Thomas Voeckler : « Ce que je veux, c’est vibrer »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Cette fois, c’est bel et bien officiel : Thomas Voeckler devient, à 40 ans, le nouveau manager de l'Équipe de France professionnelle. Deux ans après avoir pris sa retraite sportive, il succède ainsi - avec effet finalement immédiat - à Cyrille Guimard au poste de manager des Élites.  L’ancien 4e du Tour de France 2011 a fait le point avec DirectVelo ce dimanche midi, à l’occasion d’une conférence de presse tenue en marge des Championnats de France de la Haye-Fouassière.

DirectVelo : Comment te sens-tu dans la peau du nouveau manager des Bleus ? 
Thomas Voeckler : Je suis ravi. J’ai le sourire jusqu’aux oreilles d’avoir eu la confiance du Président (Michel Callot) pour devenir le manager de l'Équipe cycliste professionnelle. J’ai toujours eu dans un coin de ma tête d’être un jour à la tête de l'Équipe de France professionnelle. Lorsque j’ai arrêté ma carrière en 2017, j’avais déclaré de manière sincère que j’aimerais le faire un jour, mais pas dans la foulée de ma carrière. Il fallait prendre un peu de recul. Lorsque l’on termine une carrière de coureur, il faut la digérer. Je pense avoir pu prendre ce recul pendant deux ans, justement.

« LES FRANÇAIS PEUVENT GAGNER ET C’EST HYPER MOTIVANT »

Tu as donc pu découvrir de nouvelles choses, durant ces deux dernières années ?
Je ne vais pas vous apprendre que durant toute ma carrière, j’ai appartenu à la même équipe, mais je tenais aussi à montrer pendant ces deux dernières années que j’avais également une vie professionnelle en dehors de cette équipe à laquelle j’ai appartenu. Au travers de mes activités, je tenais à le montrer, c’était important pour moi.

Pourquoi ce poste de sélectionneur te tient-il à coeur ?
J’ai un attachement avec l'Équipe de France. J’ai été dans l'Équipe de France Espoirs puis professionnelle. J’ai été sélectionné par des Moncassin, des Jalabert… On n’est pas dans le foot ou dans le rugby ; l’équipe nationale, c’est deux fois dans l’année, voire trois fois durant les années olympiques. Le gros du travail ne se fait pas ces jours-là. Pour moi, le travail se fait en amont. Il faut avoir un relationnel fort avec les coureurs pressentis. On a la chance d’avoir des coureurs français qui peuvent, aujourd’hui, gagner sur tous les terrains, mis-à-part contre-la-montre, où nous avons encore des progrès à faire. Je ne vous cache pas que si le contexte avait été différent avec, parfois, une Équipe de France qui se présentait simplement avec l’espoir de faire une échappée… Bon, peut-être qu’à l’époque, nous n’avions pas le talent nécessaire. En tout cas, aujourd’hui, les Français peuvent gagner et c’est hyper motivant de pouvoir les emmener à batailler ensemble, pour donner une bonne image de l'Équipe de France et de la Fédération.

Qu’es-tu venu chercher en prenant ce poste ?
Je ne suis pas là pour me mettre en avant. Je n’ai pas besoin de notoriété. Je ne me dis pas qu’être sélectionneur de l'Équipe de France va me faire de la pub, ça m’est complètement égal. Ce que je veux, c’est vibrer avec l'Équipe de France, et que tout le monde vibre avec nous, que tout le monde soit fier de l'Équipe de France : la presse, le public... J’espère que l’on va vous faire plaisir lors des courses.

« LA CLEF, C’EST D’AVOIR LA CONFIANCE DU COUREUR »

Comment comptes-tu travailler ?
Je veux un travail d’équipe et un état d’esprit, par rapport à la Fédération, aux entraîneurs et aux cadres techniques. L'Équipe de France professionnelle est le haut de la pyramide, mais il ne faut pas oublier ce qui permet à ce haut-étage de la pyramide d’exister. Je suis convaincu que l'Équipe de France professionnelle doit venir se greffer à la Fédération en place, à son fonctionnement. On travaillera beaucoup mieux si l’on va tous dans le même sens. Le jour où il y aura un bon résultat, je veux que tout le monde s’en sente un peu propriétaire, et non pas seulement celui qui montera sur le podium pour une médaille, ou peut-être plus. Du mécano à l’assistant, en passant par l’intendant, le Président, le DTN… Tout le monde doit avoir l’impression de contribuer à l’éventuel succès sportif.

Quelle méthode de travail imagines-tu mettre en place ?
La clef, c’est d’avoir la confiance du coureur pour avoir un collectif qui fonctionne. Je tiens un rôle d’ambassadeur auprès d’Amaury Sport Organisation (ASO) sur certaines épreuves. Cette année, ça s’est réduit à Paris-Nice et au Tour du Yorkshire : ce n’est pas non plus une centaine de jours de course dans l’année. J’ai également un rôle de consultant avec France Télévision, sur la moto. C’est différent d’un consultant en cabine car je suis là avant le départ, pendant la course, et après l’arrivée. Je considère que ces deux fonctions sont des avantages pour le manager de l'Équipe de France Pro, parce que ça crée une proximité avec les coureurs. Je n’aurai pas à me contenter d’un coup de fil une fois par mois. Je sais que quand j’aurai besoin de voir les coureurs, j’aurai accès à eux. Être sur la moto me permet aussi d’observer le comportement des coureurs en course, sur les plus grosses épreuves du calendrier.

Ce samedi avait lieu le Championnat de France Elites Femmes sur route. Quel regard portes-tu sur l’évolution du cyclisme féminin, et la place qu’il tient ou devrait tenir au sein de la Fédération ?
On a vu hier (samedi) une course magnifique du côté des féminines, et je crois qu’il y a un élan pour promouvoir le cyclisme féminin depuis quelques années. Alors, on n’est pas là pour dire qu’il y aura les mêmes moyens pour les féminines que pour le cyclisme masculin, ce n’est pas l’idée. Mais je crois qu’il est important que l'Équipe de France professionnelle s’attache à mettre en avant l’ensemble des catégories et notamment les féminines, parce qu’elles le méritent. Je suis convaincu que nous avons un beau réservoir du côté des féminines françaises. En concertation avec les entraîneurs nationaux des Équipes de France féminines, on mettra peut-être une ou deux choses en place.

« JE N’AI PAS D’ÉGO DÉMESURÉ »

As-tu eu l’occasion d’échanger avec Cyrille Guimard ?
J’ai tenu à échanger avec Cyrille, bien entendu. Mon entretien avec le Président a eu lieu jeudi. Ensuite, j’ai pris l’initiative de prendre contact avec Cyrille, pour lui dire qu’il était en poste et que j’étais tout à fait prêt à collaborer avec lui.

Es-tu déçu qu’il ait refusé cette période de transition à deux ?
Ce n’est pas une déception, non. Mais je pense que ça aurait pu être sympa, ce passage de relais. Je n'ai pas le millième de son expérience. J’ai quand même besoin d’apprendre beaucoup au niveau managérial. Au moins, je serai tout de suite dans le bain. Et si ça ne marche pas, je ne pourrai pas me reposer sur un autre (sourires). C’est super excitant.

Ce poste de manager peut-il être une transition avant de prendre la tête d’une équipe professionnelle ?
Le poste de manager de l'Équipe de France, anciennement sélectionneur, on y reste rarement dix ans. Ce n’est pas un scoop. Je n’ai pas d’égo démesuré, et je sais très bien que je ne serai pas manager de l'Équipe de France pendant vingt ans. Aujourd’hui, je ne pense qu’à cette Equipe de France et je suis hyper motivé. Mais s’il s’avère que je ne fais pas l’affaire dans deux ans, j’assumerai mon échec, et je ferai autre chose. Et oui, diriger un jour une équipe cycliste est toujours dans un coin de ma tête, bien entendu. 

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