Thomas Voeckler : « Je ne suis pas abattu »
Si la sélection de la course en ligne masculine pour les Jeux Olympiques de Tokyo n’est pas encore connue, Thomas Voeckler, sélectionneur national, est revenu sur la construction de celle-ci. Et notamment les récents forfaits de trois hommes forts de l’équipe de France : Julian Alaphilippe, Thibaut Pinot et Romain Bardet. L’ancien maillot jaune du Tour de France détaille auprès de DirectVelo les coulisses de ses choix.
DirectVelo : Où en es-tu de ta sélection ?
Thomas Voeckler : C’était ma volonté d’attendre le plus possible pour la dévoiler (elle sera donnée le 2 juillet, NDLR). Différents coureurs sur lesquels je comptais ne seront pas présents. Julian (Alaphilippe) était notre meilleure carte. Depuis plusieurs mois j’échangeais avec lui, je n’ai pas été pris au dépourvu, je respecte et je comprends sa décision (lire ici). Elle a le mérite d’être honnête, c’est tout à son honneur.
C’est un coup dur pour l’équipe de France…
Lorsque j’ai pris en main l’équipe en 2019, j’ai tout de suite pensé à ces Jeux. J’avais la volonté d’avoir un top coureur, capable de performer sur ce parcours. Un coureur pas fatigué par le Tour, capable de s’adapter au climat, au décalage horaire… J’avais les options Bardet et Pinot. Ils ne peuvent pas être là pour des raisons différentes. Donc le point noir, c’est que je n’aurai pas cet élément auquel je tenais. Mais depuis plus d’un an et demi on doit s’adapter, je continue de le faire, en regardant toujours de l’avant. On ne peut pas dire qu’on ira sans ambitions, c’est mal connaitre l’état d’esprit qui m’anime et les coureurs qui composeront l’équipe.
« UN BARDET À 80%, JE N’EN VOULAIS PAS »
On peut imaginer que Thibaut Pinot n’a pas la forme nécessaire…
Je ne vais pas parler à sa place, mais le principal pour lui, c’est de retrouver la santé avant la performance. Sa présence dans la liste élargie, c’est qu’il est administrativement sélectionnable. Mais ce n’est qu’administratif, il n’y a aucune chance qu’il soit présent à Tokyo, malheureusement.
Quelles sont les raisons de l’absence de Romain Bardet ?
On était en contact depuis le début de l’année. À l’issue du Giro j’avais envie qu’il soit du voyage et lui aussi. Il y a eu un état d’esprit collectif irréprochable. Le fait que Julian ne soit pas là permettait à d’autres d’avoir des ambitions. Quand on roule pour un leader comme Julian c’est gratifiant, mais quand on peut jouer sa propre carte, ça donne des ambitions. J’ai discuté avec son équipe au Dauphiné, je respecte sa position même si je suis déçu. Son équipe tient à ce qu’il soit à 100% à partir de la deuxième semaine de la Vuelta, ce qui est incompatible avec un pic de forme à Tokyo. Un Bardet à 80% à Tokyo, je n’en voulais pas. Je respecte, j’aurais peut-être fait pareil à leur place, ce sont les employeurs qui décident. J’avais espoir, je savais sa volonté de venir. Mais j’ai compris la position ferme de son équipe. Pendant deux-trois heures ça m’a fait un peu chier. Maintenant c’est réglé, on passe à autre chose.
« J’AI ENCORE UNE INCERTITUDE »
Quel est ton état d’esprit et celui de l’équipe ?
Je ne suis pas abattu. Et loin de l’être. Je n’ai pas de punch en parlant mais j’en ai énormément à l’intérieur. Les coureurs se sentent très concernés et ne considèrent pas ces Jeux Olympiques comme au rabais. Le seul petit truc, c’est que c’est cinq jours après le Tour, avec un long voyage... La différence importante, c’est que pour un Français, le Tour a une importance énorme. Là où d’autres nations feront l’impasse sur le Tour. C’est difficilement imaginable en France, et je le comprends. Je communique avec les gars sur qui je pense compter, ils ont les dents qui rayent le parquet. Chaque coureur a conscience que les JO, sur un parcours comme ça, il n’y a peut-être pas deux occasions dans une carrière.
Comment vas-tu choisir tes coureurs ?
J’ai dit que Julian aurait été objectivement notre meilleure carte, ce qui ne veut pas dire qu’on aurait tout fait pour lui. On l’a bâtie avec du travail en amont avec les managers, puis après le feu vert on a fait de l’approche avec les coureurs. En essayant d’imaginer des schémas de course sur l’opposition. Dans ma tête, j’ai encore une incertitude, ce qui explique de prendre le temps pour annoncer l’équipe. J’essaye d’anticiper. On peut se retrouver avec un bilan au-dessus ou en-dessous, heureusement qu’il y a ces incertitudes. On se laisse le temps pour faire les bons choix.