La « bonne solution » de la neutralisation
Valentin Ferron se souviendra de cette deuxième étape de l'Etoile de Bessèges. Alors que le deuxième peloton chasse derrière le premier, dans les 25 derniers kilomètres d'une étape encore nerveuse à cause du vent, une chute collective couche une grande partie du peloton au moment où il traverse un pont. Le coureur de TotalEnergies bascule par-dessus le parapet mais arrive à se retenir avec les bras. Heureusement, le pont enjambe un fossé, plus qu'une rivière (un coureur de Nice Métropole Côte d'Azur l'a traversé à pied). Mais Valentin Ferron demande de l'aide jusqu'à ce qu'un coureur d'Alpecin-Fenix, qui n'est autre qu'Axel Laurance, ne lui tende la main pour qu'il puisse glisser jusqu'à avoir pied. "Je t'ai vu accroché... La vache ! Tout le monde parle de toi", rigole Rony Martias, son assistant.
Plus de peur que de mal pour Valentin Ferron. "J'ai quelques égratinures mais heureusement, ça se termine bien pour moi". Mais d'autres coureurs restent sur le bitume, blessés, alors qu'une première chute est déjà survenue quelques kilomètres plus tôt. Les véhicules suiveurs sont bloqués par le bouchon provoqué par la chute. Et surtout, les véhicules de secours - l'Etoile de Bessèges dispose de deux ambulances et d'un véhicule des pompiers - sont tous occupés à évacuer les coureurs blessés (voir le bulletin médical). Le président du jury prend immédiatement la décision de neutraliser la course à 21 km de l'arrivée et donc, d'arrêter le groupe de tête composé de 18 coureurs dont les rescapés de l'échappée matinale mais aussi des cadors comme le maillot corail Arnaud De Lie, Mads Pedersen, Magnus Cort Nielsen ou encore Neilson Powless, le récent vainqueur du Grand Prix de Marseille-La Marseillaise.
« JE PENSE QU'IL Y A UN BON DIEU DU VÉLO »
L'attente se prolonge et les commissaires préfèrent neutraliser la fin de l'étape jusqu'à l'arrivée vu la température et l'attente nécessaire pour voir le retour des ambulances estimé à une demi-heure. Les coureurs repartent en cortège jusqu'à Aubais sans se disputer l'arrivée. "La meilleure décision a été prise. Ça aurait été compliqué de faire attendre les coureurs beaucoup plus longtemps", relate Sylvain Blanquefort, le directeur sportif de l'équipe Tudor, à DirectVelo. Le final était très technique, il aurait pu y avoir d'autres chutes. Il n'y a pas de débat", ajoute-t-il. "Je pense qu'il y a un bon Dieu du vélo car quand je vois le final, je me dis que s'il n'y avait pas eu la chute à ce moment-là, ça aurait pu être encore pire dans les kilomètres suivants. La traversée de Sommières, c'était chaud... À 7 km de l'arrivée, ça aurait été musclé", ajoute Stephan Gaudry dont l'équipe St-Michel-Mavic-Auber 93 n'a pas été épargnée par ces chutes avec Romain Cardis, Morné Van Niekerk et Rudy Barbier. En revanche, du côté des bus de Trek-Segafredo et d'EF Education-EasyPost, la tension est palpable après l'arrivée. Tejay van Garderen, le directeur sportif de Neilson Powless, préfère ainsi ne pas répondre aux questions.
Une course annulée par l'absence de moyens de secours n'est pas une première. En 2016, la 3e étape de la Flèche du Sud (2.2) avait été annulée après une chute massive dès le 10e kilomètre (lire ici). Dans les courses Amateurs également, la situation s'est déjà trouvée comme pour Arguenon-Vallée Verte au printemps dernier chez les Juniors (lire ici).
« IL FAUT AUSSI PENSER AUX AUTRES »
Avec la neutralisation, le maillot corail reste sur les larges épaules d'Arnaud De Lie. Le coureur de Lotto-Dstny aurait pu signer le doublé, "c’est sûr que j’avais une opportunité de gagner ici". Mais pour lui l'essentiel est ailleurs. "Parfois, il ne faut pas que penser à soi, il faut aussi penser aux autres. Il y a eu des dégâts avec un de mes équipiers Sébastien Grignard qui est à l’hôpital. C’était la bonne solution".
Même si elle est comprise par tous, cette situation laisse des frustrations en suspens chez les hommes du groupe de tête. Ainsi chez Nice Métropole Côte d'Azur qui avait placé Andrea Mifsud dans l'échappée matinale, "on est impacté car on avait un coureur devant. On aurait peut-être pu scorer aujourd’hui, on ne le saura pas", regrette Frédéric Doutre, le directeur sportif de la Conti azuréenne. Mais comme le premier jour, la course avait encore le temps de changer de visage dans les derniers kilomètres. "Peut-être qu’il y aurait eu un regroupement avec 60 mecs devant", avance Arnaud De Lie. "On repartira demain (vendredi) à la bagarre pour essayer de chopper un maillot ou l’échappée", rebondit Frédéric Doutre.
Vendredi, la course devrait reprendre ses droits pour le traditionnel Grand Prix de Bessèges avec son pont sur la Cèze. Ceux qui seront sur la ligne de départ s'estiment presque chanceux. "Je souhaite un bon rétablissement à tous ceux qui ont été plus durement touchés que moi dans cette chute", conclut Valentin Ferron.