Le Mouvement pour un cyclisme crédible (1) fait parler de lui. Dans son communiqué de presse du 4 décembre, le MPCC a dévoilé les informations apportées par Georg Preidler sur les méthodes de dopage sanguin dans le peloton professionnel : "Ils sélectionnent plusieurs étapes dans les courses et les Grands Tours. Le matin ils injectent du sang, et, après l'arrivée, ils extraient ce sang à nouveau (...). Le sang est extrait des coureurs et stocké au début ou pendant leurs vacances et au début des périodes où les coureurs ont une pause pendant la saison". Le communiqué évoque aussi l'utilisation d'une poudre, qu'il soupçonne être de l'AICAR, dissoute dans les bidons utilisés en fin de course.

Le MPCC n'est pas habilité à pratiquer à des contrôles antidopage mais, fort de ces informations, il demande à l'UCI de resserrer l'étau des contrôles sanguins. Le Mouvement préconise des prélèvements sanguins plus proches de l'heure de départ et juste après l'arrivée. Il recommande aussi à la fédération internationale d'être vigilante vis à vis des coureurs qui observent une pause pendant la saison, notamment pour ceux qui voyagent vers des destinations lointaines.

Toutefois, le MPCC procède à des contrôles sanguins inopinés chez ses équipes membres pour doser la cortisolémie et qui peuvent déboucher sur un arrêt de travail. L'année prochaine, les hormones thyroïdiennes seront également recherchées. Pour ce travail, l'association née en plein Tour de France 2007 va pouvoir compter sur un nouveau médecin. Pierre Lebreton a été choisi pour succéder au Docteur Armand Mégret, en poste depuis la création et mort en 2019. Celui qui est toujours coureur amateur à l'USSA Pavilly Barentin revient avec DirectVelo sur ce nouveau rôle.

DirectVelo : Comment es-tu arrivé au poste de docteur du MPCC ?
Pierre Lebreton : J'ai rencontré Marc Madiot pour la première fois en 2014. C'était à l'occasion d'un stage de détection de la FDJ. Je leur avais apporté mon profil de puissance mais il était insuffisant vu mon âge. En revanche, mon profil de coureur étudiant en médecine les avait plus intéressés. J'ai recroisé Marc Madiot au Championnat de France, nous avons discuté de mon activité. Puis il y a eu la mort d'Armand Mégret. Marc Madiot m'a dit d'aller me présenter à l'assemblée générale du MPCC en octobre. C'était un plaisir qu'ils acceptent ma candidature.

« UN DOMAINE QUI M'INTÉRESSE »

Qu'est-ce qui te plait dans cette mission ?
J'ai obtenu un diplôme universitaire de prévention et lutte contre le dopage, il y a deux trois ans à Châtenay-Malabry. C'est un domaine qui m'intéresse depuis plusieurs années. Je soutiens ma thèse en février et je devrais être enfin docteur fin avril 2020. Ça coïncidera avec le début de saison.

En quoi va consister ton travail ?
C'est un poste à responsabilité et je suis heureux de commencer par ce travail. La préparation d'un contrôle représente plusieurs jours avant la course contrôlée et ensuite il y a le travail de collecte et d'interprétation des données. Je ne dois pas être forcément présent sur place pendant le contrôle mais je dois être disponible. A vrai dire, je n'ai pas encore d'idée du temps que ça va me prendre. Je suis encore novice dans ce domaine et je ne pourrai pas bénéficier de l'expérience de mon prédécesseur. Mais j'ai hâte de commencer.

CORTISOL ET TSH EN 2020

Dans ses contrôles sanguins, que recherche le MPCC ?
Nous dosons le cortisol. C'est un moyen indirect de mesurer la prise de cortisone. Cette année, les contrôles ont été moins nombreux. Si on conclut à une prise exogène, ça signifie un arrêt de travail. Un taux de cortisol effondré, c'est un signe de grande fatigue de l'organisme.

En 2020, vous allez aussi vous intéresser aux hormones thyroïdiennes...
Le MPCC va contrôler le TSH (Thyréostimuline) en 2020. C'est un reflet indirect de la prise d'hormone thyroïdienne. On en tirera les conclusions au bout d'un an si on garde ou pas ce contrôle. Ce n'est pas toujours facile de trouver l'équilibre entre le contrôle indirect et l'adhésion volontaire des coureurs.   Notre but, c'est la prévention.

Quels sont les effets et les dangers de cette hormone ?
L'hormone thyroïdienne peut provoquer un trouble du rythme cardiaque si on en prend sans contrôle médical. L'avantage recherché est une pseudo-euphorie et la perte de graisse. Mais elle n'est pas toléré par le corps avec une prise sur le long terme.

« MOYENS SOUS-ÉVALUÉS POUR LE CYCLISME AMATEUR »

Le MPCC peut-il concerner les amateurs ?
L'association est financée par les équipes pros, elle ne fait donc pas de contrôles pour les clubs amateurs. La surveillance chez les amateurs est restreinte. J'ai demandé à une quinzaine de coureurs parmi les 25 premiers du Challenge BBB-DirectVelo le nombre de contrôles qu'ils ont eu cette saison. Pour les contrôles sanguins, leur nombre était compris entre 0 et 2. Pour les contrôles urinaires, c'était deux ou trois fois dans la saison. Sur mes 45 jours de courses cette année, je n'ai jamais été contrôlé. C'est peu mais c'est une question de moyens. Les moyens pour le cyclisme amateur sont un peu sous-évalué. Mais d'autres n'auront pas le même avis que moi.

Le Suivi médical réglementaire (SMR) des amateurs peut-il être comparé à l'action du MPCC ?
Le SMR dose le cortisol mais les contrôles ne sont pas inopinés et c'est souvent en début et en fin de saison.
De mon côté, j'essaie d'engager des actions dans mon club de l'USSA Pavilly Barentin. J'envisage de leur faire une présentation des risques du dopage et de leur parler de prévention.

« JE SERAI TOUJOURS COUREUR L'AN PROCHAIN »

Est-ce que le regard des autres coureurs va changer à ton égard ?
Je ne pense pas. J'ai reçu quelques félicitations qui m'ont fait plaisir mais cette nomination ne change pas grand'chose.

Auras-tu encore du temps pour courir ?
Je verrai pendant cette première année. Je ne serai pas pris tous les week-ends. Mais il y aura un temps incompressible de travail. Je serai toujours coureur l'an prochain, peut-être avec quelques week-ends de courses en moins. Mais je serai toujours là pour aider mon club de l'USSA Pavilly Barentin.

(1) Le MPCC regroupe 7 équipes du WorldTour, 20 Conti Pro, 9 Continental et 5 équipes féminines.