Hervé Dagorne : « Adapter ses méthodes de travail à la culture »

Crédit photo DirectVelo

Crédit photo DirectVelo

Hervé Dagorne est heureux de retrouver le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, de regoûter à la vie en France, mais aujourd'hui "quand je dis que je rentre à la maison, je parle de Hong-Kong". En disponibilité du Ministère des sports depuis 2014, l'ancien entraîneur de l'équipe de France d'endurance a traversé le globe d'abord par le Kazakhstan puis encore plus vers l'est, à Hong-Kong où il est entraîneur depuis quatre ans. À 55 ans, il veut continuer à apporter son expérience, tout en s'adaptant aux cultures qu'il rencontre, comme il l'explique à DirectVelo. Et depuis 2020, il doit faire avec un nouveau paramètre, le Covid, qui a tout chamboulé en Asie.

DirectVelo : Quel a été ton parcours depuis ton départ de France ?
Hervé Dagorne : J'ai passé quatre ans au Comité olympique du Kazakhstan pour m'occuper de l'endurance, de la route et de développement. Depuis 2018, je travaille à Hong-Kong à l'Institut des sports qui chapeaute le sport et qui fournit moyens humains et financiers aux fédérations, un peu comme l'INSEP. Pour les disciplines occidentales, ils ont des entraîneurs occidentaux comme moi. J'aimerais avoir des techniciens locaux de l'île de Hong-Kong, mais ils viennent surtout de la Chine continentale. J'ai un collègue chinois comme Jin Long qui a été pro chez Skil-Shimano qui a aussi une vision du cyclisme occidental.

Est-ce que c'est facile de s'adapter ?
Les entraîneurs étrangers sont nombreux en Chine et à Hong-Kong mais ils ne restent pas longtemps. Je réalise le record de longévité au bout de 5 ans. La difficulté est de s'intégrer, d'adapter ses méthodes de travail à la culture, à la demande, supporter de rester dans un camp d'entraînement pendant des semaines en Chine à cause du covid... Ma vie est là-bas maintenant. Mais je n'y resterai pas, c'est la ville la plus chère au monde. Ma dispo du Ministère s'arrête en 2024, je devrai choisir si je veux réintégrer le professorat de sport. Les années passent, je ne me vois pas rester entraîneur au-delà de 2-3 ans, mais j'aimerais me servir de mes expériences à l'étranger dans le développement, la détection.

« LE CALENDRIER ASIATIQUE S'EST EFFONDRÉ »

Comment le coronavirus a-t-il changé le sport à Hong-Kong ?
Avec le covid, on a des activités essentiellement en Chine, mais il y a une quarantaine de trois semaines, le calendrier asiatique s'est effondré. Le Tour de Taiwan (2.1), il y a quelques jours, était ma première course par étapes depuis le Tour de Langkawi 2020. Sur piste, on n'est plus sorti depuis la Coupe des Nations de Cali.


Y a-t-il un gros réservoir de cyclistes à Hong-Kong ?
Il y a 7 millions d'habitants sur un confetti. Ils ont la culture sport, mais pas d'appétit pour la compétition car il y en a peu et il faut se déplacer en Chine. Il y a un vivier car ils ont obtenu cinq médailles aux JO de Tokyo pour dix fois moins d'habitants que le France et dans des disciplines occidentales comme l'escrime et la natation.

« C'EST L'ATHLÈTE ROI »

Comment se passe la détection ?
Le fonctionnement est différent. Pour accéder au haut niveau, il faut faire partie de l'Institut des sports où ils rentrent très jeunes. Si je détecte un très bon Junior qui n'est pas dans cette filière, je ne peux pas le prendre au Championnat du Monde. Ils veulent catégoriser dès le plus jeune âge. C'est un facteur limitant que j'essaie de faire évoluer. À l'Institut, les athlètes sont payés, logés, nourris, les études sont payées, ça leur apporte une sérénité.

Quelles sont les relations avec les coureurs ?
Avec l'héritage de l'époque britannique, c'est "l'athlète roi". Parfois, on peut avoir les parents qui se plaignent parce que l'athlète a fini trop tard l'entraînement. On se retrouve avec des athlètes qui n'ont pas le niveau mais qui sont rentrés dans le cursus. En revanche, en Chine, seuls les meilleurs sont gardés. À moi d'essayer de faire basculer le balancier du côté de la haute performance tout en gardant les protections pour les athlètes.

LE PUBLIC VIENT POUR LEE WAI SZE

Comment est utilisé le vélodrome de Hong-Kong ?
C'est un peu le fonctionnement de Saint-Quentin. Il y a le badminton au centre mais il est arrêté depuis le covid. Le vélodrome a été construit pour le cyclisme, il appartient à l'État et on a la mainmise pour l'équipe nationale. Il y a aussi des créneaux de découvertes, des baptêmes, ils prêtent des vélos. C'est un beau vélodrome qui a organisé des Coupe du Monde, le Championnat du Monde et j'espère de nouveau une Coupe des Nations en 2024.

Quelle est la popularité de la piste ?
La célébrité de Sarah Lee Wai-sze, médaillée de bronze à Londres et à Tokyo, double Championne du monde en 2019, c'est de l'ordre de celle des footballeurs ici, elle fait des publicités pour les banques. Le public vient pour elle lors des Coupe du Monde. Elle est absente du Championnat du Monde car il y a la concurrence des Championnats de Chine, c'est un choix stratégique. Ces Championnats sont un peu leurs Jeux Olympiques.

Mots-clés

En savoir plus