La Grande Interview : Dominique Garde
Dominique Garde est passé tous les jours à la télévision depuis le début de la semaine. Professionnel pendant onze saisons, il a participé à huit reprises au Tour de France, dont l’édition 1989, diffusée ces derniers jours sur le petit écran. L’occasion peut-être pour des pensionnaires du Pôle Espoirs de Saint-Etienne, où il encadre des jeunes coureurs depuis 1999, de découvrir que leur responsable a côtoyé les plus grands dans les années 80. Une chose est sûre, tous ont été marqués par l’ancien vainqueur du Midi Libre. Et lui ? “Je ne sais pas si j’ai des préférences, sourit-il. Mais je n’ai pas de coureurs à mettre en avant”, apprécie celui qui a vu notamment passer Quentin Bernier, Maxime Bouet, Thomas Damuseau, Romain Faussurier, Rayan Helal, François Lamiraud, Pierre-Luc Périchon, Guillaume Perrot, Melvin Rullière, Clément Russo ou encore Paul Sauvage. Le Pôle se relèvera-t-il de la crise liée au coronavirus ? “Pour moi, ça va se terminer rapidement. J’ai eu 61 ans le 18 mars”, rappelle ce grand passionné de sport qui n’a “jamais vraiment su” ce qu’il voulait faire dans la vie.
DirectVelo : Qu’est-ce que ça te fait de voir le Tour de France 1989 diffusé à la télévision ?
Dominique Garde : C’est quand même bizarre d’avoir le temps de regarder un Tour de France qui date de 31 ans en arrière en plein mois d’avril. Ça signifie que quelque chose de grave se passe. Ces diffusions occupent mais l’important aujourd’hui, ce n’est pas notre sport ou d’avoir regardé le Tour 89. Il faut mettre l’accent sur le fait qu’il y a des gens qui souffrent, des gens qui meurent, des gens qui travaillent dans des conditions extrêmes, des gens qui vont perdre leur travail, ou qu’il y a des scolaires qui s’ennuient et vont prendre du retard. On ne sait pas où l’on va. Le Tour 89, c’est un passe-temps. Tant mieux si ça peut faire décompresser des gens. J’ai pu redécouvrir des choses ou rigoler avec des copains autour de ça… C’est bien mais ce n’est pas la chose la plus primordiale aujourd’hui.
Avais-tu déjà revu ces images ?
Je n’ai jamais trop regardé en arrière. Je ne peux pas dire que j’en ai spécialement l’envie. Si je vois des choses de l’époque, je suis content mais le jour où ma carrière s’est terminée, elle était terminée. Les gens savent de moins en moins ce que j’ai pu faire, alors j’en parle de moins en moins. Mais honnêtement, sauf par hasard, je n’ai jamais revu des images de l’époque. J’ai donc redécouvert des choses ces derniers jours. Ça fait plaisir de regarder le Tour de France et d’essayer de se trouver à l’image. Je reconnais plus de coureurs que sur une étape du Tour d’aujourd’hui.
« PLUS ÉDUCATEUR QUE DIRECTEUR SPORTIF »
À ce moment-là, comment imaginais-tu ton après-carrière ?
C’est la question qu’on pose à tous les jeunes ou aux sportifs quand on sait qu’ils vont devoir arrêter. Pour moi, c’est simple : je n’ai jamais su ce que je voulais faire. Mon seul intérêt quand j’étais enfant, c’était le sport et peu importe lequel. J’aimais en faire. Le reste, je ne le faisais qu’avec très peu d'intérêt. La chance a voulu que je fasse une carrière professionnelle qui a duré onze ans. Ce qui est déjà bien… Je me suis justement posé des questions sur mon avenir à partir de 1989. Il me restait deux années à courir. J’ai eu le bon réflexe, grâce aux personnes autour de moi, de passer le Brevet d’État. J’étais ainsi paré pour continuer dans mon sport. Le hasard fait qu’on réalise ensuite telles ou telles choses. Je n’ai pas tout fait par choix.
Tu as commencé comme directeur sportif chez Chazal…
Vincent Lavenu m’avait parlé de son projet de monter son équipe. On a arrêté en même temps, et il m’a proposé de devenir directeur sportif adjoint. J’étais à la vacation. Il n’y avait pas les moyens d'aujourd'hui. J’ai fait environ 80 jours de courses la première année, 100-120 la seconde. Ça s’est bien passé. Jaan Kirsipuu a remporté une étape du Tour de l’Avenir. En 1993, on a gagné péniblement notre place pour le Tour de France. Ça m’a permis de le suivre comme cadre technique.
Pourquoi avoir arrêté avec Chazal après seulement deux ans ?
Directeur sportif chez les pros, c’est une vie particulière. On continue sa vie de coureur sans l’être. J’ai pris du plaisir mais je suis plus un éducateur qu’un directeur sportif. Je préfère former des jeunes que piloter la voiture derrière les coureurs. Ce n’est pas le même métier. Les cadres fédéraux m’avaient conseillé de passer mes diplômes. Avec le BE 2e degré, je pouvais devenir Cadre Technique dans un comité. J’ai eu le poste dans celui du Lyonnais mais je n’avais pas le diplôme du professorat de sport pour être validé comme Cadre Technique National salarié par Jeunesse et Sport. Pendant deux ans, j’ai donc été salarié par la FFC. Nous étions quatre dans ce cas-là, avec Lionel Marie en Normandie, Alain Vigneron en Alsace et Gilles Mas en Auvergne. J’ai pu faire des épreuves, comme le Circuit des Mines ou le Tour d’Autriche, avec l'Équipe de France. Avec Charly Bérard, j’avais préparé les coureurs pour le dernier Championnat du Monde du chrono par équipe disputé en Italie. Ils avaient terminé 2e. Il y avait Moreau, Anti, le Corse Bozzi et Déramé. C’était sympa.
Mais ça s’est arrêté…
La fédération a arrêté le contrat alors je suis devenu salarié du comité du Lyonnais. J’ai essayé de passer le concours de prof de sport pour être titularisé, mais je n’ai pas réussi à l’obtenir. Je n’ai pas fait des études énormes. J’avais de la peine à l’écrit. La concurrence était relevée, avec des Bac+5 alors que moi, j’avais 35 ans. On m'a mis le couteau sous la gorge, et j’ai échoué. Le pauvre jeune qui m’a remplacé, malgré son diplôme, a eu du mal à faire le travail que je faisais. Je reconnais que j’étais aigri d’être remplacé par un petit jeune qui débutait et ne connaissait pas trop le cyclisme. J’avais quand même cinq années de travail derrière moi, avec des médailles à la clé… J’étais connu dans ce milieu. Il y avait un peu de la jalousie de la part de Cadres Techniques qui avaient eux le diplôme. Ça a été la période la plus difficile de mon après-carrière.
« J’AVAIS DIT QUE JE NE REVIENDRAI PAS DANS LE VÉLO »
Comment as-tu rebondi ?
Un copain m’a récupéré dans son entreprise. J’ai bossé pendant deux ans et demi comme électricien. J’étais nul, pas manuel… J’ai fait ce que j’ai pu sur les chantiers. J’avais des enfants, il fallait bien les nourrir. Puis je n’étais pas quelqu’un qui aimait rester à la maison. Il fallait que je m’occupe mais ce n’était pas une partie de plaisir.
Comment es-tu revenu dans le vélo ?
Un jour, en 1999, en rentrant de vacances, le hasard a fait qu’il y avait dans le courrier le magazine Sud-Est Cyclisme. Il y avait une annonce comme quoi Monsieur (Pierre) Rivory cherchait un remplaçant pour être directeur du Pôle Espoirs de Saint-Étienne. J’ai vu cette annonce sans trop y prêter d’attention. Pierre Rivory, qui a été mon entraîneur, est mon oncle mais je ne savais même pas qu’il prenait sa retraite. Ma femme m’a dit que ce poste pouvait être bien pour moi. Je lui ai répondu que j'avais dit que je ne reviendrai pas dans le vélo. Mais elle a pris la température à droite et à gauche. Roger Pelletier, un ancien Directeur Technique National adjoint, m’a appelé pour me dire de faire acte de candidature. Il a insisté un peu lourdement alors je lui a dit de me dire l’heure du rendez-vous. J’étais un peu gêné par rapport à mon collègue qui m’avait embauché car il fallait vite commencer. Le temps de quitter le bleu de travail, je suis arrivé à la réunion avec une demi-heure de retard.
Et tu as été retenu...
S’il y a des entretiens où on est crispé, là j’étais cool de chez cool. Tous les gens présents me connaissaient. Il y avait quatre candidats, mais je savais que j’avais des grandes chances d’être pris. Mais ce n’était pas forcément un objectif. Je leur ai dit que si j’étais pris, je voulais une semaine de réflexion car je devais me désister de mon travail. Et, surtout, je n’avais pas vraiment envie de ce poste.
Pourquoi ?
J’étais sorti du vélo d’une manière pas très sympathique. J’étais rancunier. À l'entretien, c’est surtout moi qui posais les questions sur le poste. Le Pôle a été créé deux ans auparavant et, moi, j’étais plutôt de l’école de ceux qui disaient que le vélo pouvait se faire plutôt en club. Pour moi, il n’y avait pas forcément besoin d’un Pôle. Le soir-même de l’entretien, on m’a dit que j’étais choisi. Et après avoir réfléchi, j’ai dit oui.
« PARFOIS, J’AI CHERCHÉ AILLEURS »
Et bientôt 21 ans plus tard, tu y es toujours !
Je ne vais pas dire que je le regrette mais les conditions de départ n’ont pas forcément été respectées. Je me suis mis dans une galère même si je préfère cela à mon ancien métier. Je vais bientôt prendre ma retraite, et toute ma vie, j’ai travaillé sans être sûr du lendemain. Au Pôle, je n’ai jamais su si j’allais “faire” ma paie à la fin du mois. Le travail n’était pas une galère mais le côté financier, c’est usant. Mais je ne me plains pas, je ne suis pas un cas unique.
As-tu pensé arrêter à des moments ?
Parfois, j’ai cherché ailleurs. Je me disais que j’allais arrêter, et à d’autres moments, je disais plutôt : “ça va arrêter”. Je me souviens de certaines discussions avec la FFC. Il y avait parfois une certaine pression pour que ça arrête. Ce n’était pas à moi de prendre la décision de fermer le Pôle. Je voulais que ça continue, alors j’aurais eu honte de l’arrêter. Pour la suite ? On va voir comment on va sortir de cette crise.
Ça risque d’être compliqué...
C’était déjà difficile avant le coronavirus. Nous sommes en difficulté financière depuis des années. Il y a des mois très très compliqués. Honnêtement, je ne sais pas comment ça va se passer pour nous et pour beaucoup d’autres. J’ose espérer que l’État et les collectivités mettront l’argent là où il faut et qu’on ne le donnera pas aux clubs professionnels qui brassent des millions pendant qu’on laissera crever les autres.
Tu fais allusion à l’AS Saint-Étienne ?
Je parle d’une manière générale. Pour une municipalité, ça donne plus de voix de donner à des gens qui ont une cote de popularité qu’à des gens comme nous qui sommes d’illustres inconnus. Ce n’est pas moi personnellement qui vais former le futur Français vainqueur du Tour mais ça sera des gens comme moi. Nous avons perdu beaucoup de coureurs au départ des courses. On a plus de chances d’avoir de la qualité avec du nombre. C’est en donnant des moyens aux clubs, aux comités ou aux Pôles qu’on peut faire évoluer chaque sport.
« ON EST VU COMME DES ENNEMIS »
On parle souvent des DN mais rarement des Pôles. Existe-t-il une concurrence ?
Les Pôles ont été créés en 96-97 à la suite d'échecs dans différents sports lors de Jeux Olympiques. Ils ont été très bien acceptés et mis en valeur par certaines fédérations. Des sports olympiques, comme la natation ou la gym, ont vécu sur les Pôles. Leur élite passait forcément par les Pôles. En cyclisme, ça a apporté aux pistards. L’INSEP et Hyères ont été une grande réussite pour la FFC. Mais concernant la route, pour des dirigeants et beaucoup d’entraîneurs, le Pôle est adversaire du club. Ils ont l’impression qu’on leur vole leur coureur. Mais mon but est d’améliorer un coureur aussi bien pour moi, et ça ne me rapporte pas grand chose, que pour eux. Je travaille pour eux mais on est vu comme des ennemis. Je suis peut-être mauvais communiquant mais 20 ans après, j’ai l’impression de ne toujours pas avoir été compris. Je pense être un partenaire mais j’ai l’impression d’être un ennemi.
Existe-t-il des discussions ?
Il y a peu de contacts. C’est frustrant de voir un directeur sportif qui ne s’intéresse à rien de ce qu’on fait. Quand il y a un contact, ça vient souvent de nous et c’est parce qu’il y a un problème… Certains diront que je n’ai peut-être pas un contact facile. Je ne sens pas d’encouragement de la part de ces personnes, mais je ne généralise jamais. J’ai eu à un moment donné un souci avec tous les clubs de la région. Parfois, on a l’impression de ne pas les intéresser, et déjà ça, c’est frustrant.
Que réponds-tu à quelqu’un qui dit qu’un Pôle ne sert à rien ?
J’ai la certitude qu’on peut réussir sans passer par un Pôle mais c’est un moyen de poursuivre ses études dans de bonnes conditions, et de progresser en cyclisme dans une ambiance relativement sympa. C’est déjà beaucoup. Les choses ont évolué en 20 ans. Il y a désormais des entraîneurs personnels qui deviennent concurrents avec nous. Mais pour un jeune, c’est plus intéressant de rouler en groupe que seul. Un Pôle ne fait pas tout mais c’est une autre source pour réussir dans son sport.
Comment expliques-tu que tous les coureurs passés par ton Pôle soient si marqués ?
Il y a deux choses : la sympathie avec les entraîneurs, on les fait progresser sur le vélo et réussir scolairement. Ils ont dû apprécier notre manière de voir la vie. Quand ça se passe bien, on s’en souvient longtemps. Je suis sûr que Maxime Bouet appelle encore Jérôme Savart car il était son entraîneur en Juniors. On est une deuxième famille pour eux. Par ailleurs, ils vivent leur jeunesse ensemble. Ça laisse une trace, il y a des liens indélébiles. On se souvient toute sa vie de ses 20 ans. C’est pareil pour tout le monde.
Paul Sauvage dit que tu as une telle aura que tu n’as pas besoin d’élever la voix...
Je suis quelqu’un de calme mais il m’est arrivé de hausser le ton deux-trois fois. J’ai évolué au fil des années. J’espère être vu comme quelqu’un d’aimable. Si je fais un bilan, j’ai toujours voulu faire aimer mon sport. Je l’ai fait en ayant un minimum d’ennemis. J’ai toujours été bien avec les gens avec qui j’ai travaillé. Je n’ai jamais eu de soucis avec les organisateurs, mes dirigeants, les commissaires, les coureurs, leurs parents etc.
Tu aimes bien accompagner tes coureurs sur un derny à l'entraînement...
Le derny est une manière de rester près du coureur. J’aime bien parler de placement ou d’abri… J’ai toujours eu envie d’être un entraîneur qui enseigne. C’est plus efficace en étant sur le derny. Les cyclo-crossmen me disent parfois aujourd’hui “tu te rappelles quand tu courais à côté du derny tellement tu avais froid”. Quand on vit ça ensemble, le jeune s’en rappelle toute sa vie. Il ne peut pas dire qu’il a eu froid alors que l’entraîneur est glacé à côté de lui. Le jeune s’arrache encore plus, ça crée des liens.
« LES COUREURS NE CONNAISSENT PAS MA CARRIÈRE »
Parfois, tu dois dire à un coureur qu’il n’aura pas la carrière espérée...
Un jeune arrive au Pôle bourré d’espoirs. Huit sur dix disent qu’ils veulent passer pro en débarquant. Mais les choses sont vite claires. Chacun se retrouve rapidement à sa place. Je ne vais pas dire à un jeune : “tu ne vas pas passer pro”. Je dis plutôt : “ton objectif c’est de suivre le peloton, puis d’attaquer, puis gagner une course”. Un coureur n’est pas fou. Au bout de deux-trois mois d'entraînement, il voit où est sa place au Pôle. Ses rêves peuvent alors tomber, mais il faut l’encourager pour atteindre ses objectifs et progresser pour aller le plus haut possible en fonction de ses qualités. C’est déjà une fierté de faire d’un coureur un bon 1ère catégorie.
Ta carrière pro te sert-elle encore aujourd’hui ?
Il n’y a pas besoin d’avoir été pro pour savoir certaines choses mais disons que ça permet de les asseoir. Les coureurs vont bien me reconnaître en lisant ça mais j’ai appris, en étant pro, une chose : on est tout seul chez soi alors ça demande de l’organisation. Quelqu’un de mal organisé aura du mal à réussir. C’est pareil pour un étudiant en médecine. En se levant le matin, un cycliste doit déjà savoir ce qu’il va faire jusqu’au soir. C’est la base. C’est aussi hyper important d’avoir des qualités techniques. C’est plus important d’être bien placé dans le peloton qu’être fort dans le peloton. Je n’étais pas le plus fort mais la cassure se faisait souvent derrière moi. Les jeunes rient quand je dis ça. Ils sont Cadets et Juniors, et mais dès qu’ils arrivent en 1ère catégorie, ils disent ; “l’autre, il n’avait peut-être pas tort”. Ceux qui passent le cap au-dessus, c’est qu’ils ont compris que je leur disais des choses importantes. L’entraîneur, qui a l’ordinateur, lui, il dit plutôt : “tu feras ça ou ça...”. Il n’ira pas se geler sur le derny avec eux et leur parler de placement. On peut apprendre ces choses dans un Pôle avec une personne comme moi qui a connu tout ça.
Les coureurs savent-ils que tu as été professionnel pendant onze ans ?
Les coureurs ne connaissent pas ma carrière, leurs parents non plus… Peut-être leurs grands-parents à la limite. La grande majorité n’en a rien à foutre. En 20 ans, le nombre de jeunes qui m’a posé des questions sur ma carrière est infime. Une fois, on allait faire la Bernaudeau Junior et ça tombe toujours le week-end de Milan-San Remo. En parlant comme ça, j’ai dit dans la voiture que j’ai dû disputer la course six ou sept fois. Il y a eu un blanc. Et ils me disent : “ah, tu as fait Milan-San Remo ?”. Ils étaient surpris. Ils se sont posés des questions. J’ai dit : “regardez sur internet, j’ai fait 18e une année”. Ils sont allés vérifier et ont pu le voir. Ils se sont mis à me poser des questions. Ils ne se rendent pas vraiment compte de tout ça.
Comment l’expliques-tu ?
Le vélo est un sport individuel, et les cyclistes sont très individualistes. Ils pensent à leur carrière. Moi, gamin, je connaissais le palmarès des cyclistes pros, de l’AS Saint-Etienne, de Villeurbanne en basket, de Saint-Martin-d’Hères en handball ou le nom du Champion de France de cross-country. C’est un peu triste même si je ne leur en veux pas de ne pas connaître ma carrière. Je suis un lambda parmi les lambdas. Mais c’est dommage de manquer de curiosité. C’est sympa de savoir qui a fait quoi dans son sport. Ça peut toujours te servir de savoir pourquoi un coureur a perdu le Tour de France. Le coureur qui sait, il montre qu’il a une réflexion par rapport à la course. Pour ma première course, je connaissais déjà des choses grâce à ce que j’avais lu ou entendu. Les coureurs s’arrêtent juste à ce qu’ils ont fait eux, et le jour où ils sont battus, c’est compliqué. Il faut avoir un esprit un peu plus large.
Tu es plus fier de ta carrière de coureur ou celle d’éducateur ?
Bonne question. Je ne suis pas d’une nature individualiste. J’aurais plutôt tendance à dire l’ensemble… J’ai été un bon petit coureur et, je pense, un bon encadrant. J’ai quand même préféré ma carrière de coureur. J’ai beaucoup de fierté d’avoir disputé le Tour de France, surtout qu’il m’a fallu du temps pour gagner ma première course. Je suis parti de bas. J’ai mis du temps à construire ce que j’ai fait. Le sport m’a beaucoup apporté car je n’ai jamais su ce que je voulais faire. Je suis fier d’avoir donné à mon sport ce qu’il a pu m’apporter.