Matthieu Legrand : « Je ne suis pas fini »
Jusqu’à présent, la carrière cycliste de Matthieu Legrand pourrait s’apparenter à des montagnes russes. Alors qu’il faisait partie des meilleurs Juniors français, sur la route comme en cyclo-cross, le jeune homme avait décidé de tout arrêter, en plein milieu de la saison 2016 (lire ici). “Je ne prends plus aucun plaisir à rouler, j’en ai marre”, lâchait-il alors. Six mois plus tard, il refaisait son apparition sur les cyclo-cross, promettant avoir retrouvé la flamme. Mais il subit un nouveau coup d’arrêt par la suite et ne fait jamais véritablement parler de lui pendant les saisons 2017 et 2018. Finalement, revoilà (enfin) Matthieu Legrand sur le devant de la scène, en ce début de saison de cyclo-cross. 6e de la première manche de Coupe de France à Razès (voir classement), le Francilien du Team Peltrax-CS Dammarie-lès-Lys dit être plus motivé que jamais. Et il a même de grandes ambitions. DirectVelo fait le point avec le coureur de 20 ans avant la deuxième manche de la Coupe de France, à Pierric (Loire-Atlantique).
DirectVelo : Pourquoi as-tu décidé de reprendre le cyclisme à haut-niveau ?
Matthieu Legrand : Ce n’est pas venu d’un coup, comme ça… En fait, à la base, je voulais simplement retrouver le plaisir de rouler, parce que j’en avais envie. J’ai repris les sorties petit à petit, avec mon père. C’était dur au début, en mars dernier, mais j’ai vite retrouvé un bon petit niveau et au bout d’un mois, ça allait déjà bien mieux. Le fait de voir que ça revenait assez vite m’a donné l’envie de reprendre sérieusement au printemps, surtout à partir de mai-juin. Puis j'ai ressenti la motivation de faire une belle saison de cyclo-cross.
« JE PEUX VISER BIEN PLUS HAUT »
Et tu as terminé 6e de la première manche de Coupe de France en octobre !
Au début de la saison de cross, j’avais envie de faire de bons petits résultats, mais je voulais d’abord prendre du plaisir, et marquer quelques petits points UCI. Mais je n’avais pas de buts précis, si ce n’est de me replacer pour l’année prochaine.
Car tu as une vision à moyen et long terme ?
Oui ! Ce résultat m’a ouvert les yeux. Ça a remis les choses au clair dans ma tête. Maintenant, je sais ce que je veux. En début de saison, je m’étais dit “pourquoi ne pas faire dans les 20 lors d’une manche de Coupe de France”. Mais maintenant, je peux viser bien plus haut. J’ai déjà fait 6e d’une manche ! Alors pourquoi ne pas rêver de participer aux Championnats du Monde par exemple, si je continue à bien m’entraîner ? C’est possible.
Tu sembles une nouvelle fois faire les montagnes russes en passant d’une grande lassitude à une grande motivation…
Oui mais j’ai fait 6e à Razès en ayant encore une grosse marge de progression par rapport à des mecs qui sont déjà à bloc. Je suis parti en cinquième ligne… En partant mieux placé, ça ne peut qu’aller mieux. Et en plus, je n’avais pas encore beaucoup de gros entraînements dans les jambes. La logique voudrait donc que je puisse jouer les premières places.
« MONTRER AU STAFF DE L'ÉQUIPE DE FRANCE QUE JE SUIS LÀ »
Que fais-tu en dehors du cyclisme ?
Depuis un an et demi, je bosse sur les chantiers. Je me lève entre 5h et 6h et je rentre tard, ce n’est pas évident. Jusqu’à peu, je bossais 39h par semaine. Je suis passé à 35h pour avoir mon mercredi après-midi, ce qui me permet de faire une bonne sortie en plus. Mais c’est quand même fatiguant.
Et après ?
J’ai envie de faire une vraie saison sur la route. Maintenant que tout est clair dans ma tête, je vais tout mettre en œuvre pour arriver à mon but.
Quel est-il ?
Je n’aurais jamais imaginé dire ça il y a quelques mois encore mais je veux faire carrière dans le cyclisme, je veux passer pro et en faire mon métier. Je veux me donner à fond ! Dans un premier temps, ça va commencer par une grosse saison de cyclo-cross. Je veux montrer au staff de l'Équipe de France que je suis là. Si je pouvais retrouver le maillot bleu, ce serait déjà une première victoire pour moi.
« J’AI PROFITÉ DE MA JEUNESSE »
Pourquoi ne craquerais-tu pas une nouvelle fois, nerveusement, dans les prochains mois, comme tu l’as déjà fait plusieurs fois par le passé ?
Parce que dans ma tête, je suis plus fort. Quand j’ai arrêté le vélo, j’étais très déçu, de moi-même et des autres. J’ai traversé une mauvaise passe. Je ne regrette pas d’avoir arrêté à ce moment-là. J’ai fait ma vie... Mais c’est aussi grâce à ça que je sais que c’est ce que je veux faire à l’avenir.
Tu ne recherches donc plus les mêmes choses ?
Je ne sais pas trop comment l’expliquer... J’ai profité de ma jeunesse pendant quelques temps, ce que je ne pouvais pas faire avec le vélo. J’en avais besoin. Mais maintenant c’est fini. Je suis prêt à devenir sérieux et à penser vraiment au vélo. Je veux aussi montrer à tout le monde que je ne suis pas fini. Dans ce milieu, tout le monde veut te bouffer pour la première place, et c’est à celui qui enterrera les autres. Je n’étais sans doute pas prêt pour tout ça auparavant mais maintenant, j’ai changé. Je suis prêt !
Il y a près de trois ans, tu décrochais une médaille de bronze au Championnat de France de cyclo-cross Juniors. Cette période te semble-t-elle lointaine ?
Oui et non. Franchement, encore une fois, je ne regrette pas d’avoir arrêté le vélo entre temps. J’en avais besoin. Mais c’est clair que parfois, je suis dans mon lit et je regarde les photos de ces moments-là. Ce sont de superbes souvenirs, comme ceux en Équipe de France. Et j’ai envie de retrouver tout ça. Il est temps d’écrire les souvenirs de demain.