François Trarieux : « Créer une relation de confiance »
Pontchâteau et le mythique circuit du Coët-Roz accueillent ce week-end pour la troisième fois le Championnat d’Europe de cyclo-cross. Une belle occasion pour les Français d’évoluer devant leur public sur un évènement majeur à quinze mois du Championnat du Monde de Liévin. Pour DirectVelo, le sélectionneur national François Trarieux fait le point et explique notamment comment il a préparé ce rendez-vous avec les athlètes et leur entourage.
DirectVelo : À quinze mois du Mondial de Liévin, ce Championnat d’Europe à Pontchâteau est-il encore plus particulier pour l’équipe de France ?
François Trarieux : Nous sommes sur une préparation un petit peu atypique, avec aucune manche de la Coupe du Monde pour les jeunes catégories avant le Championnat d’Europe. Les Élites ont eux une seule manche en Europe (à Maasmechelen, NDLR). On arrive donc sur un Championnat d’Europe à domicile avec peu de repères par rapport aux adversaires. Ça sera totalement différent au Mondial de Liévin où on sera sur une fin de saison. Je ne pense pas qu’on puisse comparer les deux évènements. Mais c’est une répétition dans le sens où les jeunes vont disputer une compétition avec un environnement favorable pour eux. Les supporters seront acquis à leur cause. Certains ont connu ça en janvier dernier lors de la manche de Coupe du Monde de Besançon. Là, nous avons Pontchâteau puis la manche de Coupe du Monde de Troyes dans deux semaines. C’est important de répondre aux attentes du public même s’il faut se détacher de tout ça… Que ce soit en France ou à l’étranger, il faut répondre présent sur un Championnat.
Quelle importance donnes-tu à ce Championnat d’Europe ?
Dans la culture de l’équipe de France, c’est toujours un Championnat où l'on a des objectifs. Beaucoup de coureurs ont orienté leur préparation en vue de ce Championnat d’Europe. Chez les jeunes, Célia (Gery) et Amandine (Muller) ont couru jusqu’au Mondial de Glasgow, la route pour l’une, le VTT pour l’autre, avant de couper dans la foulée pour être en forme à Pontchâteau. Paul Seixas et Aubin Sparfel ont eux fait l'impasse sur le Championnat d’Europe sur route, fin septembre, alors qu’il aurait pu correspondre à leurs qualités.
« AMENER UN PETIT PLUS »
D’autres ont totalement changé leur préparation…
On a évoqué avec certaines structures, comme l'AS Bike Racing, la possibilité de faire un stage en altitude pour modifier la préparation des coureurs et pouvoir encaisser plus de volume. Hélène (Clauzel) et David (Menut) ne sont pas allés aux États-Unis cette année. Idem pour Rémi (Lelandais), qui avait très bien commencé l’an passé avant de voir son niveau de forme baisser en novembre. Il a fait une belle coupure après le Tour de l’Avenir. Il est parti seul à Tignes pendant trois semaines. Ce sont des nouveautés qu’on a essayé de mettre en place cette année. On arrive à un moment où les coureurs ont besoin d’aller encore plus loin dans leur préparation pour rivaliser avec les meilleurs spécialistes. On doit trouver des clés. Chez les Juniors, garçons et filles, les coureurs ont eu un très beau calendrier estival avec l’équipe de France ou leurs différentes équipes. Célia (Gery) a fait plusieurs manches de la Coupe des Nations avec le comité Auvergne-Rhône-Alpes. Rémi (Lelandais) a passé un cap sur la route grâce à un beau calendrier. On a essayé de mettre des choses en place, on verra si ça paie…
Pour les jeunes catégories, le calendrier est très différent de l’an passé…
L’année dernière, on avait deux blocs clairement identifiés avec pour commencer deux manches de la Coupe du Monde et le Championnat d’Europe dans la foulée, et en janvier on avait toutes les manches de Coupe du Monde, le Championnat de France et le Mondial. Cet hiver, il faut être capable de bien encaisser les différents blocs. Il y a un gros mois de novembre pour les Français, avec le Championnat d’Europe, le week-end de Coupe de France à Albi puis la manche de Coupe du Monde à Troyes… J’ai beaucoup échangé avec les coureurs et les équipes pour faire des impasses. Certains Juniors n’ont pas couru le week-end passé pour garder de la fraîcheur. Beaucoup d'Élites n’iront pas à Dublin ni à Val di Sole. Le calendrier est tellement pléthorique qu’on est obligé de faire des choix stratégiques, en fonction de la fatigue et des coûts de déplacement. Avec certains coureurs, on essaie de mettre en place un plan de saison depuis l’été et on programme les blocs de repos, de préparation et d’objectifs.
Tu as aussi passé beaucoup de temps auprès des athlètes...
L’idée est de comprendre leur fonctionnement. Je me rends sur des épreuves de VTT ou route pour les voir sous un autre angle, créer une relation de confiance. Je me déplace aussi sur leur site d’entraînement pour faire une ou deux séances pour expliquer des exercices. En cyclo-cross, on n'a pas les Pôles comme c’est le cas d’autres disciplines. On a les coureurs que sur des périodes très réduites de stage. En juin, j’ai fait une réunion pour évoquer la stratégie de préparation avec les entraîneurs. J’ai maintenant du recul sur pas mal d’éléments. Mon rôle, c’est aussi d’accompagner les entraîneurs car ils ont souvent une formation orientée sur la route ou le VTT. De son côté, Maryline (Salvetat, docteur de l'équipe de France, NDLR) suit les athlètes à distance pour éviter les carences en pleine saison. Il ne faut pas oublier qu’on est sur une discipline très exigeante en raison des conditions météo. C’est hyper enrichissant, ça demande d’échanger très régulièrement entre tous les acteurs pour que les coureurs soient dans les meilleures conditions en arrivant en équipe de France. Avec l'idée d'amener un petit plus pour être performant le Jour-J.
« LE CYCLO-CROSS FRANÇAIS NE S'ARRÊTERA PAS À LIÉVIN »
Tu avais établi une grande partie de ta sélection pour Pontchâteau avant même que la saison ne commence…
Je prépare Pontchâteau depuis janvier dernier. On savait qu’on n’allait pas avoir de manches de Coupe du Monde avant. On a demandé à la Fédération de placer Quelneuc deux semaines avant le Championnat d’Europe, et avoir là-bas un parcours très physique. La sélection était verrouillée à 80% avant Quelneuc. L’idée, c’était que les coureurs aient le temps de bien préparer Pontchâteau. C’est peut-être aussi pour ça que certains coureurs comme Léo Bisiaux ou Rémi Lelandais étaient un peu en retrait. On espère qu’ils seront au top ce week-end pour avoir de beaux résultats.
Chez les Élites, tu as choisi de sélectionner Evita Muzic, qui fait son grand retour sur un Championnat…
Je veux fonctionner avec les coureurs sur des projets. Evita vient là avec une préparation, elle n’est pas sélectionnée pour faire le nombre. Elle souhaitait avoir un bloc cyclo-cross avant Pontchâteau, un circuit qu’elle affectionne particulièrement. Elle veut aussi bosser ses qualités de punch qu’elle avait un peu perdues. Il faudra en discuter avec son équipe mais pourquoi pas disputer le Mondial 2025. Personne n’est abonné à l’équipe de France. Il n’y a pas de clientélisme. Il y a des athlètes de très haut niveau en France, on est une nation forte du cyclisme et du cyclo-cross. C’est bien pour les plus jeunes d’avoir des points de repère. Evita a été deux fois dans le Top 10 d’un Grand Tour. Le fait qu’elle soit là montre aux jeunes que c’est possible… Par ailleurs, j’avais un œil sur Amandine (Vidon). Elle a donné du fil à retordre à Amandine (Fouquenet) le dimanche à Quelneuc. L’idée est de lui mettre le pied à l’étrier et continuer à progresser. La sélection sera beaucoup plus stricte pour le Mondial mais je voulais quand même ouvrir la porte à des coureurs. C’est le cas chez les Élites Hommes avec la présence de Tony Périou et Mickaël Crispin.
Joshua Dubau débutera sa saison de cyclo-cross ce dimanche…
Il a fait une grosse saison de VTT et a intégré le Top 5 Mondial au niveau du ranking. On a eu une discussion par rapport à sa coupure. Il fait du VTT et du cyclo-cross depuis tout jeune, et il a toujours été présent dans les deux disciplines. C’est ce qui l’anime, il a besoin des deux. Joshua voulait être là à Pontchâteau. Il avait un bon niveau à la Coupe du Monde de Mont-Sainte-Anne il y a quatre semaines, avant de couper une dizaine de jours. Je n’ai pas de doute sur le fait que Joshua réponde présent ce dimanche. Il saura se nourrir de l’ambiance. Il espère être aux JO puis il y aura ce Mondial 2025 qui le motive.
Liévin est forcément dans un coin de ta tête…
J’y pense forcément depuis plusieurs années mais il ne faut pas parler que de ça… Le cyclo-cross français ne s’arrêtera pas à Liévin. Ce sera forcément un grand rendez-vous, avec de grosses attentes pour tous les coureurs qui disputeront leur premier Mondial dans leur pays. Dans mes sélections, j’essaie d’intégrer des J1. Ce week-end, Johan Blanc et Théophile Vassal vont vivre un Championnat à la maison et chez les Espoirs, les (Nathan) Bommenel, (Léo) Bisiaux ou (Corentin) Lequet seront encore en U23 l’an prochain. Il faut qu’ils prennent un maximum d’expérience en vue de Liévin.