Tour de Belgique : « Il ne fallait pas partir »
"En courant aujourd'hui, on donne l'impression qu'il ne s'est rien passé." Dries Devenyns a beau conclure ce Tour de Belgique orné du maillot rouge du vainqueur du classement général, aucun rictus de bonheur ne perce son faciès. "Ce devrait être ma plus belle victoire. Sportivement, je suis content. Mais je ne la considèrerai jamais comme une belle victoire", affirme-t-il.
La grave chute provoquée samedi par deux motos-signaleurs qui ont fauché une partie du peloton en pleine descente, a laissé des séquelles. Pas uniquement sur le physique des 19 blessés, dont le malheureux Stig Broeckx, toujours plongé dans le coma avec deux hémorragies cerébrales. Mais aussi sur l'esprit du peloton.
LOTTO-SOUDAL S'EST RETIRE
Lotto-Soudal, toujours marquée par l'événement, a décidé de ne pas s'aligner au départ. Le reste du peloton, Enrico Gasparotto en porte-parole en tête, souhaitait discuter avec les organisateurs avant d'envisager d'enfiler combinaison et casque pour courir, suite à l'appel du CPA, le syndicat des coureurs, de renoncer à l'épreuve. "Je préférerais rentrer à la maison", posait-il samedi soir, en quittant Verviers.
Finalement, Rob Discart, le directeur de course et représentant de Golazo, la société organisatrice, Sven Nys, manager de Telenet-Fidea et par ailleurs collaborateur de Golazo, les directeurs sportifs et les coureurs ont tenu une longue discussion, ce dimanche matin. "Une bonne initiative, mais je regrette l'absence de représentants de la fédération belge. Il faut se mettre autour de la table pour faire bouger les choses", estime Hilaire Van der Schueren, directeur sportif de Wanty-Groupe Gobert, déjà touché par l'accident mortel d'Antoine Demoitié à Gand-Wevelgem.
DEPART RETARDE
"Il fallait écouter tous les acteurs et envisager plusieurs solutions pour améliorer la situation pour le futur", réagit Rob Discart auprès de DirectVelo. "Les coureurs avaient des questions à poser, mais nous n'avons pas pensé à annuler l'étape."
Le départ a donc finalement été donné avec quelques minutes de retard. Le peloton, réduit à 152 unités, a parcouru la première boucle en cortège, avant de laisser la course reprendre ses droits. "Mais, malgré l'absence de consigne, il a fallu attendre une soixantaine de bornes avant la première attaque", souligne Devenyns. "Mais selon moi, il aurait fallu faire grève. Un signal fort, ce n'est pas discuter ou retarder l'étape. C'est de ne pas partir."
Quelques échappées se sont malgré tout dessinées. Notamment une offensive de Sébastien Delfosse et Iljo Keisse, une fois le peloton rentré sur les circuits. "Nous n'aurions pas dû courir, mais il manque un leader charismatique comme Boonen ou Cancellara pour dire stop", estime Delfosse. "Un mec se bat entre la vie et la mort à l'hôpital, c'était très morbide. Mais puisque nous avons pris le départ, il fallait faire la course. J'avais de bonnes jambes, et Baptiste Planckaert m'a dit de tenter quelque chose. Sous la pluie, tout peut se passer."
Zico Waeytens a remporté l'étape au sprint, au pied des remparts de Tongres. Anecdotique. "Je n'avais pas envie de partir", répète Devenyns, retardé par une chute dans les trois derniers kilomètres. "Nous n'avons pas cessé de discuter pendant la course. Mais c'est dommage que nous ne soyons pas unis, qu'il n'y ait pas une seule direction. Le peloton est partagé, c'est dommage. Je suis un peu en colère, mais je ne pointe personne du doigt."
DISCUTER
L'heure est maintenant à la réunion des acteurs du cyclisme pour faire évoluer la sécurité et éviter que des cas similaires se reproduisent. Golazo s'est d'ailleurs engagée à convoquer une table ronde. "Il faut établir un agenda, réunir organisateurs, fédérations, représentants des coureurs, des directeurs sportifs, des signaleurs, de la police, pour que toutes les parties soient impliquées et contribuent au progrès", précise Rob Discart.
Faut-il réduire le nombre de motos en course ? Vingt-cinq motards étaient engagés samedi dans la course. Dix pour protéger l'échappée, quinze pour le peloton. Sans compter la police, la presse et les motos de l'organisation. "Ils sont nécessaires au bon déroulement des courses", rappelle Van der Schueren. "Mais il faut placer un régulateur, sur une moto, qui connait parfaitement les parcours et gère les dépassements du peloton."