Pierre-Yves Chatelon : « Il ne faudrait pas qu’un seul système »
Il ne faudra pas chercher l’équipe de France Espoirs au départ de la Classic Loire-Atlantique, de Cholet-Pays de Loire ou du Tour de la Mirabelle. Pour des raisons budgétaires, les Espoirs français ne participeront cette saison à aucune épreuve en dehors de la Coupe des Nations et des Championnats internationaux. Le sélectionneur Pierre-Yves Chatelon fait le point sur la situation avec DirectVelo alors que les coureurs franchissent le Rubicon de plus en plus tôt.
DirectVelo : L’équipe de France Espoirs subit une forte baisse budgétaire. Pour quelle raison ?
Pierre-Yves Chatelon : Tout le monde a constaté que les coureurs passaient chez les professionnels de plus en plus tôt. En 2023, il y a treize Espoirs français dans une équipe du WorldTour. Notre hiérarchie a pensé qu’on devait moins s’occuper des Espoirs. On va donc consacrer moins de moyens pour les Espoirs en équipe de France. Le budget est en baisse de 40%.
UN PROGRAMME RÉDUIT
Concrètement, qu’est-ce que ça va changer ?
Le programme de déplacement va se réduire. Nous serons présents sur les Championnats du Monde et d’Europe, ainsi que sur les quatre manches de la Coupe des Nations, mais on n'ira sur aucune épreuve en Classe 1 et en Classe 2. Il y aura également un stage en moins. À l’inverse de l’an passé, il n’y aura pas de rassemblement en février.
Certains coureurs ne semblent plus donner d’importance à l’équipe de France Espoirs…
C’est un signe des temps. Les WorldTeams ont toujours plus fait rêver que l’équipe de France. Avant, la sélection nationale était un passage obligé. Maintenant, avec les équipes Juniors ou les structures de développement, ce n’est plus vraiment le cas dans l’esprit des jeunes. C’est normal qu’une équipe WorldTour fasse rêver un gamin qui veut faire carrière au plus haut niveau. De notre côté, on a toujours essayé d’apporter une plus-value. Avant, on essayait d’aller sur les Classe 1 car les coureurs ne pouvaient pas les faire. Aujourd’hui, ceux qui sont dans les équipes pro y ont accès. Mais j’ose espérer que le programme de l’équipe de France est encore alléchant. Quand on discute avec les gars, on voit que la course incontournable est le Tour de l’Avenir. Comme ils disent, ça reste la plus belle épreuve Espoirs du monde. Il faudra s'inquiéter si un jour l’organisation du Tour de l’Avenir décide de ne plus être en Coupe des Nations et choisit d'accueillir les équipes de développement. Ça serait alors la mort des équipes nationales.
« POUR CERTAINS, C’EST SÛR QUE ÇA VA TROP VITE »
Verra-t-on des coureurs d’une WorldTeam en équipe de France en 2023 ?
Leur emploi du temps respectif et le chemin que leur font prendre leur structure font que ces coureurs ne sont quasi plus intéressés par la Coupe des Nations. Il y a peu de chances de les voir à l’exception du Championnat du Monde Espoirs. L’an dernier, en Australie, j’avais choisi de prendre des garçons qui avaient fait des sélections dans la saison avec l’équipe de France. Il n’y avait donc pas de coureurs du WorldTour ou de ProTeam à l'exception de Paul Penhoët (Groupama-FDJ). Cette année, le Mondial est plus tôt dans la saison (il aura lieu début août à Glasgow, NDLR). Je vais peut-être à nouveau me tourner vers des coureurs du WorldTour. Nous sommes dans une année exceptionnelle avec 13 coureurs en WorldTour. Si je n’en prends aucun, on se prive potentiellement des treize meilleurs Espoirs français. Il y en aura donc certainement au Mondial. En revanche, pour le Championnat d’Europe, je devrais plutôt donner la chance à des membres de Conti ou de N1 qui auront fait une belle saison.
Est-ce frustrant de ne pas pouvoir profiter davantage de certains coureurs ?
Ce n’est pas l’équipe de France qui doit être frustrée. Place aux autres mais peut-être qu’il manquera quelque chose dans les bagages de certains coureurs. Je pense à un garçon comme Hugo Toumire. Il a fait un bon Tour de l’Avenir en 2021 tout en étant malade (il termine 5e du général, NDLR). Il aurait pu repartir sur un projet Tour de l’Avenir en 2022 mais il ne l’a pas souhaité. Et finalement, il a eu du mal à s’exprimer avec son équipe WorldTour. Participer au Tour de l’Avenir lui aurait permis de refaire des bases, de ressortir la tête de l’eau… L’équipe de France peut être là pour aider des gamins pour qui c'est allé trop vite. Pogacar et Evenepoel ont franchi les marches avec une grande facilité mais pour certains, c’est sûr que ça va trop vite. Si on laisse le système de formation aux seules mains du monde pro, on aura beaucoup de casse. Il ne faudrait pas qu’un seul système…