Freins à disque : pour ou contre ?
L'Union Cycliste Internationale a décidé d'étendre, à titre expérimental, à toutes les équipes UCI, du WorldTour aux équipes Continentales et féminines, l'autorisation d'utiliser des freins à disque pour les courses sur route.
Le CPA (Cyclistes Professionnels Associés), l'association internationale des coureurs a réagi en regrettant de ne pas avoir de représentants à la commission matériel de l'UCI. Le CPA demande "plus d'échanges sur ce dossier" et conclut, "il serait faux d'affirmer qu'ils (les coureurs) ont donné leur accord."
Pour alimenter le débat, DirectVelo a voulu connaître le point de vue de trois coureurs des trois Continentales françaises de la saison 2016. Ces trois coureurs, Fabien Canal (Armée de Terre), Jimmy Turgis (Roubaix-Lille Métropole) et David Menut (HP BTP-Auber 93), ont tous déjà essayé les freins à disque mais sur leur vélo de cyclo-cross ou leur VTT.
ÇA REPOND PAR TOUS LES TEMPS
"En VTT, ce n'est plus possible de courir sans", signale à DirectVelo.com David Menut, qui, en revanche, ne les a jamais essayés en cyclo-cross. Jimmy Turgis en a équipé son vélo de cyclo-cross, tout comme son frère Tanguy et il constate que "ça répond bien, par tous les temps." Fabien Canal a un avis plus tranché. "Je trouve que c'est déjà inutile en cyclo-cross car il n'y a pas de freinage d'urgence comme sur un parcours VTT. Quand tu as besoin de freiner dans la boue, tu t'arrêtes de pédaler, ça freine tout seul. Est-ce que ça vaut le coup de s'alourdir avec ces freins ?"
Mais tous les trois se rejoignent pour reconnaître l'efficacité du freinage de ce nouveau système. "Sur route mouillée, le freinage est puissant", précise David Menut. "Si l'expérimentation permet de voir si le freinag est meilleur, tant mieux", se félicite de son côté le coureur de Roubaix-Lille Métropole.
LES DISQUES PILENT PLUS VITE
Pour son utilisation en peloton, nos trois coureurs ne suivent pas la même roue. "Je ne vois pas en quoi cela peut gêner la sécurité des coureurs", s'interroge Jimmy Turgis. "Sur la route, ça peut donner des gros coups de frein au début", craint Fabien Canal, "car ceux qui auront les disques pileront plus vite que ceux qui ont des étriers à patins."
David Menut explique ainsi le freinage dans le peloton : "Dans le paquet on freine quand on entend le coureur devant nous freiner. Quand on est derrière un frein à disque, avec des patins, le temps de réaction est plus long."
Au Tour du Limousin, le coureur d'Auber 93 a pu côtoyer des coureurs du WorldTour -dont trois coureurs d'AG2R La Mondiale- qui essayaient ce système. "Et parfois, c'était chaud à cause de cette différence de temps de réaction." D'ailleurs, il a remarqué "qu'après trois jours, les coureurs étaient revenus aux freins à patins."
DEJA DES DIFFERENCES ENTRE PATINS
Jimmy Turgis constate que la différence de freinage existe déjà avec les étriers de frein, "tout comme avec les pneumatiques." Le coureur de Roubaix-Lille Métropole en a fait l'amère expérience au Grand Prix de Wallonie (lire ici). "Dans cette grosse chute, il y avait des freinages différents et pourtant, tout le monde était sur patins" rappelle-t-il.
Le coureur de Roubaix-Lille Métropole écarte aussi les craintes de coupure. "Mais il y a déjà les mêmes risques avec les plateaux", répond-il. L'effet "trancheuse à jambon" des disques en rotation effraie plus David Menut. "Que se passera-t-il si on retombe les doigts dessus ?", s'interroge-t-il.
UN COUP MARKETING
Dans l'insistance de l'UCI à étendre l'expérimentation des freins à disque sur la route, Fabien Canal voit une initiative des marques. "C'est surtout une question de marketing, pour faire vendre de nouveaux vélos, car quand tu passes aux freins à disque, il faut changer le cadre", rappelle le coureur de l'Armée de Terre.
Jimmy Turgis voit aussi un nouveau fossé entre les équipes riches et les autres qui n'auront pas les freins à disque. "Si tout le monde avait les freins à disque, ça irait mieux", pense de son côté le coureur de HP BTP-Auber 93.
MANQUE DE RECUL
"Le seul bémol est qu'on n'a pas de recul", conclut Jimmy Turgis. "Ça fait un peu peur mais il faut faire des essais", ajoute David Menut.
D'ailleurs, l'UCI parle bien d'expérimentation et promet que "l'utilisation des freins à disque sera attentivement supervisée tout au long de l'année dans l'optique de leur autorisation définitive dans le cyclisme sur route professionnel dès 2017."
Crédit photo : DirectVelo.com