant les trois derniers kilomètres on ne sait pas ce qu'il va pas se passer, si je vais garder le même temps ou non". L'Américain de Chambéry va dans le même sens. "Maintenant, si je chute dans deux jours, à quatre kilomètres de l’arrivée, j’espère que je pourrai bénéficier de la même règle. Sinon, ça ne va pas être bon, je vais gueuler, tente-t-il de sourire. Quand j’ai vu le résultat, avec tout le monde dans le même temps, je me suis dit que ça faisait chier".
Matteo Jorgenson regrette de s'être battu toute la fin de course pour être bien placé et ne pas en tirer profit. "Ceux qui étaient dans la chute ne s’étaient pas forcément assez battus toute la journée pour être dans les premières positions, estime-t-il auprès de DirectVelo. Pour moi, l’UCI devrait être sûre de ses règles et de ses décisions. Si on a une règle pour les trois derniers kilomètres, alors c’est trois kilomètres, et pas 3,7 kilomètres. Si trois kilomètres, ce n’est pas assez, alors mettons la règle aux quatre kilomètres. Mais là… Ils ont vu que beaucoup de coureurs jouant le classement général étaient impliqués dans la chute, alors ils ont changé la règle. Si j’avais chuté tout seul, ou avec un seul autre mec, ils auraient dit que c’était après les trois derniers kilomètres. Si tu es un coureur qui joue le classement général, il faut être placé. Tout le monde connaît ça, ce n’est pas un secret".
Plusieurs candidats à la victoire finale avaient en effet été piégés, comme Alexander Evans (Australie), Thymen Arensman (Pays-Bas), Michel Ries (Luxembourg), Felix Gall (Autriche), Attila Valter (Hongrie), Einer Augusto Rubio (Colombie) ou encore Andreas Kron (Danemark).
« IL Y A LA RÈGLE, MAIS IL Y A AUSSI L'ESPRIT »
Si elle a fait grincer des dents, la décision des commissaires a bien sûr ravi bon nombre de coureurs et sélectionneurs. "Selon moi, quand, comme hier (jeudi), il est question d’une chute à 300, 400 ou 500 mètres de la limite des trois derniers kilomètres, on doit procéder à ce type d’ajustements. Les trois-quarts du peloton ont été impliqués ou gênés dans cette chute, observe Anders Lund, le coach des Danois. Pour moi, ce n’est pas par une chute comme celle-là que le classement général de la course doit se jouer. Je suis en accord total avec les commissaires, et j’aime le fait qu’ils se permettent d’ajuster les règles, suivant les circonstances, en prenant en compte tout ce qu’il s’est passé, et les conséquences qu'il pourrait y avoir".
Tient-il ce raisonnement en raison de la présence à l'arrière de son grimpeur Andreas Kron ? "Bon… C’est vrai que des coureurs de mon équipe ont été impliqués dans la chute. C’est sûrement aussi une raison pour laquelle je m’implique et je tiens ce discours, sourit-il. Mais même si tous les gars de l’équipe avaient évité la chute et la cassure, j’aurais sûrement tenu le même discours. Si on avait eu ce type de chute après trois kilomètres de course, on aurait même arrêté la course, on l’aurait neutralisée un moment...".
Pierre-Yves Chatelon pense que personne ne veut gagner le Tour de l’Avenir grâce à une chute. "Certes, il y a la règle, mais il y a aussi l’esprit. La chute intervient à 300 mètres du panneau des trois derniers kilomètres. Pour moi, c’est une excellente décision, une décision juste", dit-il alors que son leader Clément Champoussin n'avait pas été piégé. "Il était déçu après l'étape car il a fait un gros sprint, à 100 mètres du peloton, pour réintégrer le premier groupe. Il s’est vraiment fait mal pour en arriver là. Après coup, il m’a dit qu’il se serait relevé s’il avait su… Mais non… Je lui ai dit qu’il ne fallait jamais se relever. Ensuite, avec les explications que j’ai données à l’ensemble du groupe, ils ont compris. Il y a eu mansuétude des commissaires, c’est bien".
Même s'il est agacé, Matteo Jorgensen arrive à comprendre la décision des commissaires. "C'est une bonne chose que personne n'ait été pénalisé par la chute car c'est toujours mieux quand le meilleur gagne", reconnaît l'Américain.