Avant le Finestre, le Tour de l'Avenir a déjà basculé dans la folie

Crédit photo Quentin Joly / Tour de l'Avenir

Crédit photo Quentin Joly / Tour de l'Avenir

Le Tour de l'Avenir a vécu un tournant. Et peut-être pas sur l'étape qui était la plus attendue. Au départ des Karellis, en direction de Condove, les coureurs avaient décidé de créer un beau chantier pour découdre le maillot jaune de Pablo Torres. À l'origine, l'équipe de France, qui n'a même pas attendu la première difficulté, la côte de Saint-André, pour envoyer ses premières cartouches. "On avait anticipé que ça allait être une course de mouvements parce que Pablo Torres n’avait plus que trois équipiers. On se doutait bien que toutes les équipes avaient pris un petit coup dans la montée d’hier. La meilleure façon de pouvoir faire plier Torres, c’était de l’attaquer de loin. On imaginait que le début de l’étape allait être intense", révèle au micro de DirectVelo François Trarieux, directeur sportif, qui a demandé à Léo Bisiaux en personne et à Brieuc Rolland de bouleverser la tranquillité du peloton.

Jarno Widar essaye lui aussi de suivre les coups. "Je m’attendais à ce type de scénario, c’est ce que j’avais dit aux gars", note Sven Vanthourenhout, le sélectionneur belge. La course se relance avant Aussois, où le peloton explose en trois morceaux. Le Danemark place son meilleur pion, à savoir Simon Dalby. "Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi fou. Je m’attendais à une échappée avec quelques gars bien placés au général mais à 3-4 minutes comme moi. Je n'imaginais pas qu’il y ait autant de gars dangereux au général si tôt après la première montée", concède-t-il. "Je ne m'attendais pas à un scénario aussi fou", approuve Anders Lund, son directeur sportif. Les Français sont encore dans le bon coup également. "Ça nous a vraiment souri avec Léo qui est sorti avec Pierre (Thierry). Pierre s’est mis à la planche et a fait un gros travail".

« LE PLAN ÉTAIT D'ATTENDRE LE SPRINT, J'AURAIS CONNU UNE JOURNEÉ PLUS TRANQUILLE »

Le coup de folie aurait pu s'arrêter là. Mais des nations comprennent qu'il y a un coup à faire ce vendredi. Les Pays-Bas suivent la vague dans la montée d'Aussois avec leur leader, Tijmen Graat, épaulé par Max van der Meulen, alors que Darren van Bekkum et Menno Huising étaient déjà aux avant-postes. "On avait un plan avec l’équipe et on l’a respecté à la perfection. Je suis très fier de mon équipe, on n’aurait pas pu faire mieux que ça aujourd’hui. On voulait avoir deux gars dans l'échappée, puis moi je devais attaquer avec un équipier pour les rejoindre. On l’a fait parfaitement", détaille le leader néerlandais. Avant que Joseph Blackmore ne sente aussi qu'il ne fallait pas tergiverser. "Le plan était d’attendre le sprint pour (Matthew) Brennan, j’aurais connu une journée plus tranquille. Je me serais contenté de l’emmener", s'amuse le Britannique.

Tout ce beau monde va finalement faire cause commune pour attaquer le pied du Mont-Cenis en tête. Derrière, l'Espagne de Pablo Torres pense pouvoir contenir la tempête. "Quand l'échappée est partie, j'étais bien. Je voulais laisser mon équipe faire le travail", admet le porteur du maillot jaune. Les Belges aussi prennent un éclat, car Jarno Widar n'est pas dans une bonne journée. "On espérait que Jarno puisse combler l’écart. Mais il n’était pas assez bien, comme l'étaient Blackmore, Bisiaux et Graat. Ils ont porté la même attaque. Mais à la fin, il faut avoir les jambes pour que ça marche", regrette Sven Vanthourenhout. La Belgique essaye de limiter la casse mais les kilomètres défilent aussi vite que les secondes dans le Mont-Cenis. "Quatre gars entouraient Jarno pour rouler et essayer de limiter les dégâts", ajoute le directeur sportif belge. 

« PEUT-ÊTRE QUE DES ÉQUIPES ONT ÉTÉ SURPRISES »

En haut du Mont-Cenis, Pablo Torres veut prendre les choses en main en personne et attaque. Il revient alors à une petite minute du groupe de tête. "J'y suis allé seul mais je n'ai pas pu rentrer. J'étais à une minute, mais ils étaient bien organisés devant, ils n'ont pas lâché". En effet, les pays qui ont réussi leur coup de force font cause commune. Tijmen Graat, bien accompagné, avait même évoqué ses plans avec Joseph Blackmore. "On en avait parlé, qu’on pouvait peut-être faire quelque chose ensemble, il avait un équipier devant et moi deux donc c’était parfait. Peut-être que d’autres équipes ont été surprises". Joseph Blackmore peut compter sur Louis Sutton. "Mon rôle était de rouler et l’aider autant que je pouvais. Même s’il était tellement fort aujourd’hui qu’il n’avait pas vraiment besoin de moi. J’étais là au cas où".

Joseph Blackmore a été surpris par Pablo Torres et Jarno Widar. "Je ne m’attendais pas à ce que des prétendants au classement général explosent. Je pense que les autres étaient aussi limités collectivement". À la bascule du Mont-Cenis, le mal est fait pour ceux qui ne sont pas à l'avant. L'histoire est pliée et le Tour de l'Avenir a bien basculé. "Le moment décisif a été quand les deux Néerlandais ont été capables de rentrer devant. Ils étaient quatre avant le Mont-Cenis. Ils ont été en mesure de rouler contre les Espagnols et économiser leurs gars qui devaient grimper", analyse Anders Lund. Dans la descente, les Britanniques se sont fait en plus plaisir. "La longue descente nous a beaucoup aidés parce que Joseph (Blackmore) est un coureur technique et un très bon descendeur", explique Louis Sutton. 

« L'UNE DES ÉTAPES LES PLUS DURES QUE JE N'AI JAMAIS FAITES »

François Trarieux a constaté les dégâts à l'arrière. "Il y en avait de partout. Le vent a joué un rôle. Dans le Mont-Cenis, Torres est revenu à une minute mais a plié les ailes comme les autres. C’était peut-être lui le plus fort dans les ascensions, mais aujourd’hui il s’est fait piéger parce que son équipe est décimée. Peut-être qu'il a aussi fait une erreur en laissant l’échappée partir et en n'ayant pas fait le jump comme Graat et Blackmore". Le dernier cité avait donc l'autoroute ouverte devant lui pour retrouver son maillot jaune perdu la veille. "Au cours de l’étape, je m'attendais à ce que ça tourne comme ça, mais au départ je ne pensais pas que ça pourrait arriver. C’est la course et elle m’a été favorable aujourd’hui. Ça nous a demandé beaucoup d’efforts mais ça valait le coup". Il n'a plus compté ses coups de pédale dans la partie plate. "J’ai roulé tellement fort dans la plaine que je n’avais plus rien pour le sprint. Je ne pensais qu’au maillot jaune". 

Derrière, Pablo Torres a jeté ses dernières forces dans la bataille. "C'était dur de pousser sur le plat, et ça allait trop vite devant". Opération réussie pour les équipes de France, des Pays-Bas et de Grande-Bretagne. "On s’attendait à pouvoir faire un coup aujourd’hui, avec le vent ça allait être très difficile de combler les écarts. C’est ce qui s’est passé donc on est très content de la physionomie. On a réussi notre coup", se réjouit François Trarieux. Mais il fallait encore s'expliquer au sprint pour la victoire d'étape. Et c'est Florian Samuel Kajamini, désormais 4e au général, qui a tiré les marrons du feu. "J'ai pu être le plus rapide après avoir bien négocié le dernier virage. J’avais de super jambes, c’est la plus belle victoire de ma carrière", exulte celui qui a gagné devant son public, au terme d'une étape sur laquelle Tijmen Graat conclut à merveille. "C’est l'une des étapes les plus dures que je n’ai jamais faites". Et ce, avant le Finestre, où il pourrait bien rester quelques traces. 

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