Continentales, mode d'emploi

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

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La FFC a présenté le nouveau statut d’équipe Continentale Fédérale (lire ici) dans un contexte où les clubs de National veulent rester attractifs pour les meilleurs jeunes du peloton français. Jusqu’à présent, les Continentales en France sont des équipes professionnelles, sous l’égide de la Ligue Nationale de Cyclisme, avec des coureurs salariés. Mais quelles sont les exigences de l’UCI pour ces équipes de troisième division que chaque pays peut mettre à sa sauce ?

QU'EST-CE QU'UNE ÉQUIPE CONTINENTALE ?

C'est un groupe sportif de 3e division mondiale. Il y en a quinze maximum par fédération nationale. Leur première particularité par rapport aux équipes pros de première et deuxième division, c'est d'être enregistrées et certifiées sous la responsabilité de leur fédération nationale (celle du plus grand nombre de coureurs de l'équipe) et pas de l'UCI. C'est une équipe route d'au moins dix coureurs (16 maximum plus éventuellement quatre spécialistes de cyclo-cross, piste endurance ou VTT cross-country).

Ces coureurs sont liés par contrat avec cette équipe mais ce contrat ne prévoit pas obligatoirement une rémunération. Les coureurs sont PROFESSIONNELS OU PAS. En effet, la fédération nationale est libre d'imposer, ou non, un salaire d'un montant minimum qu'elle choisit. Si la fédération n'impose pas un salaire, le contrat doit prévoir des remboursements de frais de déplacement et autres frais.

La fédération a jusqu'au 30 septembre pour envoyer à l'UCI la liste des équipes Continentales qu'elle compte enregistrer pour l'année suivante. Une équipe Continentale doit verser une garantie bancaire à sa fédération nationale.

QUELLES COURSES PEUT DISPUTER UNE ÉQUIPE CONTINENTALE ?

Elle peut participer aux courses UCI de Classe 1 et 2. Elle peut participer aux courses ProSeries disputées dans son pays, sans limitation de nombre, si elle cotise au programme de lutte contre le dopage. Les Conti étrangères sont limitées à deux lors d'une course du calendrier ProSeries.

En dessous des Classe 2, les règles de participation dépendent aussi des fédérations. En France, les coureurs des Conti françaises peuvent participer aux Elite Nationale, d'un jour ou par étapes. Les Français des Conti étrangères ne peuvent participer qu'aux 1.12.1. Les coureurs de Continentales sont interdits de courses du calendrier régional. En théorie, car en pratique, des coureurs passent à travers les mailles du filet.

En Belgique, ils peuvent participer aux interclubs, l'équivalent des Elite Nationale, mais aussi aux courses régionales, pour les Elites sans contrat. En Italie, l'ouverture des courses régionales aux Conti italiennes en 2019 (pour les Espoirs 1 et 2), ainsi que le manque d’équipes pro italiennes pour garnir le plateau des Classe 1 transalpines, a provoqué la bascule des grandes équipes amateurs vers le statut Conti.

QUI CONTRÔLE LES CONTINENTALES EN FRANCE ?

Les Continentales françaises sont placées sous l’égide de la Ligue et doivent donc répondre aux règles des équipes professionnelles. C'était déjà le cas pour les GS 3 jusqu'en 2004 et des équipes promotionnelles en 1994.

En 2023, la Ligue a décidé de limiter à dix le nombre d'équipes pro (hors équipes réserve qui ne peuvent pas courir les mêmes épreuves que les équipes mères) pour garantir l'accès de toutes les équipes à toutes les courses françaises tout en les ouvrant au nombre minimum d'équipes étrangères.

La Ligue avait prévu de n'accepter de nouvelles équipes Continentales à partir de 2025 que si elles remplissaient trois conditions :

- Avoir disputé deux saisons consécutives et pleines en N1
- 40% de l'effectif devait être déjà présent dans l'équipe dans l'année N-1
- 40% de l'effectif doit être issu du secteur professionnel.

Mais du point de vue de la réglementation de l'UCI, ce sont les fédérations nationales qui sont responsables du choix de leur réglementation des Continentales et du contrôle de la conformité des dossiers. 

COMMENT ÇA SE PASSE À L'ÉTRANGER ?

Aux Pays-Bas, les coureurs doivent être titulaires d'une licence de Professionnel B. Cette licence existe depuis longtemps dans ce pays, notamment pour les pros individuels. Les coureurs des Conti néerlandaises doivent donc avoir un contrat au salaire minimum en vigueur aux Pays-Bas ou un contrat à temps partiel. La majorité des coureurs doit avoir moins de 28 ans.

Ils peuvent participer aux courses du calendrier national (catégorie 2 aux Pays-Bas) et aussi aux compétitions de clubs (catégorie 4).

En Italie, l’accès au niveau continental est conditionné aux performances des coureurs de l’effectif au classement national. Les 8 meilleurs coureurs de l'équipe doivent totaliser un minimum de 100 points lors des deux dernières saisons au classement national italien. Chaque coureur doit avoir marqué au moins 5 points lors d’une des trois dernières années (10 si le coureur arrive des rangs Juniors).

50% des coureurs doivent être Espoirs. Les Conti ont droit à 2 ex-pros maximum.
Une Continentale ne peut pas enrôler plus de quatre coureurs issus des meilleurs Juniors.

Les Continentales italiennes ont le statut d'association sportive et peuvent licencier des coureurs en dehors de l'effectif de la Conti. Ces coureurs forment alors une équipe réserve de la Conti mais ne peuvent pas s'aligner dans les mêmes compétitions.

Les 1.12 du calendrier national sont réservées aux Italiens de moins de 27 ans et aux étrangers de moins de 25 ans. Les Conti italiennes peuvent y participer mais avec un nombre limité de coureurs étrangers (un ou deux). 

Pour le calendrier régional, seuls les Espoirs 1 et 2 des Conti peuvent y participer.

En Belgique, il y a trois catégories de Conti :
- Les CP1 avec au moins six coureurs avec un contrat (donc payés). Mais, attention, pour les Espoirs et les coureurs étudiants de moins de 25 ans, le contrat peut être à mi-temps. Tarteletto-Isorex et Philippe Wagner-Bazin sont dans cette catégorie. 
- Les CP2 pour les équipes de spécialistes, du cyclo-cross ou de la piste.
- Les CP3, les équipes de formation, sans obligation d'avoir des coureurs avec contrat. En revanche, il faut au moins dix coureurs Espoirs.

La fédération belge plafonne les remboursements des frais réels à 250 euros par mois.

La fédération demande aussi un budget minimum, hors salaire, de 350 000 euros pour les CP1 et de 100 000 euros pour les CP3.

QUELLE EST L’ORIGINE DES CONTINENTALES ?

Les équipes Continentales ont pris la suite, en 2005 (à l'occasion de la réforme du ProTour), des GS III. Ces équipes de troisième division sont nées en 1999. Avant leur naissance, il existait des groupes sportifs de 1ère et 2e division et toutes les autres équipes (les clubs ou des groupes sportifs amateurs) étaient mises dans le même sac. La constitution d'une "troisième division professionnelle" a permis aux pays qui ne pouvaient pas répondre au cahier des charges des GSI et GS II (tous les coureurs payés) d'avoir des équipes reconnues par l'UCI. Mais dès le départ des GS III, les équipes ont seulement l'obligation de défrayer leurs coureurs liés par un contrat mais libre à elles de les salarier ou pas. Pour les organisateurs, c'est aussi une sécurité de connaître l'effectif constitué des équipes qu'ils invitent puisque les équipes déclarent les noms des coureurs liés par contrat à l'UCI. Les organisateurs n'ont plus d'excuse pour se dire déçus du niveau des formations qu'ils invitent, ce qui n'était pas toujours le cas quand ils invitaient des clubs étrangers.

Les GS III devaient être constitués d'au moins huit coureurs. L'UCI donnait un rôle de formation à cette troisième division et demandait que l'âge maximum de la majorité des coureurs soit de 27 ans. L'inscription du GS III se fait par l'intermédiaire de leur fédération nationale. Les GS III sont exclus des deux plus haut niveau des courses pro de l'époque, appelées alors Hors Classe et Classe 1 et qui correspondent aujourd'hui au WorldTour et aux ProSeries. L'UCI autorise les coureurs d'un GS III à participer aux épreuves de leur calendrier national mais laisse la possibilité à chaque fédération nationale de restreindre ces règles de participation. Ceci explique les disparités entre la France, la Belgique et l'Italie par exemple. Dès le début, les GS III ne sont pas sur le même plan que les équipes professionnelles, les GS I et GS II.

EST-CE QUE DES CLUBS ONT DÉJÀ EU DES ÉQUIPES PROS ?

En 1983, l'UC Pélussin, vainqueur de la Coupe de France Mavic, passe professionnel (lire ici). Mais l'expérience tourne court avant la fin de la première saison. Toutefois, l'initiative de Pélussin donne des idées à d'autres clubs amateurs de franchir le rubicon. C'est le cas du CC Wasquehal mais les projets ne voient pas le jour.

La création des DN en 1993 devait être accompagnée de la naissance des équipes promotionnelles, née d'un rapprochement entre la Ligue et la FFC. À cette époque, le cyclisme professionnel français est dans le creux de la vague. Il n'y a plus que quatre groupes sportifs en France. L'heure est à l'émigration vers les équipes étrangères. La Ligue veut réagir et une nouvelle catégorie d'équipe est créée avec ces équipes promotionnelles réservées aux clubs amateurs qui veulent monter d'une marche. 

Pour 1993, le VC Lyon-Vaulx-en-Velin et l'ASPTT Paris, clubs phares du cyclisme amateur à l'époque, sont candidats. Le club de Michel Gros renonce et le projet de la Poste capote à la veille de Noël 1992. Il faut attendre 1994 pour voir l'AS Corbeil Essonnes et le CM Aubervilliers franchir le pas. 30 ans après, Auber est toujours dans le peloton.

Et si on veut pinailler, à la fin des années 50, quand l'arrivée des marques extra-sportives (en dehors de l'industrie du cycle) étaient conditionnée à la constitution d'un groupe sportif avec, à la base, un club, alors plusieurs clubs avaient une section professionnelle comme l'ACBB, le VC XII, le CV XIX ou l'US Dunkerque. 

EST-CE QUE LES AMATEURS PEUVENT PARTICIPER À DES COURSES PROS ?

Entre 1996 et 1998, les courses pro à partir de la Classe 2 (il y en a 5 qui accordent des points UCI à l'époque) sont ouvertes aux équipes de 1ère et 2e division et "aux autres équipes", avec une place limitée. L'esprit de la réforme de la licence unique de 1996 abroge la différence entre pros et amateurs. Les meilleures DN1 participent à des courses de la Coupe de France et au Championnat de France pro, enfin Elite. En 1999, la création des GS III leur ferme la porte. La seule possibilité pour des Amateurs de participer à des courses pro est alors d'être sélectionnés en équipe de France. En effet, le règlement UCI permet la présence des équipes nationales dans toutes les courses. Mais depuis 2021, la Ligue est réticente à la présence d'une équipe de France sur des manches de Coupe de France.

Les équipes pros redoutent de se faire battre sur une journée par les amateurs et ça ne date pas d'aujourd'hui. Dominique Celle, vainqueur du Trophée des Grimpeurs Open en 1981, sous le maillot de l'équipe de France, le rappelait quarante ans plus tard. "J'aurais mieux fait de faire 2e" (lire ici). 

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