Shara Marche, une pionnière pour le peloton féminin
C’est une citation qui pouvait mettre la puce à l’oreille : “En tant que cycliste professionnelle, j’ai toujours été passionnée par la nutrition. Tout commence à la cuisine”, lançait il y a quelques jours, sur les réseaux sociaux, la néo-retraitée des pelotons Shara Marche, avec un post accompagné de la photo ci-dessus. Quelques jours plus tard, celle qui s’est toujours dit passionnée par la gastronomie a officialisé sa reconversion dans le secteur. Après avoir mis un terme à sa carrière cycliste fin 2020, l’ancienne sociétaire de la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope devient en effet nutritionniste pour la formation SD Worx, nouvelle appellation de la Boels-Dolmans. L’Australienne, qui vit en Franche-Comté, reste ainsi dans le monde du vélo et accompagnera l’équipe tout au long de la saison à venir. DirectVelo a voulu en savoir plus sur sa nouvelle vie.
DirectVelo : Comment vas-tu depuis que tu as annoncé la fin de ta carrière cycliste ?
Shara Marche : Sur le moment, ça fait bizarre de ne plus aller s’entraîner. Je viens d’ailleurs tout juste d’aller rouler alors que je ne l’avais pas fait depuis un mois. Je me suis aussi essayée au ski pour la première fois de ma vie, ça change du surf (rire). Ce n’était pas forcément prévu mais c'est sympa. Je n’ai pas pu me rendre en Australie ces derniers mois. C’est la première fois, depuis que je me suis installée en Europe en 2009, que je ne retourne pas auprès de ma famille à l’intersaison. Mais avec la Covid et les restrictions très strictes là-bas, c’est malheureusement trop compliqué.
En octobre dernier, tu nous disais vouloir mêler tes deux passions : la cuisine et le sport. C’est chose faite puisque tu deviens officiellement nutritionniste dans la formation SD Worx !
Oui, c’est super. J’ai toujours été attirée par le monde de la gastronomie en effet. Chez les pros, j’étais toujours curieuse de faire au mieux au niveau de ce que j’avais dans l’assiette. J’aime tout simplement savoir ce que je mange, en connaître les éventuels bienfaits. En arrêtant ma carrière, je n’avais pas forcément en tête de spécifiquement me reconvertir de la sorte, puis je me suis décidée. J’ai donc contacté quelques équipes, d’abord masculines. Puis après en avoir parlé avec Anna Van der Breggen, j’ai réalisé que ça pourrait être cool de faire ça dans une équipe féminine car on est très en retard dans ce domaine, en comparaison avec le cyclisme masculin. Danny Stam, le manager de l’équipe SD Worx, qui a souvent été en avance sur son temps quant aux problématiques du cyclisme féminin, a trouvé que c’était une bonne idée et m’a dit oui.
Tu vas donc continuer d’arpenter les routes toute la saison, comme lorsque tu étais compétitrice…
J’ai signé un contrat d’un an et je serai notamment présente sur la plupart des grosses courses par étapes du calendrier. C’est la première fois, selon moi, qu’une équipe féminine va bénéficier d’une nutritionniste de cette façon-là.
« QUAND C’EST VRAIMENT STRICT, TU FINIS PAR PÉTER UN PLOMB »
Quel va être ton rôle précis ?
Sur les courses où je serai présente, je vais tout simplement cuisiner pour les filles, suivant leurs envies et mes idées (rire). Le reste du temps, il y aura un suivi mais ça reste à la carte.
Tu vas donc conseiller les filles avec un programme alimentaire à suivre toute l’année ?
Non, ça n’ira pas jusque-là. Le but n’est pas de suivre un régime précis au millimètre toute l’année. C’est plus une question de confort : manger propre et équilibré, toute l’année, suivant les besoins de l’athlète, en course ou en dehors. Mais elles n’auront pas un programme à suivre à la maison. Personnellement, je n’ai jamais aimé compter les moindres calories. C’est trop difficile, trop contraignant. Quand c’est vraiment strict, tu finis par péter un plomb. Ce n’est pas bon et pas tenable sur la durée. Chaque fille est différente et se connaît. Tu ne peux pas dire la même chose à Anna Van der Breggen ou à une petite jeune de 18 ans. Il faudra s’adapter et leur donner des idées en fonction de leurs besoins respectifs.
Pourquoi faut-il attendre 2021 pour voir une nutritionniste dans l’une des meilleures formations du Monde ?
C’est avant tout une question de professionnalisation mais surtout d’argent ! Financièrement, c’est compliqué. Les budgets des équipes féminines restent beaucoup moins élevés que ceux des hommes. Il nous arrive quand même de bénéficier d’un nutritionniste ou de repas spécifiques, de qualité, évidemment, mais ça dépend toujours du lieu, de la qualité de l’hôtel, etc. J’ai déjà vu pas mal de fois des filles arriver sur une course avec leur propre tupperware pour être sûres d’avoir ce dont elles ont besoin. J’en rigole aujourd’hui mais quand on y pense, ce n’est pas l’idéal. Là, je pourrai cuisiner spécifiquement pour les filles lors des courses, en m’adaptant à celles qui sont vegan, végétariennes ou intolérantes au gluten. C’est toute une organisation ! Mais c’est important pour les fameux gains marginaux. J’y ai toujours accordé une grande importance et maintenant, je vais pouvoir totalement me spécialiser dans le domaine, qui est surtout ma deuxième passion.