Le Tour du Rwanda de Pierre Moncorgé

Alors que la grande majorité des routiers ont arrêté la compétition à cette époque de l’année, Pierre Moncorgé (Team Vulco-VC Vaulx-en-Velin) a choisi de tenter l’aventure du Tour du Rwanda (2.2) avec le Team Reine Blanche (lire ici le bilan de l’équipe). Rentré ce mercredi d’Afrique, le coureur âgé de 20 ans raconte son épreuve à www.directvelo.com.

DirectVélo : Ce Tour du Rwanda n’était pas ta première expérience de course à l’étranger. Qu’est-ce qui t’attire sur ces épreuves-là ?
Pierre Moncorgé : Cela me plaît énormément de combiner vélo et voyage. Depuis que je pratique le vélo, je n’hésite pas à aller courir à l’étranger dès que j’en ai l’opportunité. Lorsqu’on voyage en tant que coureur, nous sommes des privilégiés en somme. J’ai fait déjà deux fois le Tour de Nouvelle-Calédonie. Et en juin dernier, j’ai participé au Tour du Singkarak (2.2) avec le Team Reine Blanche. Chantal Odezenne, la responsable de l’équipe, cherchait des coureurs du comité Rhône-Alpes et j’ai tenté ma chance en envoyant un CV et une lettre de motivation. Suite à ce Tour en Indonésie qui s’est très bien déroulé, elle m’a proposé de repartir au Tour du Rwanda.

Pourtant, cette course se déroulait en plein mois de novembre alors que la saison est terminée depuis un moment...
Même si le Tour du Rwanda se déroulait hors saison, j’étais motivé. Ce pays m’attire, je ne connaissais pas du tout cette partie de l’Afrique et j’avais eu de bons échos de la part de coureurs qui y étaient allés avec le Team Reine Blanche les années précédentes. J’ai coupé un petit peu quand même avant. Mais depuis le 8 octobre, je n’avais pas recouru en compétition. Le problème est que la condition s’acquiert en course donc je ne prétendais pas me rendre au Rwanda au top de ma forme, ce n’est pas possible à cette époque de l’année. Inévitablement, je savais que j’allais manquer de rythme au début. Néanmoins, sans décalage horaire important - seulement une heure - c’était déjà une bonne chose.

Un niveau très homogène et élevé

Comment s’est déroulée la course à ton échelle ?

Le parcours était vraiment très montagneux. Kigali, la capitale, est située à 1 500 m d’altitude. Il a fallu s’adapter. Le tracé était vraiment exigeant, même si les étapes n’étaient pas spécialement longues. Moi qui ne suis pas grimpeur, j’ai dû m’accrocher. D’autant que lors de la première étape, j’ai été déséquilibré dans le sprint et mon genou a tapé le guidon, j’ai ressenti une gêne par la suite.
Ma 3e place sur la quatrième étape était un peu inattendue, j’étais très content. Globalement, cette épreuve m’a surtout permis de progresser en montagne et de m’entretenir. J’adore la compétition et l’intersaison est parfois compliquée à gérer.

As-tu été surpris du niveau des Africains ?
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Mais effectivement, je ne pensais pas que le cyclisme africain était aussi développé. Le niveau est très homogène et les coureurs sont de très bons grimpeurs. Sur des cols de 18 kilomètres, il restait souvent encore un groupe de vingt-cinq coureurs en haut. C’est sûr que tactiquement, ils ont encore des progrès à faire. Cependant, les Erythréens m’ont fait forte impression, ils n’ont rien à nous envier. Je suis sûr que si certains d’entre eux venaient en France, ils gagneraient des Elite Nationale, après un petit temps d’adaptation. D’ailleurs, Natnael Berhane a très bien réussi, il en est la preuve.

Un engouement populaire autour de la course

Finalement, que retiendras-tu de ce Tour du Rwanda ?
Ce qui m’a le plus marqué, c’est la foule au bord des routes lorsque nous passions dans les villages. Là-bas, le Tour du Rwanda est l’événement sportif numéro 1, qui fédère les peuples Hutus et Tutsis aussi puisque l’équipe est composée des deux ethnies qui sont affrontées lors du génocide en 1994. Je n’ai jamais vu un tel engouement en France, c’était vraiment impressionnant. C’est super motivant. De plus, l’organisation est vraiment parfaite. Nous sommes très bien pris en charge, les gens sont très gentils. D’autre part, nous n’avions pas de transfert, c’était des villes étapes. Et je n’avais jamais l’impression d’être en danger. Les routes sont belles et nous étions en sécurité tout le temps.

Mais la sixième étape qui arrivait à 500 mètres de la frontière congolaise était plus ou moins incertaine ...
Ce fut le petit piment du voyage si l’on peut dire. En effet, l’étape arrivait à la frontière congolaise, près de la ville de Goma prise par les rebelles à l’Armée Nationale congolaise. Nous ne savions pas si nous allions pouvoir courir car les rebelles étaient plus ou moins soutenus par les Rwandais. Finalement, nous étions en sécurité.

« Le milieu du cyclisme en France reste encore assez conservateur »

As-tu pu faire connaissance avec la population locale et découvrir l’histoire torturée de ce pays ?

De premier abord, les Rwandais sont un peu réservés mais il suffit de leur faire signe pour qu’ils viennent vers toi. Ce ne sont pas des gens exubérants mais le contact est facile. En fait, l’étape avait lieu le matin et l’après-midi on pouvait aller visiter la ville, rencontrer des gens etc. J’ai bien sympathisé aussi avec des coureurs africains, les Kenyans et le Gabonais. Petit à petit des liens se créent sur une course de plus d’une semaine. Les relations sont plus amicales qu’en France au sein du peloton, on ne s’épie pas (sourires).

Comment expliques-tu parfois cette crainte d’aller courir à l’étranger ?
Le milieu du cyclisme en France reste encore assez conservateur, j’essaie de casser cela en racontant mes expériences. Ce qui est très paradoxal c’est que le cyclisme s’internationalise, mais les mentalités ne changent pas. Le cyclisme hors d’Europe mérite d’être plus reconnu que cela. J’ai hâte qu’un coureur comme le jeune érythréen Merhawi Kudus, qui a perdu le maillot jaune dans l'avant-dernière étape mais marqué le Tour de son empreinte, perce au niveau mondial. Il en a les moyens.

Maintenant, tu as le regard tourné vers 2013...
Oui, c’est sûr. Je vais déjà prendre un peu de repos, couper du vélo et rattraper mes cours, car je suis en 3e année de licence en Sciences politiques à l’université de Lyon II. Puis, il faudra se reconcentrer pour le début de la saison. Nous avons un effectif remanié avec le Team Vulco-VC Vaulx-en-Velin, l’équipe sera très jeune. Il nous faudra un temps d’adaptation je pense en début de saison et les ambitions seront moindres qu’avec des coureurs plus expérimentés. Mais les résultats viendront par la suite, j’en suis sûr.

Retrouvez en cliquant ici la fiche wiki de Pierre Moncorgé.

Crédit Photo : Team Reine Blanche

 

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