Fin avril, Reuben Thompson vivait un premier rêve éveillé au moment du Tour des Alpes (2.Pro). Le Néo-Zélandais roulait alors pour la première fois au milieu d’un peloton composé de plusieurs formations du WorldTour, et expérimentait une semaine au sein de la Groupama-FDJ, lui l’habituel sociétaire de la réserve. Le tout au côté, entre autres, du leader de l’équipe : Thibaut Pinot. “Le niveau est vraiment fou (...) C’est normal que les mecs soient bons, je m’attendais à ça mais là, c’est vraiment devenu concret”, résumait-il alors. L’athlète de 20 ans avait beaucoup apprécié le fait de pouvoir rouler avec Thibaut Pinot. Bien que ce dernier traversait pour sa part des moments difficiles - il était sur le point de renoncer à participer au Tour d'Italie -, il parlait alors du Franc-comtois comme d’une “source d’inspiration” (lire ici). 

Comme le leader de sa structure, Reuben Thompson a vécu des moments pénibles cette année. Notamment lorsqu’il est retourné une première fois de l’autre côté des Alpes, pour le Tour d’Italie Espoirs. “C’était un grand objectif et j’en ai été très déçu. J’avais perdu du temps dès la deuxième étape, j’ai souffert de la chaleur… Puis je suis tombé deux fois. Ce n’était pas une belle semaine”, se remémore-t-il après coup. Mais Reuben Thompson s’est vite ressaisi et depuis, il s’est mis en tête de briller sur le Tour du Val d’Aoste (2.2). En Italie, encore. Comme Thibaut Pinot, lauréat de l’épreuve révélatrice de talents en 2009. D’ailleurs, pour mettre toutes les chances de son côté, le jeune espoir a eu l’opportunité de s’offrir un stage en montagne, en solo, du côté de Tignes, puisque ce même Thibaut Pinot lui a prêté son appartement savoyard durant un mois. “C’était une chance incroyable et je le remercie encore, ça m’a beaucoup aidé”. 

UN SOLIDE QUINTETTE POUR DÉFENDRE LE MAILLOT JAUNE

Restait encore à accomplir le plus dur : remporter ce Tour du Val d’Aoste, comme l’homme de Mélisey douze ans plus tôt. Et Reuben Thompson l’a fait ! En trois temps et trois étapes, puisque cette édition 2021 a été réduite à un triptyque. “C’est irréel et complètement fou de gagner ici. Franchement, ça roulait super vite dès le premier jour, puis même chose le lendemain… C’était une élimination par l’arrière, le peloton se réduisait à chaque ascension un peu plus encore... C’était de la survie”, raconte-t-il pour DirectVelo. Sur la première étape, le grimpeur n’a été devancé que par l’Italien Alessandro Verre, avant de lui prendre le maillot jaune le lendemain grâce à une nouvelle place d’honneur (voir classements). Mais encore fallait-il défendre cette tunique de leader le dernier jour. “Je n’ai certainement pas envie de dire que c’était facile de garder le maillot mais avec l’équipe que j’avais, c’était royal. Les mecs ont été formidables, ils ont fait un super boulot, je les remercie énormément. C’était un sentiment dingue d’avoir le maillot et d’être protégé de la sorte”. 

La tâche n’était pourtant pas simple, sur le papier, pour les hommes de la Conti Groupama-FDJ puisque seuls cinq coureurs par équipe étaient conviés à l’événement. Autour du « Kiwi », on retrouvait ainsi Alexandre Balmer, Lorenzo Germani, Enzo Paleni et Lewis Askey. Mais avant cette dernière journée de course, ce dimanche, tous étaient prêts à se dévouer pour le maillot jaune. “Quand tu n’as que cinq coureurs dans une équipe, c’est vite compliqué si tu veux jouer plusieurs cartes ou si chacun a des ambitions personnelles. Mais là, le briefing avait été clair : c’était tout pour la défense du maillot. Et les mecs ont assuré !”. 

APRÈS LE VAL D’AOSTE, DIRECTION UNE AUTRE TERRE CONQUISE PAR THIBAUT PINOT

Reuben Thompson redoutait malgré tout d’être harcelé et attaqué dans tous les sens sur cette ultime étape, mais il n’en a rien été. “Je ne pensais pas pouvoir tenir. Dans ma tête, au départ, ça allait être quasi impossible de garder le maillot. Je n’aurais jamais pu y arriver sans les gars… Mais ils ont été tellement impressionnants qu’ils ont découragé tout le monde, je crois, rigole le vainqueur. Il y a eu quelques attaques dans l’avant-dernier col puis presque plus aucune dans le dernier… C’était parfait pour nous”.

Tard, dans la nuit de dimanche à lundi, le vainqueur avait encore du mal à réaliser qu’il venait de remporter le Tour du Val d’Aoste. “Quand je vois la liste des mecs qui ont gagné ici, je me sens comme un imposteur… J’ai du mal à me dire que je fais partie de cette liste. Thibaut Pinot a gagné cette course… C’est dur de comparer”, lâche-t-il modestement. Mais il a tout de même conscience que ce succès pourrait changer bien des choses pour les semaines et les mois à venir. “Je sais que ça va me donner beaucoup de confiance et que ça pourrait m’ouvrir d’autres perspectives”. Cela tombe bien : il va très vite enchaîner avec le Tour Alsace (2.2), une épreuve où il devra notamment monter la Planche des Belles Filles. Là encore, le lien avec Thibaut Pinot est déjà tout trouvé. “C’est une montée où tout le monde rêve de faire un résultat, et où je sais que le nom de Thibaut est écrit un peu partout…”. Comme au Val d’Aoste, Thibaut Pinot a inscrit son nom au palmarès du Tour Alsace, c’était en 2011. “Je vais essayer de garder ça en mémoire”, sourit Reuben Thompson.